Plus de libertés pour les annonceurs de réduction de prix


L’arrêté du 11 mars 2015, entré en vigueur le 25 mars 2015, remet en cause tout l’arsenal juridique des annonces de réduction de prix à l’égard du consommateur. Il abroge l'arrêté du 31 décembre 2008 qui encadrait strictement la présentation des publicités faites dans les commerces, les catalogues ou sur les sites Internet.


 

1 - Une mise en conformité avec le droit communautaire

Un commerçant qui souhaite annoncer une baisse de prix est tenu d’afficher, à côté du prix réduit, le « prix de référence » à partir duquel est calculée la réduction. L’arrêté du 31 décembre 2008 avait fixé le mode de détermination de ce prix de référence. Il devait nécessairement correspondre au prix le plus bas pratiqué par l’annonceur au cours des trente derniers jours précédant le début de la publicité. À défaut, l’annonce était qualifiée de pratique commerciale trompeuse ou agressive (articles L. 121-1 et L. 122-11  du code de la consommation).

 

Cependant la Directive « PCD » n° 2005/29/CE du 11 mai 2005 est venue bouleverser les règles nationales en matière de pratiques commerciales. Elle a dressé une liste « noire » de 31 pratiques réputées déloyales en toutes circonstances et a fixé des critères permettant d’analyser, in concreto, le caractère déloyal des autres pratiques (article 5). L’objectif premier était de mettre fin aux disparités entre les législations nationales et de favoriser ainsi la libre circulation dans le marché intérieur.

 

En 2009, La Commission européenne a mis en demeure la France de se conformer au texte qui devait faire l’objet d’une transposition dans le droit interne des Etats membres au plus tard, le 12 juin 2007.

 

De même, la Belgique qui avait adopté une règlementation semblable à la nôtre, a été contrainte de légiférer en ce sens, après avoir été condamnée par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE, 10 juillet 2014, affaire n° C-421/12). Dans son arrêt, la Cour a rappelé que la directive était d’harmonisation totale et qu’ainsi il était interdit d’adopter ou de maintenir des mesures nationales plus restrictives quand bien même lesdites mesures seraient plus protectrices.

 

L’arrêté du 11 mars 2015 répond donc à une exigence de mise en conformité du droit interne avec le droit communautaire.

 

 

2 - Une annonce faite dans un "établissement commercial"

L’arrêté du 31 décembre 2008 opérait une distinction entre les annonces réalisées sur les lieux de vente ou sites électroniques marchands et celles réalisées hors lieux de vente ou sites électroniques non marchands (article 1). Ces dernières étaient soumises à des conditions de forme plus contraignantes. En effet, l’annonce devait comporter un certain nombre de mentions telles que le montant de la réduction, le détail des produits ou services concernés, les modalités pour bénéficier des avantages ou encore la période de l’opération. Elle devait également informer le consommateur des quantités disponibles. En cas de mention « jusqu’à épuisement des stocks », le commerçant devait anticiper la demande : prévoir une quantité suffisante pour satisfaire les commandes (article 4).

 

Désormais l’arrêté du 11 mars 2015 vise les annonces faites « dans un établissement commercial » sans plus de précisions (article 2). Les annonces hors établissement semblent échapper à toute obligation de présentation particulière. En outre, le texte ne fait plus référence à l’obligation du commerçant de satisfaire les commandes.

 

Toutefois, quel que soit le lieu où la publicité sera réalisée, l’annonce peut être sanctionnée sous le prisme des pratiques commerciales déloyales (article L. 120-1 du code de la consommation).

 

 

3 - Une déréglementation du prix de référence

L’arrêté du 11 mars 2015 ne remet pas en cause l’obligation faite au commerçant d’indiquer le prix de référence et le prix réduit par voie d’étiquetage, de marquage ou d’affichage (article 2). Néanmoins il édicte deux tempéraments à cette règle.

 

Concernant le prix de référence, la définition énoncée par l’arrêté du 31 décembre 2008 est purement et simplement abrogée. Le commerçant est libre de fixer, au cas par cas, le prix à partir duquel est calculée la réduction. La base de calcul du prix de référence n’est plus encadrée.

 

Attention : le commerçant doit toujours être en mesure de justifier de la réalité du prix de référence (catalogues, tickets de caisse, bons de commande, etc.).

 

De critiques ont déjà vu le jour. Pour beaucoup, il ne fait nul doute que cette abrogation va nuire au consommateur. Des commerçants pourraient profiter de la nouvelle règlementation pour majorer artificiellement leur prix avant les soldes pour laisser penser au consommateur qu’il bénéficie d’une réduction de prix très importante.

 

Concernant le prix réduit, sa référence n’est plus requise lorsque la réduction annoncée est d’un taux uniforme et qu’elle porte sur des produits ou services parfaitement identifiés (article 3). Comme auparavant, la réduction peut être faite par escompte de caisse.

 

 

4 - Une liberté encadrée

Bien que le prix de référence ne soit plus encadré, si l’annonce de réduction est licite en soi, elle ne doit pas constituer, après analyse in concreto, une pratique commerciale déloyale (article 1).

 

Conformément à l’article L. 120-1 du code de la consommation, une pratique est déloyale si elle est « contraire aux exigences de la diligence professionnelle » et qu’elle « altère ou qu’elle est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur » normalement informé et raisonnablement attentif, avisé.

 

Si une pratique peut être qualifiée de trompeuse ou agressive, elle est, conformément aux articles précités, passible de sanctions pénales.

 

Ainsi, gonfler artificiellement un prix avant une période de soldes ou annoncer une promotion sur un produit qui n’est plus disponible à la vente sont des pratiques qui ne devraient pas rester impunies.

 

Elles relèvent de la compétence des agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), soit selon le département du consommateur victime, des agents de la Direction Départementale de la Protection des Populations (DDPP) ou de la Direction Départementale de la Cohésion Sociale et de la Protection des Populations (DDCSPP). S’ils constatent un simple manquement du commerçant à son obligation générale d’information sur les prix, ils peuvent prononcer à son encontre une amende administrative (article L. 113-1 du code de la consommation).

 

Ainsi si le texte offre a priori une plus grande liberté au commerçant dans la fixation du prix de référence, il est aussi source d’insécurité juridique pour les consommateurs concernant l’appréciation du caractère déloyal ou non de la pratique.

 

 

 

Marie Martin,
juriste à l’Institut national de la consommation (INC)
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