Abus de faiblesse : définition et recours
Fiche pratique J 287 - 2nde partie
Ces agissements sont sanctionnés s’ils visent une personne particulièrement vulnérable. L’abus de faiblesse fait l’objet de deux incriminations pénales complémentaires aux articles L. 121-8 et suivants du code de la consommation et 223-15-2 et suivants du code pénal.
Cette fiche pratique de l'Institut national de la consommation vous informe sur les conditions d’application de ces dispositions et sur vos recours.
Si vous n'avez pas été victime d'un abus de faiblesse, mais souhaitez le prévenir, consultez la fiche de l’INC "L’abus de faiblesse : comment le prévenir". |
1 - L'abus de faiblesse du code de la consommation
1-1 Le contexte de l'abus de faiblesse
1-2 Les éléments constitutifs du délit d'abus de faiblesse
L'existence d'un état de faiblesse ou d'ignorance
La connaissance et l'exploitation de l'état de faiblesse par le professionnel
2 - L'abus de faiblesse du code pénal
2-1 Le contexte de l'abus de faiblesse
2-2 Les éléments constitutifs du délit d'abus de faiblesse
1 - L’ABUS DE FAIBLESSE DU CODE DE LA CONSOMMATION
Le délit d’abus de faiblesse du code de la consommation est constitué chaque fois qu’une personne profite de la faiblesse physique ou psychique d’une autre, ou de son ignorance, pour lui faire souscrire un engagement généralement inadapté à ses besoins.
Les dispositions du code de la consommation sont applicables aux seules relations entre un professionnel et un consommateur.
1-1 Le contexte de l’abus de faiblesse
Le délit d’abus de faiblesse a été institué par la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 (abrogée au 27 juillet 1993). Le texte initial ne sanctionnait que les abus commis dans le cadre d’un démarchage à domicile. Pour tenir compte de l’évolution des techniques commerciales devenues plus agressives, le champ d’application de l’infraction a été étendu en 1992.
Le démarchage à domicile (ou "vente hors établissement")
L’article L. 121-8 du code de la consommation sanctionne l’abus de faiblesse à l’occasion de visites domiciliaires : " Est interdit le fait d'abuser de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements (…) ".
Cet article s’impose à tous les contrats qui font l'objet d'un démarchage à domicile (démarchage bancaire, démarchage en assurance, etc.), y compris ceux exclus par l’article L. 221-2 du code de la consommation.
> Pour en savoir plus sur ces contrats nommés "contrats hors établissement", consultez la fiche de l'INC "La vente hors établissement ou démarchage à domicile".
Un abus de faiblesse peut être caractérisé même si le démarcheur a scrupuleusement respecté la règlementation spécifique à la vente hors établissement.
Le délit d’abus de faiblesse aux engagements souscrits s'applique également dans les situations énumérées par l’article L. 121-9 du code de la consommation :
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les démarchages par téléphone ou par télécopie,
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les sollicitations personnalisées à se rendre sur un lieu de vente, effectuées à domicile et assorties de l’offre d’avantages particuliers (cadeaux, rabais, livraison gratuite, etc.), sans que ces sollicitations soit nécessairement nominatives,
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les ventes réalisées au cours de réunions ou d’excursions (ventes de produits cosmétiques à domicile, voyages publicitaires, etc.),
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les transactions réalisées dans des lieux non destinés à la commercialisation du bien ou du service proposé (lieu de travail, parking d’une grande surface, hôtel, etc.),
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les transactions réalisées sur les foires et salons,
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les transactions conclues dans une situation d’urgence ayant mis la victime dans l’impossibilité de consulter un ou plusieurs professionnels qualifiés (assistance sur autoroute, fuite d’eau, etc.).
1-2 Les éléments constitutifs du délit d’abus de faiblesse
Pour être caractérisé, le délit d’abus de faiblesse, incriminé aux articles L. 121-8 et suivants du code de la consommation, suppose l’existence d’un état de faiblesse ou d’ignorance. Cet état doit avoir été connu et exploité par le professionnel dans le but d’obtenir de la part du consommateur la conclusion d’un engagement.
