25 % des bénéficiaires n'utilisent pas leur chèque énergie !


Lancée le 20 mai 2016 dans 4 départements, l'Ardèche, l'Aveyron, les Côtes-d'Armor et le Pas-de-Calais, l'expérimentation du chèque énergie touche à sa fin.

 

Avant le démarrage de la deuxième phase de l'expérimentation dans les mêmes départements, un bilan s'impose pour tenter d'améliorer son utilisation par les bénéficiaires.

 

 

Un dispositif qui n'a pas (encore) complètement atteint sa cible

Attribué en fonction des ressources et de la composition du foyer, 173 000 chèques énergie ont été émis dans les 4 départements d'expérimentation. Selon le DGEC (Direction générale énergie - climat), au 28 février, environ 130 000 bénéficiaires l'avaient utilisé.

 

Plusieurs commentaires à tirer de ces chiffres. Tout d'abord, le nombre de personnes au tarif de première nécessité (TPN), tarif social de l'électricité remplacé par le chèque énergie, était de 124 000 sur les 4 départements, l'année précédant la mise en place du chèque. On peut donc voir que davantage de personnes ont bénéficié du chèque énergie dont les critères d'attribution ont été élargis par rapport aux tarifs sociaux de l'électricité (TPN) et du gaz naturel (TSS - tarif spécial de solidarité).

 

En revanche, à fin février, près de 25 % des consommateurs en situation financière difficile n'ont pas encore utilisé leur chèque ! Emis en mai 2016, le chèque est valide jusqu'au 31 mars 2017, il sera ensuite définitivement perdu.

 

C'est un des résultats qui était redouté par les associations d'aide aux personnes en difficulté. Les tarifs sociaux ont l'énorme avantage d'être automatiques à la fois dans l'attribution et dans l'utilisation. En effet, les consommateurs n'ont pas à demander l'obtention des tarifs, attribués sur critères de revenu fiscal. Les services fiscaux transmettent la liste des bénéficiaires directement aux fournisseurs d'électricité et de gaz naturel. La déduction est ensuite appliquée directement sur la facture d'énergie, sans que les consommateurs n'aient à intervenir. 

 

Cette automaticité, prévue par le décret du 6 mars 2012 relatif à l'automatisation des procédures d'attribution des tarifs sociaux de l'électricité et du gaz naturel, a permis d'inclure plus d'un million de ménages qui échappaient au système.

 

Le chèque énergie, lui, est automatique dans l'attribution, mais pas dans l'utilisation. Les consommateurs doivent faire une démarche pour l'utiliser : l'envoyer à leur fournisseur d'énergie en paiement d'une facture d'électricité ou de gaz naturel, l'utiliser en paiement d'une livraison de combustible ou à l'occasion de travaux de rénovation énergétique.

 

L'autre motif principal d'inquiétude des associations concerne le montant de l'aide allouée grâce au chèque énergie. D'un montant moyen de 148 euros et maximum de 227 euros, son impact est largement inférieur à celui des tarifs sociaux, surtout pour les personnes pouvant cumuler le TPN et le TSS et toucher ainsi 325 euros.

 

 

Plus de 90 % des chèques utilisés pour le paiement d'une facture d'électricité ou de gaz naturel

L’usage du chèque est fortement corrélé à l’énergie de chauffage. En effet, depuis le début de l'expérimentation, 90 % des chèques ont été utilisés pour payer une facture de gaz naturel ou d'électricité. Mais, 18 % des chèques utilisés depuis le mois d'octobre le sont pour l'achat de fioul, de bois ou d'un autre combustible.

 

Ainsi, l'un des objectifs du chèque énergie est atteint : il permet aux personnes se chauffant par combustible d'avoir la même aide que les personnes utilisant l'électricité ou gaz naturel comme énergie de chauffage.

 

Sur les 4 zones géographiques tests, 643 professionnels acceptent le chèque énergie : 43 fournisseurs de gaz ou d'électricité, 576 vendeurs de fioul/bois/combustibles, 124 professionnels RGE et 160 gestionnaires de "logements-foyers".

 

 

Les droits associés au chèque mal compris

Comme les tarifs sociaux, le chèque énergie est associé à certains droits tels que la gratuité de la mise en service ou un abattement de 80 % sur les frais de déplacement en cas de coupure pour impayé (article R. 124-16 du code de l'énergie). L'attestation qui accompagne le chèque énergie place le consommateur sous le régime des protections spécifiques de l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles (trêve hivernale notamment) et à l'article 2 du décret n° 2008-780 du 13 août 2008, relatif à la procédure applicable en cas d'impayés des factures d'électricité, de gaz, de chaleur et d'eau (allongement du délai de paiement pour les factures d'électricité et de gaz naturel). De plus, les fournisseurs ont l'interdiction de facturer des frais liés à un rejet de paiement (article L. 224-13 du code de la consommation).

 

Il semble que les attestations soient peu utilisées, ce qui prive les bénéficiaires d'une protection renforcée.

 

 

Les suites de l'expérimentation

Avant sa généralisation à l'ensemble du territoire à partir du 1er janvier 2018, l'expérimentation se poursuit dans les 4 mêmes départements. Une deuxième vague de chèques sera envoyée entre fin mars et début avril 2017. L'un des enjeux principaux est de réussir à toucher les 25 % de personnes qui n'ont pas utilisé leur premier chèque. En effet, à l'échelle nationale, ce serait 1 million de personnes sur les 4 millions de bénéficiaires attendus qui seraient exclues du système.

 

Pour tenter d'améliorer le taux d'utilisation du chèque, le site Internet ad hoc chequeenergie.gouv.fr va lancer de nouvelles fonctionnalités. Ainsi, les bénéficiaires auront accès à leur chèque et à leur attestation en ligne et pourront aussi les utiliser en ligne. Surtout, en cochant une case sur leur espace, ils pourront pré-affecter leur chèque à leur facture d'énergie. Par cette opération, le chèque sera déduit de leur facture d'électricité ou de gaz naturel, ce qui permet de retrouver une certaine automaticité du dispositif.

 

Cependant, ces mesures ne toucheront que les populations déjà sensibilisées au dispositif du chèque énergie. Pour atteindre les publics les plus isolés, il semble qu'une campagne d'information massive soit nécessaire : information du grand public (une campagne d'information dans la presse quotidienne régionale est prévue) mais aussi de publics relais tels que les assistants sociaux ou les associations de consommateurs ou caritatives.

 

Le rapport d'évaluation attendu pour le mois d'octobre 2017 montrera si cette deuxième année d'expérimentation aura plus de succès que la première. 

 

Pour en savoir plus 

> Tous les détails du chèque énergie : "Tout savoir sur le chèque énergie"

> Le point sur l'expérimentation du chèque énergie

> Vidéo CONSO MAG "Chèque énergie : une nouvelle aide pour payer ses factures"

> Bénéficier d'une aide pour payer sa facture d'électricité

> Bénéficier du tarif social en gaz

 

Stéphanie Truquin,

économiste à l'Institut national de la consommation


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