Les pratiques commerciales déloyales
Fiche pratique J 138
Cette fiche pratique de l'INC vous donne les clés pour les reconnaître et s’en prémunir. Elle vous informe sur vos droits et sur vos recours en cas de litige.
1 – QU’EST-CE Q’UNE PRATIQUE COMMERCIALE ?
2 – QUELLES SONT LES PRATIQUES COMMERCIALES DELOYALES ?
2.1 - Les pratiques commerciales trompeuses
Les pratiques trompeuses par action
Les pratiques trompeuses par omission
Les pratiques réputées trompeuses en toutes circonstances
2.2 - Les pratiques commerciales agressives
Les pratiques agressives
Les pratiques réputées agressives en toutes circonstances
3 – COMMENT DETERMINER SI UNE PRATIQUE EST DELOYALE ?
4 – QUELS SONT LES SANCTIONS ET LES RECOURS ?
1 – LA NOTION DE PRATIQUE COMMERCIALE
La notion de "pratique commerciale" ne figure pas dans le code de la consommation. Elle a été définie par la directive n°2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales comme "toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs" [article 2 d)]. Ce dernier peut être un bien ou un service y compris un bien immobilier, un droit ou une obligation [article 2 c)].
La notion de "pratique commerciale" est extrêmement large puisqu’elle englobe la publicité mais également tous les procédés liés au commerce, c’est-à-dire toute forme d’acte en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un bien ou d’un service au consommateur (CJUE, 16 avril 2015, aff. C-388/13). Ainsi, tout le contentieux relatif au service après-vente, à la réparation du bien, au remplacement des pièces et au traitement des réclamations du consommateur déçu, entre dans le champ des pratiques commerciales.
Autrement dit, si l’opération, l’offre, entre dans la stratégie commerciale de son auteur, quel qu’il soit, elle constitue une pratique commerciale. Celle-ci se caractérise par sa finalité.
Ainsi, par exemple, un organisme de droit public en charge d’une mission d’intérêt général telle que la gestion d’un régime d’assurance maladie s’est vu reconnaître la qualité de "professionnel" et ses affiliés, celle de "consommateurs". Par conséquent, les informations trompeuses diffusées par ce premier pouvaient être considérées comme des pratiques commerciales déloyales puisqu’elles risquaient d’induire en erreur les affiliés, en les empêchant de faire un choix en connaissance de cause et en les amenant ainsi à prendre une décision qu'ils n'auraient pas prise en l'absence de telles informations (CJCE, 23 avril 2009, aff. C-261/07 et C-299/07 ; CJUE, 1ère ch., 3 octobre 2013, aff. C-59/12).
Il n’est pas nécessaire que cette pratique ait abouti à un engagement contractuel. Il peut seulement s’agir d’une invitation à entrer en négociation ou d’une sollicitation pour conclure un contrat.
La déloyauté commerciale peut aussi être constatée à l’occasion de la remise à titre gratuit d’un produit (note de service n° 2009-07 de la DGCCRF).
Le support de la pratique commerciale est indifférent : papier, Internet, radio, etc.
Les textes visent uniquement les relations entre un professionnel et un consommateur (tels que définis par l'article liminaire du code de la consommation). Autrement dit, un particulier qui aura mis occasionnellement en vente un bien ou offert un service telle une location saisonnière, en fournissant des indications erronées ne pourra pas être poursuivi pour pratique commerciale trompeuse. La personne s’estimant victime pourra mettre en œuvre les dispositions du code civil (article 1240 du code civil) ou, s’il y a eu conclusion d’un contrat, les dispositions sur la tromperie (article L. 441-1 du code de consommation).
Ainsi, par exemple, dans le domaine de la revente d'or et de métaux précieux par les consommateurs aux professionnels, la pratique consistant à faire croire, via des tracts, que les consommateurs pouvaient payer en espèce, sans préciser que ces paiements ne pouvaient excéder 500 €, ne peut être qualifiée de pratique commerciale trompeuse (Cass. crim., 5 décembre 2017, n° 16-86729).
2 – LES PRATIQUES COMMERCIALES DELOYALES
Le contexte législatif
Les pratiques commerciales considérées comme déloyales sont interdites. A ce titre, elles sont sanctionnées pénalement (article L. 121-1 du code de la consommation). Cette infraction est issue de la directive n° 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales, transposée par la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite "loi Chatel".
Cette loi a :
- défini la notion de "pratiques commerciales déloyales" ;
- substitué aux dispositions sur la publicité mensongère ou trompeuse un nouveau dispositif relatif aux pratiques commerciales trompeuses ;
- créé l’infraction de pratiques commerciales agressives.