La nécessité d’un préjudice subi par le consommateur n’est pas un élément constitutif du délit d’abus de faiblesse.
L’existence d’un état de faiblesse ou d’ignorance
L’état de faiblesse ou d’ignorance du consommateur doit être préalable à la sollicitation et indépendant des circonstances dans lesquelles il a été placé pour souscrire l’engagement (Cass. crim., 18 mai 1999, n° 97-85979). En d’autres termes, les circonstances dans lesquelles se produit le démarchage (ou les autres méthodes de vente) ne doivent pas provoquer l’état de faiblesse mais le révéler.
Cet état peut résulter de divers facteurs tels que :
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l’âge,
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le veuvage,
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l’isolement,
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la maladie,
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la grossesse,
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le handicap,
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la méconnaissance de la langue française,
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le faible niveau d’instruction,
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la détresse économique.
Il peut être temporaire ou permanent "La faiblesse de la victime doit s’entendre non seulement d’une faiblesse définitive due à un état de santé physique ou psychique déficient mais aussi d’une faiblesse passagère due à un état de fatigue " (CA Paris, 15 juin 1999).
Une seule de ces causes n’est toutefois pas toujours suffisante pour caractériser l’état de faiblesse ou d’ignorance exigé par le code de la consommation. Il doit être démontré que le consommateur n’était pas en mesure d’apprécier la portée de ses engagements, de déceler la ruse ou de résister à la contrainte du professionnel. La faiblesse diffère de l'incapacité.
Ainsi, aucune présomption de faiblesse ne s’attache à l’âge qui peut, certes, altérer la capacité de jugement, mais encore faut-il en apporter la preuve (CA Montpellier, 7 décembre 2000 ; CA Toulouse, 8 novembre 2001). Toutefois, la preuve d'une altération des facultés mentales de la victime au moment des faits n'est pas exigée, cette altération pouvant résulter de l'âge de la victime (Cass. crim., 11 juillet 2017, n° 17-80421).
De même, le fait d’être atteint de surdi-mutité ne permet pas à lui seul de dire qu’une banque a abusé de la faiblesse d’un consommateur en lui faisant signer une offre de crédit à la consommation (CA Douai, 7 novembre 2002).
En revanche, a été condamné, un démarcheur qui s’était rendu à de nombreuses reprises au domicile d’un couple de personnes âgées, pour leur faire signer de multiples contrats de ventes, réglés par chèques qu’il rédigeait lui-même, d’un montant disproportionné tant à leurs besoins qu’à leurs moyens financiers (CA Caen, 11 décembre 2000).
Le nombre de visites n’est pas déterminant pour que l’état de faiblesse soit reconnu, et ce bien que l’article L. 121-8 du code de la consommation mette au pluriel le terme "visites" (Cass. crim., 8 mars 2016, n° 14-88347). Toutefois, des visites répétées et insistantes peuvent révéler la contrainte à laquelle le consommateur a été soumis.
La connaissance et l’exploitation de l’état de faiblesse ou d’ignorance par le professionnel
Le délit d’abus de faiblesse est une infraction intentionnelle. L’intention délictueuse réside dans la conscience que le professionnel a de la faiblesse ou de l’ignorance du consommateur et dans sa volonté d’abuser, en connaissance de cause, de cet état.
La jurisprudence est constante en la matière. Elle exige la preuve soit de l’apparence de l’état de faiblesse de la victime qui ne pouvait donc pas être méconnu par le professionnel, soit de la connaissance par le professionnel de cet état.
Ainsi par exemple, a été relaxé un vendeur qui avait conclu un contrat avec un acheteur atteint de la maladie d’Alzheimer car ce dernier n’était pas à un stade de la maladie où des signes de comitialité étaient visibles (CA Toulouse, 8 novembre 2001).
