Comment gérer les impayés dans une copropriété ?
Fiche pratique J 307
Les difficultés affectant une copropriété peuvent avoir plusieurs origines et conséquences : celles touchant individuellement les copropriétaires ou celles affectant de façon plus générale la copropriété. En conséquence, l'équilibre de la copropriété se trouve souvent menacé. Des procédures ont été mises en place pour limiter leur impact sur la vie de l'immeuble, mais également pour les résorber.
L'Institut national de la consommation vous présente les règles applicables en matière d'impayés au sein d'une copropriété.
1 - La procédure applicable aux impayés au sein d'une copropriété
1.1 Avant la loi Elan du 23 novembre 2018
1.2 Depuis la loi Elan du 23 novembre 2018
2 - Je suis copropriétaire. Je rencontre des difficultés financières. Que dois-je faire ?
2.1 Informez-vous préalablement sur les modalités de paiement
2.3 Le rôle essentiel du conseil syndical
2.4 Soyez vigilants sur les tarifs des syndics en cas de relance
3.2 La procédure applicable aux copropriétés en difficulté
3.3 La procédure en cas d'état de carence
1 - LA PROCEDURE EN CAS D'IMPAYES
La loi Elan du 23 novembre 2018 est venue modifier les dispositions applicables en la matière. La procédure est encadrée par l'article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965.
1.1 Avant la loi Elan
Le principe était alors le suivant.
A défaut du versement à sa date d'exigibilité d'une provision appelée au titre du budget prévisionnel, les autres provisions prévues au même article et non encore échues deviennent immédiatement exigibles :
- après mise en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception,
- restée infructueuse pendant plus de trente jours,
- à compter du lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile de son destinataire.
1.2 Depuis la loi Elan
La loi Elan a modifié la procédure applicable aux impayés sur les points suivants :
-
les provisions relatives aux dépenses pour travaux sont désormais visées par ce dispositif,
-
la référence à la lettre recommandée avec accusé de réception a été supprimée,
-
la sanction du non-paiement a été aggravée.
Non seulement les autres provisions non encore échues au titre du budget prévisionnel et des dépenses pour travaux deviennent exigibles… Mais également les sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents.
Il convient de porter une attention particulière sur la preuve liée à ces démarches.
2 - JE SUIS COPROPRIETAIRE. JE RENCONTRE DES DIFFICULTES FINANCIERES. QUE DOIS-JE FAIRE ?
2.1 - Informez-vous préalablement sur les modalités de paiement
Avant toute difficulté et à titre préalable, prenez contact avec votre syndic pour connaître les modalités qui vous sont offertes pour vous acquitter de votre règlement. Est-ce un paiement trimestriel ? Mensuel ? Par virement ? Par chèque ?
Cette précaution évitera d'importants désagréments ultérieurs et vous permettra d'établir votre budget mensuel en fonction de ces échéances.
Enfin, n'oubliez pas que l'équilibre financier dépend des versements de chaque copropriétaire. Afin de ne pas tendre la situation financière de la copropriété, il est essentiel que chaque copropriétaire règle régulièrement sa quote-part de charges. A défaut, les autres copropriétaires pourraient en supporter le paiement. Cette contrainte peut peser lourdement dans le budget de chaque copropriétaire et créer ainsi un effet de domino : tous les copropriétaires pourraient se trouver en difficulté.
2.2 - En cas de difficultés, prenez attache avec le syndic et/ou le conseil syndical dans les meilleurs délais
Quand un copropriétaire éprouve des difficultés, il est important qu'il contacte le syndic de copropriété et le conseil syndical afin de trouver des solutions amiables. Sa situation ne doit pas s'aggraver et ce, dans l'intérêt de l'ensemble de la copropriété.
Sachez que l'accumulation d'impayés peut avoir des conséquences importantes pour l'ensemble de la copropriété. Les copropriétaires peuvent décider, lors de l'assemblée générale, d'engager une action en justice aux fins de demander l'intégralité des sommes dues, voire la mise en vente du lot de copropriété pour les situations les plus graves. Les versements des copropriétaires constituant généralement les seules ressources de la copropriété, celle-ci ne peut plus fonctionner si les impayés sont trop importants. L'équilibre financier s'en trouvera gravement compromis. Dans ce cas, les différents copropriétaires peuvent être amenés à avancer les sommes dues par un ou plusieurs débiteurs. Ce point concerne ainsi l'ensemble des copropriétaires.