Depuis, elle a été remaniée à plusieurs reprises. Désormais, le code de la consommation comporte un livre I consacré à l’information des consommateurs et aux pratiques commerciales regroupant quatre titres dont un titre II relatif aux pratiques commerciales interdites (Titre III pour les sanctions relatives à ces pratiques). Celles-ci sont régies par les articles L. 121-1 à L. 121-7 et L. 132-1 à L. 132-12 dudit code.
Définitions
Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle (a) et qu’elle altère, ou est susceptible d’altérer de manière substantielle, votre comportement économique (b) à l’égard d’un bien ou d’un service (article L. 121-1 du code de la consommation).
- La diligence professionnelle est "le niveau de compétence spécialisée et de soins dont le professionnel est raisonnablement censé faire preuve vis-à-vis du consommateur, conformément aux pratiques de marché honnêtes et/ou au principe général de bonne foi dans son domaine d’activité" [article 2 h) de la directive du 11 mai 2005].
En l’absence de texte en droit français qui détermine une déontologie professionnelle des professions commerciales, le standard de la "diligence professionnelle" est apprécié par les tribunaux au regard des usages ou des dispositions internes à telle ou telle organisation professionnelle (exemple : code déontologique du e-commerce et de la vente à distance).
A défaut, la diligence professionnelle est appréhendée au regard de la bonne foi et/ou de la compétence du professionnel.
- Altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur signifie "compromettre sensiblement l’aptitude du consommateur à décider en connaissance de cause pour l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement" [article 2 e) de la directive du 11 mai 2005].
Quelle que soit la forme que revêt la pratique, il n’est pas nécessaire de démontrer l’existence d’un préjudice mais seulement que celle-ci était susceptible d’altérer ou de nature à altérer, de manière substantielle, votre comportement économique.
L’appréciation de la pratique commerciale déloyale s’effectue in abstracto. Cela signifie que la pratique doit être susceptible de tromper un "consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé" (article L. 121-1, alinéa 2 du code de la consommation). Le considérant 18 de la directive du 11 mai 2005 fait référence à la notion de "consommateur moyen", c’est-à-dire le consommateur "normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, compte tenu des facteurs sociaux, culturels et linguistiques".
Mais si la pratique vise un public déterminé, et plus précisément des personnes vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité, l’appréciation doit être faite au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie particulière ou du groupe de consommateurs visé (article L. 121-1, alinéa 3 du code de la consommation). Cela peut concerner par exemple, une publicité adressée à des adolescents, à un public de personnes âgées.
Parmi les pratiques commerciales déloyales, se trouvent les pratiques commerciales trompeuses et les pratiques commerciales agressives.
2.1 - Les pratiques commerciales trompeuses
Le délit de pratique commerciale trompeuse est plus large et général que celui de la publicité mensongère ou trompeuse, anciennement régie par les articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction antérieure à 2008. Il s’applique à l’ensemble des pratiques commises "avant, pendant et après une transaction commerciale", englobant ainsi la phase post-contractuelle [article 3 1) de la directive du 11 mai 2005].
Le législateur n’a toutefois pas donné plus d’éléments de définition. Il s’est contenté d’exposer les circonstances dans lesquelles une pratique commerciale peut être qualifiée de "trompeuse".
Deux types de pratiques sont à distinguer : les pratiques trompeuses par action et les pratiques trompeuses par omission. Dans les deux cas, le consommateur est incité à prendre une décision qu’il n’aurait pas prise en d’autres circonstances.
LES PRATIQUES TROMPEUSES PAR ACTION
- Une pratique est trompeuse par action "lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent" (article L. 121-2, 1° du code de la consommation).
Ainsi, par exemple, l’imitation d’une marque portant sur un produit proposé à la vente est, à l’égard du consommateur, une pratique commerciale trompeuse (TGI Paris, 3ème chambre, 2ème section, 4 décembre 2015).
Une telle pratique peut également être sanctionnée sur le fondement du parasitisme commercial et/ou de la contrefaçon.
- Une pratique est également trompeuse "lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire le consommateur en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants :
a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;
b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ;
c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ;
d) Le service après-vente, la nécessité d'un service, d'une pièce détachée, d'un remplacement ou d'une réparation ;
e) La portée des engagements de l'annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ;
f) L'identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ;
g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur" (article L. 121-2, 2° du code de la consommation).
Le spectre de cette disposition est plus large que celui de la publicité mensongère ou trompeuse. Il n’en demeure pas moins que la publicité reste le moyen principal de la commission de l’infraction.