Quant à l’abus, il est le plus souvent caractérisé par des prix exorbitants, des prestations sans rapport avec les besoins réels du consommateur, des conditions d’insistance dans la négociation et de précipitation dans le déroulement des travaux.
La démonstration de manœuvres frauduleuses n’est pas exigée par le Code de la consommation. Le professionnel peut user de ruses ou d’artifices pour convaincre un consommateur car il s’agit de procédés inhérents à la pratique du commerce. En revanche, s’il est démontré que le consommateur, compte tenu de son état (âge avancé, handicap, etc.), n’a pu en déceler l’existence et faire la part des choses, le comportement du professionnel devient condamnable.
Le consommateur doit avoir souscrit des "engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit " (article L. 121-8 du code de la consommation) ou remis, " sans contreparties réelles, des sommes en numéraire ou par virement, des chèques bancaires ou postaux, des ordres de paiement par carte de paiement ou carte de crédit, ou bien des valeurs mobilières au sens de l’article 529 du code civil " (article L. 121-10 du code de la consommation).
L’article 529 du code civil vise "les obligations et actions qui ont pour objet des sommes exigibles ou des effets mobiliers et les actions ou intérêts dans les compagnies de finance, de commerce ou d’industrie".
Ainsi, ont été déclarés coupables, deux démarcheurs qui, au domicile d’un particulier, s’étaient fait remettre des bons au porteur et un contrat d’assurance sans contrepartie certaine et lui avaient fait signer une demande de rachat de ses bons, sans mentionner leur nombre, montant, numéro, et sans lui délivrer de reçu (Cass. crim., 26 octobre 1999, n° 98-86014).
Les engagements au comptant ou à crédit recouvrent aussi de nombreuses hypothèses. Les achats et les ventes de biens effectués par le consommateur mais également la conclusion de contrats de prestations de services, sont concernés.
1-3 Les sanctions et recours
La sanction civile est la nullité de l’engagement (article L. 132-13 du code de la consommation). Le contrat est nul tant pour le passé que pour le futur. Le professionnel doit vous restituer les prestations dont il a bénéficié.
La sanction pénale est de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende.
Le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits (article L. 132-14 du code de la consommation).
Le professionnel encourt également les peines complémentaires suivantes :
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interdiction d’exercer une fonction publique,
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interdiction d’exercer l’activité sociale ou professionnelle dans l’exercice ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise,
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interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle,
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interdiction de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale.
Ces interdictions sont prononcées selon les modalités prévues à l’article 131-27 du code pénal et peuvent se cumuler (article L. 132-15 du code de la consommation).
Vos recours
Si vous vous estimez victime d’un abus de faiblesse au sens des dispositions du code de la consommation, demandez la nullité du contrat au professionnel, de préférence par courrier recommandé avec accusé de réception.
> Pour vous aider, utilisez la lettre type de l'INC "Un démarcheur à domicile a vendu une grande quantité de linge de maison à votre grand-mère. Vous demandez l’annulation de la vente".
Pour obtenir des informations ou une aide, vous pouvez prendre contact avec une organisation de consommateurs agréée. Elle peut notamment intervenir en vue d'un règlement amiable.
Si le professionnel ne répond pas à votre courrier ou que sa réponse vous semble insatisfaisante, vous pouvez saisir la Commission Paritaire de Médiation de la Vente Directe (CPMVD). Vous pouvez saisir la CPMVD par un formulaire de réclamation disponible directement sur le site internet de la commission (http://mediation-vente-directe.fr/), par téléphone, par courriel ou par courrier à l’adresse suivante : CPMVD – 1, rue Emmanuel Chauvière – 75015 Paris.