2.3 - Le rôle essentiel du conseil syndical
Les membres du conseil syndical devront suivre la situation financière de l'ensemble de la copropriété, mais également les comptes individuels des copropriétaires. Si une personne rencontre un problème financier, elle doit contacter le syndic et le conseil syndical dans les meilleurs délais pour l'informer de ses difficultés et pour mettre en place un échéancier de paiement. Il est essentiel de prévenir pour trouver des solutions, pour prévoir l'impact sur la copropriété et s'organiser en fonction de cet élément et enfin pour limiter au maximum les frais de relance.
La multiplication de ces prestations particulières peut affecter de façon importante le compte du copropriétaire concerné, notamment en cas de difficultés financières. N'importe quel copropriétaire peut être concerné, d'où la nécessité de ne pas négliger ce point bien qu'aléatoire. De plus, ces frais peuvent avoir un impact global sur la situation de la copropriété. Les copropriétaires, qui se voient imputer d'importants frais de relance, rencontreront des difficultés pour payer leurs charges. L'équilibre général de la copropriété se trouvera affecté.
Les tarifs des prestations de relance sont prévus au sein de l'article 9 du contrat type de syndic. Les tarifs de ces prestations doivent être négociés dans le contrat de syndic et donc généralement par le conseil syndical. Son rôle est essentiel en la matière.
> Voir la fiche pratique de l'INC "Comment décrypter un contrat de syndic ? Les 10 points essentiels". |
2.4 - Soyez vigilants sur les tarifs des syndics en cas de relance
Si vous rencontrez des difficultés pour payer les provisions sur charges, le syndic peut vous facturer des frais liés aux relances et aux mises en demeure qu'il vous adresse. Soyez extrêmement vigilants sur ce point, car la multiplication de ces prestations peut aggraver votre situation financière.
Ces prestations du syndic ne sont imputables qu'au seul copropriétaire concerné par cette mission. Il s'agit notamment de :
- l'envoi d'une mise en demeure avec accusé de réception,
- l'envoi d'une relance après l'envoi d'une mise en demeure,
- du suivi d'un dossier transmis à l'avocat...
Ainsi, les relances envoyées avant mise en demeure ne sont pas facturables. Ce principe est précisé par l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965. Il convient de vérifier que le syndic n'envoie pas de mise en demeure dès la première relance.
EN PREVENTION : LES CONSEILS DE L'INC POUR REDUIRE LES IMPAYES DANS VOTRE COPROPRIETE
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3 - JE SUIS COPROPRIETAIRE OU MEMBRE DU CONSEIL SYNDICAL. LA COPROPRIETE RENCONTRE DES DIFFICULTES. QUE FAIRE ?
Accumulation d'impayés, dettes importantes, impossibilité de payer les prestataires extérieurs, absence de décision... Les copropriétaires peuvent rencontrer des difficultés temporaires ou de façon plus pérenne. Que faut-il faire ? A quel moment convient-il d'agir ? Comment limiter l'aggravation de la situation ?
En cas de problèmes sérieux, trois cas sont prévus par la loi :
- une procédure d'alerte pour les copropriétés fragiles,
- une procédure applicable aux copropriétés en difficulté,
- une procédure en cas d'état de carence.
La procédure d'alerte a pour objectif d'intervenir le plus tôt possible. Elle est un préalable essentiel de la procédure applicable aux copropriétés en difficulté. Enfin, la dernière procédure précise les mesures applicables dans les cas les plus graves : l'état de carence.
3.1 - LA PROCEDURE D'ALERTE (articles 29-1 A, B et C de la loi du 10 juillet 1965)
Cette procédure a pour objectif d'analyser rapidement les difficultés rencontrées par une copropriété.
Une copropriété fragile
La procédure d'alerte vise les copropriétés fragiles. Cette situation est appréciée à la date de clôture des comptes de la copropriété.
