Refus de vente ou de prestation de services aux consommateurs : vos droits et recours


Le commerçant a l'obligation de vendre à un consommateur. S'il oppose un refus, sans motif légitime, il peut être sanctionné pénalement. Les sanctions sont plus importantes encore si ce refus est fondé sur une discrimination (âge, sexe, origine, etc.). 

 

Faites le point sur les règles applicables avec la fiche pratique de l'Institut national de la consommation. Vous y trouverez des exemples et, en cas de litige, des informations sur vos recours.

 

 

1 - Le refus de vente de nature économique

1.1 - Le refus de vente est sanctionné pénalement

1.2 - Le refus de vente est exceptionnellement admis pour motif légitime

 

2 - Le refus de vente fondé sur une discrimination

2.1 - Ce que dit la loi sur la discrimination et les sanctions

2.2 - Exemples de discrimination

2.3 - Prouver une discrimination

2.4 - Vos recours en cas de refus de vente discriminatoire

 

 

1 - LE REFUS DE VENTE DE NATURE ECONOMIQUE

1.1 - Le refus de vente est sanctionné pénalement

"Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un service (…)" (article L. 121-11 du code de la consommation). En d’autres termes, le professionnel ne peut, au nom de sa liberté contractuelle, refuser que vous achetiez un produit ou un service qu’il propose à la vente.

 

L’interdiction s’applique à "toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public" (article L. 121-11 alinéa 4 dudit code).

 

Elle concerne uniquement les relations entre un professionnel (commerçant, prestataire de service...) et un consommateur. En effet, depuis la loi n°96-588 du 1er juillet 1996, dite "loi Galland", le professionnel peut légitimement refuser de vendre un bien ou un service à un autre professionnel.

 

Les sanctions du refus de vente de nature économique

Le refus de vente est sanctionné pénalement par les peines d’amendes prévues pour les contraventions de la cinquième classe – soit 1 500 euros maximums pour une personne physique et 7 500 euros pour une personne morale (articles 131-13, 5° et 131-38 du code pénal).

 

Vos recours en cas de refus de vente de nature économique

Si vous êtes en mesure de prouver le refus du professionnel, vous pouvez adresser une plainte au procureur de la République.

Le refus de vente est une infraction instantanée. Elle est constituée "au moment même et, par voie de conséquence, au lieu où la décision de refus de vente a été prise" (Cass. crim., 28 avril 1986, n° 85-92398). La juridiction compétente est donc celle du lieu du refus et non celle du lieu de livraison des produits.

 

Vous pouvez également demander la réparation de votre préjudice sous forme de dommages et intérêts devant les juridictions civiles, en invoquant la responsabilité pour faute du professionnel (article 1240 du code civil).

 

Si vous n’avez pas d’éléments de preuve, vous pouvez toujours signaler le refus à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Si celle-ci, à la suite d'une enquête, constate l’infraction, elle peut enjoindre au professionnel de cesser ses pratiques ou transmettre le dossier au procureur de la République.

 

Vous pouvez par exemple signaler les faits sur la plateforme SignalConso.gouv.fr éditée par la DGCCRF ou via l'application SignalConso (disponible gratuitement sur App Store et Play Store).

 

Pour obtenir une aide, voire une intervention, vous pouvez prendre contact avec :

 

  • une association de consommateurs agréée qui pourra vous informer sur vos droits, intervenir en vue d’un règlement amiable, et vous aider dans vos démarches pour une éventuelle action judiciaire,
  • un point-justice qui vous renseignera gratuitement sur les procédures. Un annuaire de ces lieux et de nombreux autres renseignements figurent sur le site du ministère de la Justice, rubriques "Vos droits et démarches" ou "Justice de proximité",
  • le Centre Européen des Consommateurs France, si vous estimez être victime d'un refus de vente par un professionnel de l’Union européenne, de l'Islande ou de la Norvège. Vous pouvez le solliciter directement par le formulaire en ligne ou par téléphone [0049 7851 991 48 0 ; 820 200 999 (0,12€/min)].