Faute d'arrangement amiable, vous pouvez aussi :
- alertez les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), soit selon votre département, les agents de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) ou de la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP). Si après enquête, les agents de la DGCCRF estiment que les éléments constitutifs du délit d’abus de faiblesse sont réunis, ils dressent un procès-verbal et le transmettent au procureur de la République,
- saisir directement le procureur de la République près du tribunal de grande instance de votre domicile au moyen d’une plainte.
Et si l’action publique n’est pas mise en mouvement par le procureur de la République, il existe d'autres recours. Vous avez la possibilité de :
-
faire une citation directe près du tribunal de police du lieu où l’infraction a été commise ou du lieu de résidence du défendeur,
-
vous constituez partie civile près du tribunal de grande instance de votre domicile,
-
demander réparation devant les juridictions civiles.
Pour toute action en réparation devant les juridictions civiles, vous devez vous adresser :
- au tribunal d’instance, si la somme est inférieure ou égale à 10 000 €,
- au tribunal de grande instance, si la somme en jeu est supérieure à 10 000 €.
L'assistance d'un avocat n'est pas obligatoire devant le tribunal d'instance.
Si votre demande est d’un montant inférieur ou égal à 4 000 €, vous pouvez utiliser la procédure de déclaration au greffe (articles 843 et 844 du code de procédure civile).
> Sur cette procédure, consultez la fiche pratique de l'INC "La déclaration au greffe ou saisine simplifiée du tribunal d'instance".
Si votre demande est d’un montant supérieur à 4 000 €, vous devez convoquer le professionnel par une assignation établie et délivrée par un huissier de justice.
Vous pouvez obtenir des informations sur les procédures, notamment auprès des points d'accès au droit (PAD) ou des maisons de justice et du droit (MJD). Un annuaire de ces lieux et de nombreux autres renseignements figurent sur le site du ministère de la justice, rubriques "Vos droits et démarches" ou "Annuaires et contacts".
Lorsque les conditions pour invoquer l'abus de faiblesse du code de la consommation ne sont pas réunies, l'agissement du professionnel peut être appréhendé sous l'angle des pratiques commerciales agressives. > Pour en savoir plus sur les pratiques commerciales agressives, consultez la fiche pratique de l'INC "Les pratiques commerciales déloyales". |
2 - L’ABUS DE FAIBLESSE DU CODE PÉNAL
L’article 223-15-2 du code pénal punit le fait d’abuser frauduleusement de la vulnérabilité d’une personne.
2-1 Le contexte de l’abus de faiblesse
Le code pénal ne définit pas la faiblesse, l’ignorance ou leurs conséquences mais donne une liste exhaustive des personnes susceptibles d’être en état de faiblesse d’ignorance.
Cette personne peut être :
-
un mineur,
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une personne particulièrement vulnérable du fait de son âge, d’une infirmité, d’une maladie, d’une déficience physique ou psychique, de son état de grossesse,
-
une personne en état de sujétion psychologique ou physique du fait de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement.
La faiblesse et l’ignorance sont appréciées in concreto par les tribunaux, c’est-à-dire au cas par cas. Le juge répressif tient compte de la situation personnelle du plaignant pour trancher le litige. Un âge très avancé, par exemple, n’est pas une preuve suffisante de vulnérabilité et doit être corroboré par d’autres éléments.
La vulnérabilité de la victime s’apprécie au moment de la commission de l’acte préjudiciable. Ainsi, a été relaxée une personne accusée d’avoir abusée de son conjoint, atteint de troubles neurologiques, en obtenant, lors de ses visites à l’hôpital, la remise de plusieurs chèques d’un montant total de 120 000 € ainsi que le consentement à un mariage. Les libéralités consenties correspondaient à une volonté préalablement affirmée de la victime qui avait également manifesté, avant sa maladie, le souhait d’épouser la prévenue (Cass. crim., 26 mai 2009, n°08-85601).
2-2 Les éléments constitutifs du délit d’abus de faiblesse
Pour être caractérisé, le délit d’abus de faiblesse incriminé aux articles 223-15-2 et suivants du code pénal suppose la réunion de deux éléments matériels – un abus et un préjudice - et d’un élément moral - l’intention de commettre l’infraction.
