Mise en garde d'un établissement de crédit relative à l'assurance emprunteur
L'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), en charge de l’agrément et de la surveillance des établissements bancaires, d’assurance et de leurs intermédiaires, dans l’intérêt de leurs clientèles et de la préservation de la stabilité du système financier, a mis en garde un établissement de crédit au sujet de ses pratiques commerciales relatives à l'assurance emprunteur.
L'assurance emprunteur a fait beaucoup parler d'elle depuis que le législateur a introduit, par la loi du 21 février 2017, la possibilité de résilier son contrat d'assurance emprunteur chaque année (pour en savoir plus voir la fiche pratique de l'INC "Achat à crédit et assurance").
Le principe de la délégation d'assurance ("Terme utilisé pour désigner la possibilité pour l'emprunteur (pour un prêt immobilier ou un crédit à la consommation) de souscrire une assurance emprunteur auprès de l'assureur de son choix". Source : Glossaire Assurance du CCSF de juin 2010) a été introduit par la loi Lagarde du 1er juillet 2010 qui a connu des évolutions majeures avec la loi Hamon du 17 mars 2014 et la loi du 21 février 2017 (amendement Bourquin).
Ce sont les articles L. 113-12-2 du code des assurances, et L. 313-30 du code de la consommation qui sont applicables.
Il existe deux périodes pour faire jouer la délégation d'assurance :
- au moment de la conclusion du contrat de prêt,
- à l'expiration d'un délai de 12 mois suivant la signature de l'offre de prêt et chaque année ensuite.
C'est la première période qui est concernée par la mise en garde de l'ACPR. Le principe est qu'au moment de la conclusion du contrat, le prêteur doit laisser le choix à l'emprunteur de souscrire le contrat d'assurance qu'il souhaite à condition que celui-ci présente un niveau de garanties équivalentes (dans son avis du 13 janvier 2015, le CCSF a arrêté une liste de critères, révisable chaque année, permettant aux acteurs du marché, toutes catégories confondues, d'apprécier l'équivalence des garanties).
Or, certaines banques refusent la substitution des contrats ou la rendent difficile voire impossible pour les emprunteurs. C'est ainsi qu'à la suite d'un contrôle, l'ACPR a mis en garde un établissement de crédit à l'encontre de la poursuite de pratiques pouvant avoir pour effet de priver ses clients de leur droit au libre-choix de l'assurance emprunteur, tel qu'il résulte des dispositions du code de la consommation (voir le communiqué de presse).
Le communiqué de presse précise qu' "en l'espèce, les pratiques relevées, que l'établissement a indiqué corriger, consistaient à augmenter le taux d'intérêt et/ou les frais de dossier en contrepartie de l'acceptation d'une assurance externe à l'établissement, ou encore à rejeter, sans justification autre que l'existence d'une assurance externe, des demandes de déliaison formulées dans le cadre d'opérations de rachat de crédit. Ces pratiques, qui visent à refuser ou à décourager le recours à une assurance externe, sont contraires à l'objectif poursuivi par le législateur d'accroître les possibilités de mise en concurrence entre les différentes offres d'assurance proposées sur le marché ".
Le communiqué de presse s'attache à rappeler le droit applicable et notamment le droit pour tout emprunteur de changer de contrat d'assurance si celui-ci présente un niveau de garantie équivalent à celui proposé par l'établissement prêteur concerné.
Dans une publication d'octobre 2018, l'ACPR a fait un bilan des principaux sujets issus du traitement des demandes de la clientèle en 2017. Parmi ceux-ci, il est fait mention des cas des emprunteurs qui sont très nombreux à souligner les difficultés rencontrées dans l'exercice de leur libre choix en matière d'assurance emprunteur (absence ou réponse tardive, demandes imprécises ou injustifiées, de rectifications ou de pièces complémentaires successives...).
Si la mise en garde émise par l'ACPR semble être une mesure peu dissuassive, les prochains établissements bancaires qui entraveraient la bonne application du droit à substitution du contrat d'assurance emprunteur, pourraient se voir appliquer des sanctions financières plus sévères.
Reste à savoir si le droit de résilier son contrat d'assurance emprunteur chaque année, applicable depuis le 22 février 2017 et validé par le Conseil constitutionnel le 12 janvier 2018, est appliqué avec plus de diligence par les banques et bancassureurs.
Fanny JOFFROIS
Juriste à l'Institut national de la consommation