Nota : certaines jurisprudences, bien que faisant application de textes antérieurs, sont citées car les exemples sont toujours pertinents.
Disponibilité : proposer à la location des appartements qui en réalité sont déjà occupés (CA Paris, 29 octobre 1998) ; faire la publicité de produits ou services à un prix très bas alors qu’ils ne sont pas en stock ou sont en nombre insuffisant (Cass. crim., 4 décembre 2012, n° 12-81223).
Qualités substantielles : prétendre qu’un produit a des vertus amaigrissantes alors qu’il s’agit d’un simple complément alimentaire (CA Paris, 5 décembre 1997), que des chatons proposés à la vente ont atteint l’âge du sevrage alors que ce n’est pas le cas (Cass. crim., 2 février 2016, n° 14-88541), qu’un désherbant est biodégradable et sans effet nocif sur l’environnement alors qu’il s’agit d’un pesticide (CA Lyon, 29 octobre 2008), annoncer une vente d’appartement de 18 m² dans le XIème arrondissement de Paris alors qu’il ne mesurait que 14,1 m² et était situé dans le XXème (Cass. crim., 27 mars 1996, n° 94-86039).
Composition : prétendre qu’un jus de fruits est « pur » alors qu’il est additionné d’eau (Cass. crim., 4 mars 1976, n° 75-91924) ; représenter des crèmes dessert accompagnées de gousses de vanille et carrés de chocolat alors que ces produits sont élaborés à partir d’un parfum purement synthétique (CA Riom 25 juin 1998) ; inscrire sur un pot de glace « garanti sans colorant et sans produit chimique » alors qu’il s’agit de deux composants (CA Paris, 7 janvier 1998) ; ne pas préciser de manière suffisamment claire et expresse que la seule consommation du produit n'est pas suffisante pour espérer atteindre les résultats annoncés et qu'elle doit être complétée par une alimentation saine et variée, une activité, si ce n'est sportive, du moins physique (CA Paris, 6 février 2019, n°18-27101).
Origine : qualifier de «Limoges France» de la porcelaine décorée dans le Cher (Cass. crim., 28 novembre 1983, n° 82-94185) ; prétendre qu’un vin provient d’une seule et même propriété alors qu’il a des origines diverses (Cass. crim., 4 décembre 1978, n° 77-92400) ; nommer un produit cosmétique « savon tradition Alep » alors qu’il a été fabriqué en Tunisie (Cass. com., 1er mars 2017, n° 15-15448) ; commercialiser un fromage sous le nom d’emmental alors qu’il ne présente pas les caractéristiques de cette dénomination réglementée (Cass. crim., 12 octobre 1999, n° 98-83307) ; présenter des asperges comme d’origine française alors qu’elles proviennent d’Espagne (CA Paris 24 novembre 1998).
Mode de fabrication : prétendre qu’une compote est un produit frais alors qu’elle est pasteurisée (Cass. crim., 12 janvier 1999, n° 97-13801) ; que le pain est cuit dans un four chauffé au bois alors qu’il s’agit d’un four traditionnel (Cass. crim., 2 juin 1982).
Prix : afficher un prix qui ne correspond pas à celui du produit présenté (Cass. crim., 28 novembre 1991, n° 90-86624) ; gonfler artificiellement le prix pour faire croire au consommateur qu’il a bénéficié d’une réduction importante (Cass. crim., 18 septembre 1996) ; vendre un produit à un prix supérieur à celui figurant dans un catalogue publicitaire (Cass. crim., 28 juill. 1981, n° 80-94778) ; laisser croire que les remises pratiquées sont limitées dans le temps et revêtent un caractère exceptionnel alors qu’elles sont systématiquement renouvelées jusqu’à les rendre permanentes (Cass. crim., 24 avril 1997, n° 95-82400) ; annoncer une réduction de prix sans pouvoir justifier ni du mode de fixation du prix de base servant de calcul de la réduction offerte, ni de la pratique habituelle de ce prix de référence (Cass. crim., 20 mars 2001, n° 00-82179) ; laisser croire au consommateur qu’il bénéficie d’une prestation de service gratuite alors qu’en réalité le prix global des produits proposés englobe celui des prestations prétendument offertes (CA Paris, 2 mai 2000), ; annoncer sur internet des prix promotionnels alors que les prix de référence n’ont jamais été appliqués et ce même si le client potentiel est connaisseur des prix pratiqués et peut instantanément les comparer en ligne (Cass. crim., 11 juillet 2017, n° 16-84902) ; pour un comparateur de prix, ne pas s’identifier en tant que site publicitaire, ne pas mettre à jour les prix en temps réel, ne pas indiquer les périodes de validité des offres, les frais de port, les conditions de la garantie des produits, leurs caractéristiques principales et en affirmant indûment qu’il recherche les meilleurs prix (CA Grenoble, 21 octobre 2010, n°08-0325).