Si les impayés atteignent 25 % des sommes exigibles (ou 15 % dans les copropriétés de plus de 200 lots), le syndic en informe le conseil syndical et saisit le juge d'une demande de désignation d'un mandataire ad hoc.
La mission du mandataire ad hoc par le Président du Tribunal de Grande Instance
Pour exercer les fonctions de mandataire ad hoc, le juge peut désigner un administrateur judiciaire inscrit sur la liste des professionnels.
Dans un délai de trois mois, renouvelable une fois, le mandataire adresse un rapport présentant :
- l'identification de l'origine des problèmes :
- analyse de la situation financière du syndicat des copropriétaires,
- analyse de l'état de l'immeuble
- les préconisations de solutions :
- pour rétablir l'équilibre financier du syndicat,
- pour assurer la sécurité de l'immeuble,
- les résultats des actions éventuellement menées avec les parties en cause.
Le syndic est tenu de fournir au mandataire ad hoc tous les documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission dans un délai de quinze jours suivant sa nomination.
L'inscription des questions à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale
Les projets de résolution nécessaires à la mise en œuvre de ce rapport sont inscrits, par le syndic, à l'ordre du jour de l'assemblée générale suivante. Si la prochaine assemblée générale n'intervient pas dans les six mois à compter de la remise du rapport, le syndic convoquera une assemblée générale spécialement à cet effet. Si le rapport du mandataire ad hoc préconise des mesures d'urgence, ce délai sera ramené à trois mois.
3.2 - LA PROCEDURE APPLICABLE AUX COPROPRIETES EN DIFFICULTE (article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965)
Le but de cette procédure est rétablir le fonctionnement normal de la copropriété. Un administrateur provisoire sera désigné. Son rôle sera véritablement distinct de celui du mandataire ad hoc, personne indépendante qui va aider la copropriété à analyser sa situation, ses difficultés et à trouver des solutions de redressement. L'administrateur provisoire se substitue au syndic, qui est dessaisi, et s'immisce dans sa gestion. Ces deux procédures sont donc distinctes, mais complémentaires.
Une copropriété en difficulté
Un administrateur provisoire du syndicat peut être désigné, si l'équilibre financier du syndicat des copropriétaires est gravement compromis ou si le syndicat est dans l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble.
A cette fin, le président du Tribunal de Grande Instance peut être saisi par :
- des copropriétaires représentant ensemble 15 % au moins des voix du syndicat,
- le syndic,
- le Procureur de la République.
Voir la lettre type de l'INC "Votre copropriété subit de graves difficultés et vous souhaitez saisir le juge des référés". |
Les missions de l'administrateur provisoire
Le juge nomme l'administrateur provisoire inscrit sur une liste et fixe sa mission.
Il est chargé de prendre les mesures nécessaires au rétablissement du fonctionnement normal de la copropriété. L'administrateur provisoire doit exécuter personnellement sa mission, mais il peut éventuellement se faire assister par un tiers. La durée de la mission de l'administrateur provisoire est fixée par le juge, mais elle ne peut désormais être inférieure à douze mois.
La rémunération de l'administrateur provisoire est fixé par l'arrêté du 8 octobre 2015.
Les pouvoirs de l'administrateur provisoire
Le président du Tribunal de Grande Instance lui confie tous les pouvoirs du syndic aux fins d'exécuter au mieux sa mission.
L'administrateur provisoire peut établir un plan d'apurement des dettes, dont la procédure est définie par les articles 62-15 et suivants du décret du 17 mars 1967. Il sera d'une durée maximale de cinq ans et comportera un échéancier de versements auprès des créanciers du syndicat.
En conséquence, le mandat du syndic, qui ne peut aucunement remplir cette mission, cesse de plein droit sans indemnité, ainsi que les pouvoirs de l'assemblée générale, et ce, à l'exception :
- des actes d'acquisition immobilière, ainsi que les actes de disposition.
- la modification, ou éventuellement l'établissement du règlement de copropriété dans la mesure où il concerne la jouissance, l'usage et l'administration des parties communes.
Les dispositions du code du commerce relatives aux sociétés en difficulté ne sont pas applicables aux copropriétés en difficulté.