Contrairement à l'escroquerie dont l'acte lui-même est d'emblée illicite, l'abus de faiblesse peut reposer sur un acte légal, ne nécessitant pas obligatoirement la réalisation de manœuvres frauduleuses. Il peut s’agir, par exemple, d’un simple mensonge (CA Agen, 14 janvier 1999).
Toutefois, si la personne visée est tenue en état de sujétion psychologique ou physique par un mouvement sectaire, l’abus, pour être condamné, doit prendre la forme de pressions graves, réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement.
En tout état de cause, l’abus doit avoir pour objet de conduire la victime à un acte (matériel ou juridique) ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables (Cass. crim., 20 février 2013, n° 12-83402).
Il peut porter sur des actes divers : un prêt (ex : Cass. crim., 6 janvier 2009, n° 08-82335), une vente (ex : Cass. crim., 5 octobre 2011, n° 10-87819), un achat, un don, une cession de droits, une révocation de dispositions testamentaires, une souscription d’assurances vie (ex : Cass. crim., 20 juin 2006, n° 06-80105), un retrait d’espèces (ex : Cass. crim., 11 décembre 2013, n° 12-86489), une remise de chèques en blanc (ex : Cass. crim., 16 octobre 2007, n° 06-88897) ou une procuration sur comptes bancaires (ex : Cass. crim., 13 septembre 2006, n° 05-85923).
L’abus est constitué même si l’acte est nul (Cass. crim., 12 janvier 2000, n° 99-81057).
L’abus peut également porter sur un acte d’abstention. Ainsi, l’abus frauduleux peut conduire la victime, par exemple, à ne pas accepter une succession ou une donation ou bien à ne pas inscrire des privilèges ou hypothèques.
L’abus frauduleux doit être "gravement préjudiciable" à la victime (article 223-15-2 du code pénal ; Cass. crim., 1er avril 2009, n° 08-86565).
Le neveu de la victime, atteinte d’une maladie mortelle la plaçant dans un état de suggestion psychologique et psychique, avait profité de cette situation pour lui faire signer des engagements tels que des virements d’argent, des remises de chèques ou achats à son profit, de nature à lui causer un grave préjudice au regard de sa situation de fortune (CA RIOM, 27 juin 2018, n°17-00982).
Les préjudices extrapatrimoniaux sont également acceptés : un médecin psychiatre a été condamné pour avoir conduit une patiente maniaco-dépressive à avoir des relations sexuelles avec lui (Cass. crim., 16 février 2014, n° 12-87558).
Tout comme l’abus de faiblesse du code de la consommation, l’abus de faiblesse du code pénal est une infraction intentionnelle. Deux composantes essentielles doivent donc être réunies : la volonté de l’acte et celle du résultat de celui-ci.
S’agissant de la volonté de l’acte, elle requiert que la vulnérabilité de la victime ait été apparente ou connue de l’auteur de l’infraction.
Les mineurs bénéficient d’une protection accrue puisque l’infraction est constituée même si la minorité de la victime n’est ni apparente ni connue de l’auteur.
Quant à la volonté du résultat, elle implique que l’auteur ait voulu exploiter, en toute connaissance de cause, l’état de faiblesse ou d’ignorance de la victime.
2-3 Les sanctions et recours
Les peines d’emprisonnement et d’amende des délits d’abus de faiblesse (pénal et de la consommation) sont uniformément sanctionnés de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende (article 223-15-2 du code pénal).
Si l’auteur de l’infraction est une personne morale, le taux maximum de l’amende est multiplié par cinq (articles 223-15-4 et 131-38 du code pénal).