Conditions de vente : prétendre que la vente est directe alors des intermédiaires sont intervenus (Cass. crim., 8 octobre 1985, n° 83-91420) ; présenter comme solde une vente bien qu’il n‘y ait aucun rabais sur les prix (CA Paris 21 octobre 1992).
Propriétés et résultats attendus de l’utilisation du produit ou du service : prétendre qu’une bague proposée à la vente porte bonheur (Cass. crim., 8 mars 1990, n° 87-81049), qu’un médicament soigne le SIDA (CA Paris, 1er mars 1993).
Identité du professionnel : se présenter faussement comme un « expert » (Cass. crim., 15 février 1982, n° 81-92520).
La pratique peut également prendre la forme d’un acte postérieur à la transaction commerciale.
Ainsi, par exemple, une banque qui n’applique pas le taux particulièrement attractif proposé dans le cadre d’une offre promotionnelle d’une durée limitée, sans aviser le souscripteur, se rend coupable d’une pratique commerciale trompeuse (Cass. crim., 13 janvier 2016, n° 14-88136).
Tout n’est pas interdit ! Les publicités hyperboliques sont autorisées. Par exemple, la publicité pour les piles Wonder ("Les piles Wonder ne s’usent que si l’on s’en sert") n’a pas été jugée trompeuse car volontairement exagérée et ne pouvant induire personne en erreur (Cass. crim., 15 octobre 1985). En effet, le délit n’est pas constitué lorsque le simple bon sens écarte toute équivoque.
- Enfin, une pratique est trompeuse lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n’est pas clairement identifiable (article L. 121-2, 3° du code de la consommation). Le législateur a souhaité ici sanctionner pénalement les conventions opaques, où l’identification même du contractant est rendue impossible en raison notamment, de multiples écrans ou intermédiaires.
Une pratique commerciale trompeuse peut être caractérisée bien que les faits ne se soient produits qu’une seule fois et à l’égard d’un seul consommateur (CJUE, 16 avril 2015, aff. C-388/13).
> Pour en savoir plus, consultez l’article de l’INC "Communiquer une information erronée à un seul client est une pratique commerciale trompeuse".
Traditionnellement, les dispositions du code de la consommation sont applicables aux seules relations entre un consommateur et un professionnel. Il existe toutefois des dérogations : l’article L. 121-2 du code de la consommation s’applique aux pratiques visant des professionnels et des non-professionnels, dans leur définition issue de l’article liminaire du code de la consommation (article L. 121-5 du code de la consommation).
Aspect pénal
Le délit de pratique commerciale trompeuse par action est une infraction intentionnelle. Pour obtenir une condamnation du professionnel, vous devez démontrer l’existence d’un élément matériel (la tromperie) et d’un élément moral (l’intention coupable).
C’est la déloyauté de la pratique utilisée par le professionnel qui caractérise l’intention de commettre l’infraction (note de service n°2009-07 de la DGCCRF). La déloyauté d’une pratique pourra notamment être établie à partir du non-respect de certains codes de conduite, d’usages inhérents à une profession ou encore de la connaissance qu’avait le professionnel de l’aspect trompeur de la pratique. Une simple négligence ou imprudence ne peut, à elle seule, caractériser l’élément moral du délit (Cass. crim., 15 décembre 2009, n° 09-83059).
LES PRATIQUES TROMPEUSES PAR OMISSION
Une pratique est trompeuse par omission si "compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte.
(...) Dans toute communication commerciale constituant une invitation commerciale et destinée au consommateur mentionnant le prix et les caractéristiques du bien ou du service proposé, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques principales du bien ou du service ;
2° L'adresse et l'identité du professionnel ;
3° Le prix toutes taxes comprises et les frais de livraison à la charge du consommateur, ou leur mode de calcul, s'ils ne peuvent être établis à l'avance ;
4° Les modalités de paiement, de livraison, d'exécution et de traitement des réclamations des consommateurs, dès lors qu'elles sont différentes de celles habituellement pratiquées dans le domaine d'activité professionnelle concerné ;
5° L'existence d'un droit de rétractation, si ce dernier est prévu par la loi" (article L. 121-3, alinéas 1 et 3 du code de la consommation).
L’article 7 de la directive du 11 mai 2015 précise que l’omission trompeuse porte sur "une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et par conséquent l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement ".