La fin de la mission de l'administrateur provisoire
Conformément à l'article 62-11 du décret de 1967, l'administrateur provisoire rend compte par écrit de sa mission au président du tribunal de grande instance à la demande de ce dernier et au moins une fois par an.
Si la situation financière de la copropriété ne permet pas de réaliser les travaux nécessaires pour la conservation et la mise en sécurité de l’immeuble, la protection des occupants, la préservation de leur santé et la réduction des charges de copropriété permettant son redressement financier, le juge pourra placer l’immeuble sous administration provisoire renforcée.
Cette procédure est précisée par les articles 62-30 et suivants du décret du 17 mars 1967 modifié par le décret n°2015-999 du 17 août 2015. |
3.3 - LA PROCEDURE EN CAS D'ETAT DE CARENCE (articles L. 615-6 à L. 615-8 du code de la construction et de l'habitation)
Cette procédure est la plus sévère. Elle doit être évitée en raison de ses lourdes conséquences, d'où l'importance de prévenir les difficultés en amont.
Un état de carence
L'état de carence caractérise les situations, dans lesquelles le syndicat des copropriétaires d'un immeuble rencontre des difficultés financières ou de gestion telles qu'il ne peut plus assurer la conservation de l'immeuble où la sécurité des occupants. Cette procédure traite des situations de dangers que rencontrent certaines copropriétés. L'absence de solutions peut conduire à le juge à retenir, dans le cas le plus extrême, l'expropriation de l'immeuble.
Le processus de déclaration de l'état de carence
Si cette situation est constatée, le président du tribunal de grande instance, est saisi aux fins de désigner un ou plusieurs experts chargés de constater l'importance du déséquilibre financier du propriétaire, du syndicat ou de la société assurant la gestion de l'immeuble ainsi que la nature et l'importance des travaux à mettre en œuvre.
Peuvent saisir le président du TGI :
- le maire de la commune ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale (intercommunalité) compétent en matière d'habitat, sur le territoire duquel est implanté l'immeuble,
- avec accord des 2 premiers, le représentant de l'Etat dans le département,
- le syndic,
- l'administrateur provisoire de la procédure des copropriétés en difficultés (voir "Une copropriété en difficulté"),
- des copropriétaires représentant 15 % au moins des voix du syndicat.
L'expertise
Un ou plusieurs experts sont chargés de constater l'importance du déséquilibre financier du propriétaire, du syndicat ou de la société assurant la gestion de l'immeuble, ainsi que la nature et l'importance des travaux à mettre en œuvre.
Le juge peut déclarer l'état de carence au vu des conclusions de l'expertise, après avoir entendu les parties.
L'expropriation de l'immeuble
A la suite de la déclaration de l'état de carence, l'expropriation peut être poursuivie au profit :
- de la commune,
- de l'EPCI compétent en matière d'habitat,
- d'un organisme y ayant vocation,
- d'un concessionnaire d'une opération d'aménagement visé à l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme,
- d'une société de construction dans laquelle l'Etat détient la majorité du capital.
Les objectifs de l'expropriation
Le maire ou le président de l'intercommunalité constitue un dossier qu'il soumet au vote de l'assemblée délibérante. Celui-ci présente le projet simplifié d'acquisition publique en vue :
- soit de la réhabilitation aux fins d'habitat ou d'un autre usage,
- soit de la démolition totale ou partielle de l'immeuble concerné.
Il comporte une évaluation sommaire de son coût , ainsi qu'un plan de relogement des occupants concernés répondant aux conditions précisées aux articles L. 314-1 et suivants du code de l'urbanisme.
Le dossier pourra également avoir pour objectif l'expropriation des parties communes. Cette mesure a été instaurée à titre expérimental et pour une durée de dix ans à compter de la promulgation de la loi.
LES AUTRES PROCEDURES La loi ALUR a créé une procédure de traitement des difficultés des copropriétés dégradées au sein du code de la construction et de l'habitation (articles L. 741-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation). Ces mesures visent essentiellement de permettre la réalisation de travaux au sein de ces structures en difficulté.
Peuvent être également décidés :
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Pour en savoir plus : consulter la fiche de l'INC "Que faire en cas de difficultés dans une copropriété ? Le mémo" |
Virginie POTIRON,
Juriste