L’auteur de l’infraction encoure également des peines complémentaires (article 223-15-3 du code pénal), notamment :
-
interdiction d’exercer l’activité professionnelle dans l’exercice de laquelle l’infraction a été commise,
-
fermeture, pour une durée maximum de cinq ans, de l’établissement de l’entreprise ayant servi à commettre les faits,
-
interdiction, pour une durée maximum de cinq ans, d’émettre des chèques,
-
l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée.
La commission de l’infraction peut être aussi assortie d’une circonstance aggravante modifiant par hypothèse les pénalités encourues. En effet, la loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 a créé une nouvelle catégorie de personnes vulnérables : "Les personnes en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l’exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement" qui vise essentiellement les victimes de mouvements sectaires (article 223-15-2, alinéa 1er du code pénal).
Il a alors été prévu que "lorsque l'infraction est commise par le dirigeant de fait ou de droit d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 750 000 € d'amende".
Vos recours
Si vous vous estimez victime d’un abus de faiblesse au sens des dispositions du code pénal et que vous n’avez obtenu aucun arrangement à l’amiable, déposez plainte dans le commissariat de votre choix ou saisissez directement le procureur de la République près du tribunal de grande instance de votre domicile.
Et si l’action publique n’est pas mise en mouvement par le procureur de la République, vous pouvez toujours :
-
faire une citation directe près du tribunal de police du lieu où l’infraction a été commise ou du lieu de résidence du défendeur,
-
vous constituer partie civile près du tribunal de grande instance de votre domicile,
-
demander réparation devant les juridictions civiles.
Pour obtenir des informations sur vos droits ou une aide pour une éventuelle action en justice, prenez contact avec une organisation de consommateurs agréée. Pour obtenir des renseignements sur les procédures, adressez-vous aux points d'accès au droit (PAD) ou aux maisons de justice et du droit (MJD). Un annuaire de ces lieux et de nombreux autres renseignements figurent sur le site du ministère de la justice, rubriques "Vos droits et démarches" ou "Annuaires et contacts".
En principe, c’est la victime elle-même qui doit agir en justice. Toutefois les proches peuvent également engager des poursuites s’ils ont personnellement souffert de l’abus frauduleux et ce, même si la victime ne s’estime pas lésée (Cass. crim., 3 novembre 2009, n° 08-88438). Ainsi, par exemple, la fille a pu, contre la volonté de sa mère, obtenir la réparation de son préjudice (Cass. crim., 31 janvier 2012, n° 11-85464).
Depuis la réforme de la prescription pénale (loi n° 2017-242 du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale), le délai de prescription pour l'abus de faiblesse (délit) est de six ans (article 8 du code de procédure pénale). Cette infraction pouvant être qualifiée "d'occulte" au sens du code de procédure pénale, le délai "court à compter du jour où l'infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique, sans toutefois que le délai de prescription puisse excéder douze années révolues pour les délits [...] à compter du jour où l'infraction a été commise" (article 9-1 du même code). Néanmoins, le point de départ de la prescription est susceptible d’être reporté plusieurs fois puisque l’infraction se renouvelle à chaque acte frauduleux (Cass. crim., 27 mai 2004, n° 03-82738).
La loi est applicable immédiatement sauf aux affaires pour lesquelles l’action publique a déjà été mise en mouvement au moment de l’entrée en vigueur de la loi (article 4 de la loi du 27 février 2017).
La tentative d’abus de faiblesse n’est pas expressément prévue par le législateur, elle n’est donc pas punissable. En revanche, les règles de droit commun relatives à la complicité s’appliquent.
SYNTHESE : Quelle différence entre l'abus de faiblesse du code de la consommation et celui du code pénal ?
(*) "Si l’article du code pénal prévoit que l’acte obtenu de la victime doit être de nature à lui causer un grave préjudice, il n’exige pas que cet acte soit valable, ni que le dommage se soit réalisé" (Cass. crim., 12 janvier 2000, n° 99-81057).
Marie Martin,
Juriste à l’Institut national de la consommation
Mise à jour par Camille Minaud,
Juriste à l'Institut national de la consommation