Dès lors, il y a lieu de réserver cette qualification à des défauts de mentions suffisamment graves et caractérisés pour qu’ils altèrent ou soient de nature à altérer le consentement du consommateur à l’égard du produit ou du service proposé.
QUELQUES EXEMPLES DE JURISPRUDENCE
Une société de courtage matrimonial qui omet d’indiquer l’existence d’un droit de rétractation dans toute communication commerciale constituant une invitation à l’achat, que celle-ci soit antérieure ou concomitante à la transaction commerciale, se rend coupable d’une pratique commerciale trompeuse (Cass. crim., 13 janvier 2016, n° 14-84072).
En revanche, dans le cadre d'une offre conjointe consistant en la vente d'un ordinateur équipé de logiciels préinstallés, l'absence d'indication du prix de chacun des logiciels n’est ni de nature à empêcher le consommateur de prendre une décision commerciale en connaissance de cause, ni susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement. Le prix de chacun de ces logiciels ne constituant ainsi pas une information substantielle, l'absence d'indication du prix ne saurait être considérée comme une pratique trompeuse par omission (CJUE, 7 septembre 2016, aff. C-310/15 et Cass. 1ère ch., 29 mars 2017, n° 15-13248).
Enfin, pour un comparateur en ligne, l’absence d’identification claire du référencement prioritaire est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur. Celui-ci est d’abord orienté vers les produits et offres des e-marchands « payants ». Il ne dispose alors pas de critères objectifs de choix, caractérisant l’existence d’une pratique commerciale déloyale (Cass. com., 4 décembre 2012, n° 11-27729). |
Il convient de tenir compte des limites propres au moyen de communication utilisé (article L. 121-3, alinéa 2 du code de la consommation).
Pour un SMS publicitaire par exemple, le professionnel est contraint de réduire son espace de rédaction. Pour échapper à la qualification de pratique commerciale trompeuse, il peut communiquer un ensemble de prescriptions minimales et transmettre les éléments manquants par tout autre moyen adapté. Ainsi il peut fournir, par exemple, un numéro de téléphone gratuit ou un lien hypertexte vers une page web où les informations substantielles sont directement lisibles et accessibles.
L’article L. 121-3 du code de la consommation s' applique aux relations entre professionnels ou entre professionnels et non-professionnels (article L. 121-5 du code de la consommation).
Aspect pénal
Le délit de pratique commerciale trompeuse par omission est une infraction intentionnelle. Pour obtenir une condamnation du professionnel, vous devez démontrer l’existence d’un élément matériel (la tromperie) et d’un élément moral (l’intention coupable).
L’élément moral se déduira notamment de la connaissance que le professionnel avait des éléments qu’il a omis de vous signaler dans le but de vous tromper.
LES PRATIQUES REPUTEES TROMPEUSES EN TOUTES CIRCONSTANCES
La directive du 11 mai 2005 a dressé une liste "noire" des pratiques qui, d’office, sont considérées comme trompeuses, transposée à l’article L. 121-4 du code de la consommation :
"1° Pour un professionnel, de se prétendre signataire d'un code de conduite alors qu'il ne l'est pas ;
2° D'afficher un certificat, un label de qualité ou un équivalent sans avoir obtenu l'autorisation nécessaire ;
3° D'affirmer qu'un code de conduite a reçu l'approbation d'un organisme public ou privé alors que ce n'est pas le cas ;
4° D'affirmer qu'un professionnel, y compris à travers ses pratiques commerciales ou qu'un produit ou service a été agréé, approuvé ou autorisé par un organisme public ou privé alors que ce n'est pas le cas ou de ne pas respecter les conditions de l'agrément, de l'approbation ou de l'autorisation reçue ;
5° De proposer l'achat de produits ou la fourniture de services à un prix indiqué sans révéler les raisons plausibles que pourrait avoir le professionnel de penser qu'il ne pourra fournir lui-même ou faire fournir par un autre professionnel, les produits ou services en question ou des produits ou services équivalents au prix indiqué, pendant une période et dans des quantités qui soient raisonnables compte tenu du produit ou du service, de l'ampleur de la publicité faite pour le produit ou le service et du prix proposé ;
6° De proposer l'achat de produits ou la fourniture de services à un prix indiqué, et ensuite :
a) De refuser de présenter aux consommateurs l'article ayant fait l'objet de la publicité ;
b) Ou de refuser de prendre des commandes concernant ces produits ou ces services ou de les livrer ou de les fournir dans un délai raisonnable ;
c) Ou d'en présenter un échantillon défectueux, dans le but de faire la promotion d'un produit ou d'un service différent ;
7° De déclarer faussement qu'un produit ou un service ne sera disponible que pendant une période très limitée ou qu'il ne sera disponible que sous des conditions particulières pendant une période très limitée afin d'obtenir une décision immédiate et priver les consommateurs d'une possibilité ou d'un délai suffisant pour opérer un choix en connaissance de cause ;