 

1.2 - Le refus de vente est exceptionnellement admis pour motif légitime

Le professionnel peut déroger au principe d’interdiction s’il a un "motif légitime" (article L. 121-11 du code de la consommation). La notion de "motif légitime" n'est pas définie par la loi. Ces exceptions ont pu être identifiées notamment par les tribunaux.

 

  • L’indisponibilité du produit ou du service
    La Cour de cassation a reconnu par exemple, que "le refus de vente d’un contraceptif n’est pas pénalement punissable, dès lors que le pharmacien ne dispose pas du produit demandé" (Cass. crim., 16 juin 1981, n° 80-93379).
    Le refus de vente est donc légitime si le professionnel n’a pas, ou n’a plus, le produit que vous désirez.
    Aucun texte légal n'impose au professionnel de se réapprovisionner spontanément. Il n’est pas tenu de commander, de lui-même, le produit indisponible, ou absent du stock, que vous souhaitez acheter. C’est à vous d’en faire la demande.

 En période de soldes, il est interdit au vendeur de se réapprovisionner. Les soldes doivent uniquement porter sur des marchandises qui ont été proposées à la vente et payées depuis au moins un mois (article L. 310-3 du code de commerce).

> Pour en savoir plus sur les soldes, consultez les fiches pratiques de l'INC "Les soldes : Vrai/Faux" et "Promotions et soldes, une différence ?".

 

  • Un refus justifié par des conditions de sécurité
    Le professionnel peut refuser de fournir un service en invoquant des conditions de sécurité : refus d'une sortie en mer ou en montagne en raison des conditions météorologiques, refus d'accès à une attractation pour des raisons de sécurité (taille, âge, etc.), refus d'un cours de plongée en raison de l'inaptitude physique du client...
  • Le refus de moyens de paiement (chèque, carte bancaire)
    Le commerçant peut refuser le paiement par chèque, à condition d'en avoir informé préalablement la clientèle. Cette interdiction du paiement par chèque doit être visible notamment par affichage, à l'entrée du commerce, au niveau du lieu de paiement (caisse, comptoir...).

  Le professionnel ne peut pas refuser, de manière générale, les chèques dont l’adresse du titulaire n’est pas située dans le département ou les départements limitrophes du commerçant. Une telle pratique constitue, selon le Défenseur des droits, une discrimination à raison du lieu de résidence (voir "Le vendeur peut-il refuser un chèque en raison du lieu de résidence du client ?".

 

Le paiement par carte bancaire peut également être refusé, dans les mêmes conditions que pour le chèque. Le commerçant peut aussi imposer un montant minimal, à condition de l'afficher.

 

> Pour en savoir plus, lisez les fiches pratiques de l'INC "Le chèque", "Comment payer avec sa carte bancaire ?"

 

Les pratiques de géoblocage sont interdites au sein de l'Union européenne et au sein du territoire national

 

Le géoblocage consiste à traiter différemment les consommateurs en fonction notamment de leur lieu de résidence, pour l'accès à un site internet, pour les conditions d'achat d'un produit ou d'un service.

 

  • Les pratiques de géoblocage au sein de l'Union européenne sont interdites depuis décembre 2018
    Les professionnels ne peuvent pas bloquer ou limiter l'accès par les consommateurs à un site ou à une application smartphone pour des motifs liés par exemple à la nationalité, au lieu de résidence ou au lieu de connexion de l'ordinateur. Les consommateurs ne doivent pas être redirigés automatiquement vers un site national sans leur accord.

Ces pratiques sont interdites par le règlement (UE) 2018/302 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2018.

 

Elles sont sanctionnées en France par une amende administrative, dont le montant ne peut excéder 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale (article L. 132-24-1 du code de la consommation). Les faits peuvent être signalés notamment via la Plateforme SignalConso.gouv.fr.

 

> Pour en savoir plus sur l'interdiction du géoblocage, lire l'article " Fin du géoblocage en Europe : une bonne nouvelle pour vos achats en ligne" sur le site du Centre Européen des Consommateurs France. 

 

  • Les pratiques de géoblocage au sein du territoire national sont interdites depuis décembre 2020
    La pratique de géoblocage pour des motifs liés au lieu de résidence sur le territoire national de ce consommateur, notamment pour les consommateurs situés dans les Outre-Mer qui serait commise par un professionnel situé sur le territoire de la métropole (article L. 121-23 du code de la consommation).