8° De s'engager à fournir un service après-vente aux consommateurs avec lesquels le professionnel a communiqué avant la transaction dans une langue qui n'est pas une langue officielle de l'État membre de l'Union européenne dans lequel il est établi et, ensuite, assurer ce service uniquement dans une autre langue sans clairement en informer le consommateur avant que celui-ci ne s'engage dans la transaction ;
9° De déclarer ou de donner l'impression que la vente d'un produit ou la fourniture d'un service est licite alors qu'elle ne l'est pas ;
10° De présenter les droits conférés au consommateur par la loi comme constituant une caractéristique propre à la proposition faite par le professionnel ;
11° D'utiliser un contenu rédactionnel dans les médias pour faire la promotion d'un produit ou d'un service alors que le professionnel a financé celle-ci lui-même, sans l'indiquer clairement dans le contenu ou à l'aide d'images ou de sons clairement identifiables par le consommateur ;
12° De formuler des affirmations matériellement inexactes en ce qui concerne la nature et l'ampleur des risques auxquels s'expose le consommateur sur le plan de sa sécurité personnelle ou de celle de sa famille s'il n'achète pas le produit ou le service ;
13° De promouvoir un produit ou un service similaire à celui d'un autre fournisseur clairement identifié, de manière à inciter délibérément le consommateur à penser que le produit ou le service provient de ce fournisseur alors que tel n'est pas le cas ;
14° De déclarer que le professionnel est sur le point de cesser ses activités ou de les établir ailleurs alors que tel n'est pas le cas ;
15° D'affirmer d'un produit ou d'un service qu'il augmente les chances de gagner aux jeux de hasard ;
16° D'affirmer faussement qu'un produit ou une prestation de services est de nature à guérir des maladies, des dysfonctionnements ou des malformations ;
17° De communiquer des informations matériellement inexactes sur les conditions de marché ou sur les possibilités de trouver un produit ou un service, dans le but d'inciter le consommateur à acquérir celui-ci à des conditions moins favorables que les conditions normales de marché ;
18° D'affirmer, dans le cadre d'une pratique commerciale, qu'un concours est organisé ou qu'un prix peut être gagné sans attribuer les prix décrits ou un équivalent raisonnable ;
19° De décrire un produit ou un service comme étant " gratuit ", " à titre gracieux ", " sans frais " ou autres termes similaires si le consommateur doit payer quoi que ce soit d'autre que les coûts inévitables liés à la réponse à la pratique commerciale et au fait de prendre possession ou livraison de l'article ;
20° D'inclure dans un support publicitaire une facture ou un document similaire demandant paiement qui donne au consommateur l'impression qu'il a déjà commandé le produit ou le service commercialisé alors que tel n'est pas le cas ;
21° De faussement affirmer ou donner l'impression que le professionnel n'agit pas à des fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ou de se présenter faussement comme un consommateur ;
22° De créer faussement l'impression que le service après-vente en rapport avec un produit ou un service est disponible dans un État membre de l'Union européenne autre que celui dans lequel le produit ou le service est vendu".
Si une pratique ne figure pas dans la liste ci-dessus, elle ne peut pas être d’office interdite. Dès lors, sa licéité doit être appréciée au cas par cas, au regard des dispositions qui sanctionnent les pratiques trompeuses ou simplement déloyales.
L’article L. 121-4 du code de la consommation est également applicable aux pratiques visant des professionnels ou des non-professionnels (article L. 121-5 du code de la consommation).
2.2 - Les pratiques commerciales agressives
Une pratique commerciale est agressive "lorsque du fait de sollicitations répétées et insistantes ou de l'usage d'une contrainte physique ou morale, et compte tenu des circonstances qui l'entourent :
1° Elle altère ou est de nature à altérer de manière significative la liberté de choix d'un consommateur ;
2° Elle vicie ou est de nature à vicier le consentement d'un consommateur ;
3° Elle entrave l'exercice des droits contractuels d'un consommateur. (...)" (article L. 121-6, alinéa 1 du code de la consommation).
Trois éléments doivent donc être réunis pour caractériser une pratique commerciale agressive :
- une pratique commerciale (voir partie 1) ;
- une pression exercée sur le consommateur (a) ;
- l’altération du consentement du consommateur ou l’entrave à l’exercice de ses droits contractuels (b).
a) La pression du professionnel peut s’exercer selon des modalités différentes :
- "Des sollicitations répétées et insistantes » prenant la forme, par exemple, de sollicitations téléphoniques, de visites domiciliaires, de messages électroniques ou de courriers. De même, l’intervention successive dans un magasin de plusieurs vendeurs pour arracher la vente peut être considérée comme du harcèlement.
Les frontières avec le délit d’abus de faiblesse ici s’entremêlent.
> Pour en savoir plus, consultez la fiche pratique de l’INC "L’abus de faiblesse". - "Une contrainte morale" (chantage, intimidation, menace, exploitation de la situation économique du consommateur, utilisation des peurs, des angoisses et/ou des faiblesses du consommateur, etc.).
- "Une contrainte physique", bien que rare dans le cadre des relations entre un consommateur et un professionnel. Il peut en être ainsi de certaines méthodes de vente qui consistent à faire durer plusieurs heures le processus de négociation du prix ou des conditions de vente.
- "Une influence injustifiée" soit "l’utilisation d’une position de force vis à vis du consommateur même sans avoir recours à la force physique ou menacer de le faire, de telle manière que son aptitude à prendre une décision en connaissance de cause soit limitée de manière significative" [article 2 j) de la directive du 11 mai 2005].
Les éléments à prendre en considération pour déterminer les notions de sollicitations répétées et insistantes, de contrainte, y compris physique et d’influence injustifiée, sont listés au second paragraphe de l’article L. 121-6 du code de la consommation. Il s’agit d’éléments précisant les circonstances qui entourent la pratique :
« (...) 1° Le moment et l'endroit où la pratique est mise en œuvre, sa nature et sa persistance ;
2° Le recours à la menace physique ou verbale ;
3° L'exploitation, en connaissance de cause, par le professionnel, de tout malheur ou circonstance particulière d'une gravité propre à altérer le jugement du consommateur, dans le but d'influencer la décision du consommateur à l'égard du produit ;
4° Tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur ;
5° Toute menace d'action alors que cette action n'est pas légalement possible ».
QUELQUES EXEMPLES DE JURISPRUDENCE
Le fait pour une société de se rendre quatorze fois, en moins de deux mois, au domicile d'une personne malade pour lui faire signer des contrats de toute nature (CA Douai, 3 juillet 2014).
Le fait de fournir des personnes âgées (75 à 90 ans) en produits agricoles à des tarifs extrêmement supérieurs au prix du marché et en faisant usage d’une contrainte morale de nature à vicier leur consentement et à entraver leurs droits contractuels (Cass. crim., 1 avril 2014, n°13-83204).
Le fait de commercialiser des cartes SIM, contenant des services payants préinstallés et préalablement activés comme des services de navigation sur Internet et de messagerie vocale, sans informer le consommateur des coûts des services qu’elles incluent, constitue une "fourniture non demandée" (CJUE, 13 septembre 2018, C-54/17 AGCM/Wind Tre SpA - CJUE, 13 septembre 2018, C-55/17, AGCM/Vodafone Italia Spa). |
b) La pression exercée sur le consommateur doit avoir pour conséquence : d'altérer sa liberté de choix, en amont de la conclusion du contrat, ou de vicier ou être de nature à vicier son consentement au moment de la conclusion du contrat, ou d'entraver l'exercice de ses droits contractuels après que le contrat ait été conclu.
L’altération de la liberté de choix et le vice du consentement du consommateur sont des notions voisines. Elles signifient toutes deux que le consentement du consommateur n’a été ni libre ni éclairé.
La pratique commerciale doit donc avoir une influence déterminante sur la décision d’achat du consommateur pour être sanctionnée sur le fondement de l’article L. 121-6 du code de la consommation.
Le texte vise également les pratiques qui font obstacle à l’exercice d’un droit contractuel. Il s’agit de tout "tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur" [article 9 d) de la directive de 2005]. On entend par "droit contractuel" la résolution d’un contrat, l’exercice d’un droit de rétractation, l’échange prévu au contrat, l’indemnisation au titre d’un contrat d’assurance, etc.
Aspect pénal
Une fois l’élément matériel de l’infraction démontré, à savoir le comportement agressif du professionnel, il est facile de prouver l’élément moral (l’intention coupable). Une agression ne peut résulter que d’un comportement volontaire.