Cette pratique est punie par les mêmes sanctions que celles applicables pour les pratiques de géoblocage évoquées ci-dessus (article L. 132-24-2 dudit code). Les faits peuvent être signalés notamment via la Plateforme SignalConso.gouv.fr.

 

  • Le caractère anormal de la demande
    La demande est considérée comme anormale dès lors qu'elle n'est pas conforme aux conditions de vente ou de prestation de services habituellement proposées par le professionnel. L’anormalité de la demande peut ainsi résulter de la quantité des produits demandés (500 boîtes de lentilles, quelques centilitres d’essence, etc.) ou des modalités de livraison. De même, le professionnel est en droit de s’opposer à la vente de l’un de ses produits si vous présentez des qualifications exigées par la loi ou des installations insuffisantes, par exemple pour la détention de certains nouveaux animaux de compagnie qui nécessite une autorisation préfectorale ou un certificat de capacité pour leur entretien.

    La jurisprudence fait également entrer dans les demandes anormales celles émanant de demandeurs à l'insolvabilité notoire. Ainsi par exemple, la Cour de cassation a jugé, comme justifié, le refus donné à un client qui ne présentait pas des garanties suffisantes (Cass. com., 18 avril 1989, n° 87-17621).
     

  • La mauvaise foi de l’acheteur
    Le comportement insultant et l’impolitesse d’un consommateur peuvent également justifier un refus de vente (CA Versailles, 7 mars 2003, n° 01-04329). En l’espèce, un club de sport avait refusé de renouveler l’abonnement de l’un de ses adhérents en raison des remarques désobligeantes qu’il avait faites à de nombreuses reprises et ce, malgré des rappels à l’ordre réitérés.

  • L’ordre de la loi
    "N’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou règlementaires" (article 122-4, alinéa 1er du code pénal). Le refus peut donc être justifié en raison d’une interdiction ou d’une autorisation légale.

Exemples d’interdictions légales :

 

Nota : le refus de servir de l'alcool à une personne manifestement ivre ou troublant l'ordre public dans un établissement constitue un motif légitime (le commerçant pourrait engager sa responsabilité en cas d'accident par exemple, voir son commerce fermé par mesure administrative).

 

Exemples d’autorisations légales :

 

  • les activités de presse. Pour la Cour de cassation, les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, "en ce qu'elles posent le principe de la liberté de la presse et celui de la responsabilité tant pénale que civile du directeur de la publication d'un journal, quelle que soit la nature de l'article publié, ont pour conséquence de légitimer (…) les refus d’insertion, même non motivés" (Cass. crim., 3 octobre 1983, n° 83-90512) ;
  • les activités bancaires. Par exemple, un banquier peut refuser l’ouverture d’un compte ou l’octroi d’un prêt (Cass. civ. I, 11 octobre 1994, n° 92-13947).

À noter L’article L. 312-1 du code monétaire et financier reconnaît l’existence d’un droit au compte. L'ouverture d'un tel compte intervient après remise auprès de la banque d'une déclaration sur l'honneur attestant le fait que vous ne disposez d'aucun compte. En cas de refus, vous pouvez saisir la Banque de France afin qu'elle désigne un établissement situé à proximité de votre domicile ou d'un autre lieu de votre choix.

 

> Pour en savoir plus sur le droit au compte, lisez la fiche pratique de l'INC "Tout savoir sur le droit au compte".

 

  • Les contrats intuitu personae (en fonction de la personne du cocontractant)
    L’interdiction du refus de vente ne concerne que des produits et services indifférenciés ou standardisés. Les biens immobiliers par exemple, n’entrent pas dans le champ d’application de l’article L. 121-11 du code de la consommation (TGI Grenoble, 6ème ch., 24 mars 1994).
    Sont exclus également les contrats conclus intuitu personae, c’est-à-dire en considération de la personnalité du cocontractant. Ainsi, un médecin peut légitimement refuser ses soins à un patient pour des raisons professionnelles (le refus ne devant pas être fondé sur une discrimination ANCRE Voir "Le refus de soin en matière de santé"). De même, un avocat peur refuser de s'occuper de l'affaire que vous souhaitez lui soumettre s'il estime que la matière en cause ne relève pas de son domaine de compétence

À noter L'hygiène corporelle défaillante d'un client incommodant les autres clients ne semble pas avoir été retenue comme motif légitime d'un refus de vente (Réponse à la Question écrite n°01956, Sénat 04/10/2018).

 

En revanche, les convenances personnelles du professionnel ne peuvent jamais constituer un motif légitime. Ont ainsi été sanctionnés :

 

  • le garagiste qui refusait de reconduire un contrat réservant un emplacement dans son garage (Cass. crim., 8 novembre 1967, n° 66-93571) ;
  • le bailleur qui refusait de reconduire un contrat de location d’une durée déterminée d’un emplacement de « mobil home » (Cass. civ. III, 13 mai 2009, n°07-12478) ;
  • le pharmacien qui refusait de délivrer des produits contraceptifs faisant l’objet de prescriptions médicales, pour des raisons religieuses (Cass. crim., 21 octobre 1998, n° 97-80981) ;
  • le commerçant qui refusait de vendre un article exposé en vitrine pour ne pas défaire son étalage (Tribunal correctionnel Mâcon, 26 juin 1985).

Bon à savoir Le juge doit rechercher d’office si le refus a été dicté par un motif légitime (Cass. crim., 14 mai 1990, n° 88-87575). Le refus peut donc être considéré comme justifié même si le professionnel n’invoque aucun motif.

 

 

2 - LE REFUS DE VENTE FONDE SUR UNE DISCRIMINATION

L’article L. 121-11 du code de la consommation ne permet pas de sanctionner le refus de vente entre consommateurs. De plus, ce texte est inadapté au cas particulier d’une discrimination tenant à la personne même du demandeur. C’est la raison pour laquelle le législateur a institué le délit de discrimination (articles 225-1 et suivants du code pénal).

 

2.1 - Ce que dit la loi sur le délit de discrimination et ses sanctions

 

Ce qu'est une discrimination au sens du code pénal
Constitue une discrimination, "toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison :

 

  • de leur origine,
  • de leur sexe,
  • de leur situation de famille,
  • de leur grossesse,
  • d leur apparence physique,
  • de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur,
  • de leur patronyme,
  • ce leur lieu de résidence,
  • de leur état de santé,
  • de leur perte d'autonomie,
  • de leur handicap,
  • de leurs caractéristiques génétiques,
  • de leurs mœurs,
  • de leur orientation ou identité sexuelle,
  • de leur identité de genre,
  • de leur âge,
  • de leurs opinions politiques,
  • de leurs activités syndicales,
  • de leur qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des  1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique,
  • de leur capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français,
  • de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée" (article 225-1 du code pénal).

La discrimination peut être :

 

  • directe, lorsqu'elle consiste en un acte volontaire, intentionnellement discriminatoire d’un individu ou d’un groupe d’individus, lorsqu'elle est nettement visible, affichée ou revendiquée (exemple : refus d'accès à un hôtel avec des enfants).
  • indirecte, lorsque des mesures apparemment neutres défavorisent, de fait, de façon importante, un individu ou un groupe d’individus (exemple : une banque qui n'accepte que la carte d'identité française comme pièce d'identité).

L’article 225-2 du code pénal précise les modalités de la discrimination : "La discrimination (…) est punie lorsqu'elle consiste :

 

- A refuser la fourniture d'un bien ou d'un service.

2° - A entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque.

3° - A refuser d'embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne.

4° - A subordonner la fourniture d'un bien ou d'un service à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 225-1 (…).

Lorsque le refus discriminatoire prévu au 1° est commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d'en interdire l'accès, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende".

 

La notion de "bien ou service" est entendue largement. Elle s’étend à toutes les choses qui sont susceptibles d’être l’objet d’un droit, et qui représentent une valeur pécuniaire ou un avantage. Ainsi a pu être sanctionné par exemple, un propriétaire qui refusait de louer un appartement à un malade du sida, après avoir pris connaissance de sa maladie (Cass. crim., 25 novembre 1997, n° 96-85670).

 

  • Les sanctions de la discrimination au sens du code pénal
    L’auteur de la discrimination encoure trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende (article 225-2 alinéa 1er du code pénal. Si le refus discriminatoire ayant consisté à refuser la fourniture d'un bien ou d'un service a été commis dans un lieu accueillant du public ou aux fins d'en interdire l'accès, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende (même texte, alinéa 2). Tel est par exemple le cas pour l'accès à un magasin.

    Le taux maximum de l’amende est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques lorsque la discrimination est commise par une personne morale (société par exemple).

2.2 - Exemples de refus de vente fondé sur la discrimination 

 

  • Le refus d’une compagnie aérienne d’embarquer des personnes handicapées, non accompagnées, au motif que le personnel n’est pas formé pour assurer leur sécurité (Cass. crim., 15 décembre 2015, n° 13-81586).

  • Le refus d’une agence immobilière de préparer un contrat de bail au nom d’une personne en raison de son patronyme (Cass. crim., 7 juin 2005, n° 04-87354).

  • Le refus de l'hôtelier de louer une chambre à une femme "blanche" accompagnée d'un homme "noir" (CA Douai, 25 juin 1974).

  • Le refus d’une gérante d’un débit de boissons de servir de la bière à des clients d’origine nord-africaine (TGI Strasbourg, 21 novembre 1974).

De même, la modulation des tarifs des contrats d’assurance automobile en fonction du sexe du conducteur constitue une discrimination (CJUE, 1er mars 2011, affaire C-236/09).

 

À noter La pratique des tarifs réduits proposés dans certains secteurs de services (spectacles, musées, transports, etc.) pour des personnes de différentes catégories (jeunes, personnes âgées, chômeurs, etc.) est communément admise à condition que les tarifs soient clairement affichés et justifiés.

 

En revanche, consentir un rabais aux seuls ressortissants d'un pays est une pratique discriminatoire (Réponse ministérielle n° 70663, publiée au JOAN le 29 août 2005).

 

Le refus de soin en matière de santé

 

En matière de santé, le refus de soins est proscrit par :

 

- l'article R 4127-7 du code de la santé publique "Le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, leurs moeurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu'il peut éprouver à leur égard",

 

- l'article 7 du Code de déontologie médicale,

 

- l'article L. 1110-3 du code de la santé publique "Aucune personne ne peut faire l'objet de discriminations dans l'accès à la prévention ou aux soins.

Un professionnel de santé ne peut refuser de soigner une personne, y compris refuser de délivrer un moyen de contraception en urgence, pour l'un des motifs visés au premier alinéa de l'article 225-1 ou à l'article 225-1-1 du code pénal ou au motif qu'elle est bénéficiaire de la protection complémentaire en matière de santé prévue à l'article L. 861-1 du code de la sécurité sociale, ou du droit à l'aide prévue à l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles".

 

> Sur l'application de ces textes, consultez le document "Code de déontologie médicale et ses commentaires, Ordre national des médecins, 2022), la page "Discriminations et soins" du site du Conseil national de l'Ordre des médecins.

 

 

2.3 - Prouver une discrimination

 

  • La charge de la preuve d'une discrimination incombe en principe au  plaignant.

 Tous les moyens de preuve ne sont pas recevables. L'enregistrement à l'insu du professionnel, par exemple, n'est pas admis devant une juridiction civile alors qu'il pourra l'être devant une juridiction pénale. De même, vous ne pouvez pas produire en justice des pièces appartenant au magasin : il s'agit d'un vol.

 

En revanche, le législateur autorise la pratique du testing (article 225-3-1 du code pénal). Également appelé "test de situation" ou "test de discrimination", le testing consiste à comparer les traitements réservés à deux personnes placées dans une situation comparable dans le cadre d’un processus de sélection.

 

Pour que ce test soit concluant, il faut rendre incontestable la différence de traitement, l’identification de l’auteur de l’acte et le motif à l’origine du comportement discriminatoire. Il peut prendre la forme, par exemple, d’une candidature factice pour un emploi, les CV envoyés au recruteur présentant le même profil, à l’exception du critère testé (l’âge, l’origine, etc.).

 

Le testing est également admis devant les juridictions civiles (article 4 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 modifié).

 

> Pour en savoir plus sur les conditions de réalisation et de production des testings, consultez la brochure publiée par le Défenseur des droits et l'avis du Défenseur des droits n°23-06 sur la proposition de loi n° 1494 visant à lutter contre les discriminations par la pratique des tests individuels et statistiques.

 

  • En matière de location, la loi prévoit un renversement de la charge de la preuve.
    Il incombe au propriétaire de prouver que son refus est justifié (article 1er de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 modifiée : "la personne s'étant vu refuser la location d'un logement présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.)".

> Pour en savoir plus sur les moyens de preuve, vous pouvez vous renseigner auprès de l'un des délégués du Défenseur des droits. La liste des points d’accueil figure sur son site Internet. Et sur les discriminations en général, voir le site de l'Observatoire des inégalités et sa plateforme Discrimination.fr

 

> Pour en savoir plus sur les discriminations, voir le dépliant du Défenseur des droits "Dites non aux discriminations".

 

2.4 - Vos recours en cas de refus de vente pour discrimination

 

  • Vous pouvez vous adresser au Défenseur des droits
    Vous pouvez être écoutés et obtenir gratuitement des informations auprès des juristes du Défenseur des droits, par téléphone au 3928 (prix d'un appel local, du lundi au vendredi de 9h30 à 19h), ou par le tchat sur antidiscriminations.fr.

    Si vous estimez être victime d’une discrimination, vous pouvez saisir le Défenseur des droits gratuitement, en ligne sur le site ww.antidiscriminations.fr, ou par lettre simple (sans l'affranchir) à l’adresse suivante :

Le Défenseur des droits

Libre réponse 71120

75342 Paris Cedex 07

 

Vous devez joindre, à votre lettre, une copie de toutes les pièces en votre possession lui permettant de comprendre votre situation (procès-verbaux, dépôts de plainte, certificats médicaux, etc.).

 

À noter Le Défenseur des droits peut se saisir d'office, à condition que la personne en cause (ou le cas échéant, ses ayants droit) ait été avertie et ne soit pas opposée à son intervention.

 

Le Défenseur des droits est une autorité constitutionnelle indépendante chargée de veiller à la protection des droits et des libertés et de promouvoir l’égalité. Une grande part des réclamations qui sont traitées par l’institution concernent la lutte contre les discriminations. Il peut réaliser des testings.

> Pour en savoir plus, consultez son site.

 

S'il estime que les conditions de mise en œuvre de la responsabilité pénale sont réunies, il peut saisir le procureur de la République. 

 

Si le procureur décide de ne pas poursuivre ou si l'infraction n'est pas constituée, le Défenseur des droits peut toujours :

1. émettre une recommandation de nature à régler les difficultés soulevées devant lui (indemnisation...) ou à en prévenir le renouvellement. En l’absence de réponse de la personne mise en cause, ou si la recommandation n’a pas été suivie d’effet, le Défenseur n’a pas de véritable pouvoir de sanction. Il établit un « rapport spécial » qui est publié au Journal officiel (article 25 de la loi organique n°2011-333 du 29 mars 2011).

 

2. procéder à la résolution amiable du différend par voie de médiation ou de transaction (articles 26 et 28 de la loi organique du 29 mars 2011).

 

  • Vous pouvez porter plainte auprès des services de police ou de gendarmerie ou directement auprès du procureur de la République
  • Vous pouvez aussi déposer une  plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction du tribunal judiciaire afin de provoquer l'ouverture d'une information judiciaire.

Vous pouvez porter plainte pendant un délai de 6 ans après les faits.

 

  Vous pouvez vous faire aider par une association qui a pour objet statutaire" de combattre le racisme ou d'assister les victimes de discrimination fondée sur leur origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse pour exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne [...] les discriminations réprimées par les articles 225-2 [...] du code pénal ([...]" (article 2-1 du code de procédure pénale).

 

 

Mise à jour Patricia Foucher,

Cheffe du service juridique de l’Institut national de la consommation (INC)


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