LES PRATIQUES REPUTEES AGRESSIVES EN TOUTES CIRCONSTANCES
La directive du 11 mai 2005 a dressé une liste "noire" des pratiques qui, d’office, sont considérées comme trompeuses, transposée à l’article L. 121-7 du code de la consommation :
"1° De donner au consommateur l'impression qu'il ne pourra quitter les lieux avant qu'un contrat n'ait été conclu ;
2° D'effectuer des visites personnelles au domicile du consommateur, en ignorant sa demande de voir le professionnel quitter les lieux ou de ne pas y revenir, sauf si la législation nationale l'y autorise pour assurer l'exécution d'une obligation contractuelle ;
3° De se livrer à des sollicitations répétées et non souhaitées par téléphone, télécopieur, courrier électronique ou tout autre outil de communication à distance ;
4° D'obliger un consommateur qui souhaite demander une indemnité au titre d'une police d'assurance à produire des documents qui ne peuvent raisonnablement être considérés comme pertinents pour établir la validité de la demande ou s'abstenir systématiquement de répondre à des correspondances pertinentes, dans le but de dissuader ce consommateur d'exercer ses droits contractuels ;
5° Dans une publicité, d'inciter directement les enfants à acheter ou à persuader leurs parents ou d'autres adultes de leur acheter le produit faisant l'objet de la publicité ;
6° D'informer explicitement le consommateur que s'il n'achète pas le produit ou le service, l'emploi ou les moyens d'existence du professionnel seront menacés ;
7° De donner l'impression que le consommateur a déjà gagné, gagnera ou gagnera en accomplissant tel acte un prix ou un autre avantage équivalent, alors que, en fait :
- soit il n'existe pas de prix ou autre avantage équivalent ;
- soit l'accomplissement d'une action en rapport avec la demande du prix ou autre avantage équivalent est subordonné à l'obligation pour le consommateur de verser de l'argent ou de supporter un coût".
Si une pratique ne figure pas dans la liste ci-dessus, elle ne peut pas être d’office interdite. Dès lors, sa licéité doit être appréciée au cas par cas, au regard des dispositions qui sanctionnent les pratiques agressives ou simplement déloyales.
3 – COMMENT DETERMINER SI UNE PRATIQUE EST DELOYALE ?
Pour savoir si une pratique commerciale est condamnable, il convient de raisonner par étapes et d’utiliser, ce qu’on appelle, la méthode de « l’entonnoir inversé ».
Etape n°1 : la pratique est-elle une "pratique commerciale" au sens de la directive n°2005/29/CE du 11 mai 2005 ?
Le cas échéant,
Etape n° 2 : la pratique figure-t-elle dans la liste des 22 pratiques réputées trompeuses (article L. 121-4 du code de la consommation) ou dans la liste des 7 pratiques réputées agressives (article L. 121-7 du code de la consommation) en toutes circonstances ?
A défaut,
Etape n° 3 : la pratique est-elle trompeuse au sens des articles L. 121-2 et L. 121-3 du code de la consommation ? / La pratique est-elle agressive au sens de l’article L. 121-6 du code de la consommation ?
Le cas échéant, vous devez prouver que l’élément matériel (la tromperie ou l’agression) et l’élément moral de l’infraction (l’intention coupable du professionnel) sont réunis en l’espèce.
A défaut,
Etape n° 4 : la pratique est-elle déloyale au sens de l’article L. 121-1 du code de la consommation ?
Le cas échéant, vous devez prouver que l’élément matériel (la déloyauté) et l’élément moral de l’infraction (l’intention coupable du professionnel) sont réunis en l’espèce.
A défaut, la pratique n’est pas condamnable sur le fondement des articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation.
4 – LES SANCTIONS ET RECOURS
Le délit de pratique commerciale trompeuse est constitué dès lors que la pratique est mise en œuvre ou qu'elle produit ses effets en France (article L. 132-1 du code de la consommation).
Pour les personnes physiques, ces pratiques sont punies d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 300 000 €.
Le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit (article L. 132-2 du code de la consommation).
Elles encourent également, titre de peines complémentaires, l'interdiction soit d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, soit d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour leur propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale, pour une durée de cinq ans maximum (article L. 132-3, alinéas 1 et 2 du code de la consommation).
Les personnes morales encourent une amende de 1 500 000 € ainsi que les peines complémentaires prévues au 2° à 9° de l’article 131-39 du code pénal (article L. 132-3, alinéa 3 du code de la consommation). Par exemple, il peut s’agir de la dissolution ou du placement sous surveillance judiciaire de la personne morale. De plus, en cas de condamnation, le tribunal peut ordonner, par tous moyens appropriés, l'affichage ou la diffusion de l'intégralité ou d'une partie de la décision (article L. 132-4, alinéa 1 du code de la consommation). Le juge en fixera les modalités.
Les pratiques commerciales agressives sont punies d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 € pour les personnes physiques, 1 500 000 € pour les personnes morales (articles L. 132-12 du code de la consommation et 131-38 du code pénal).
Le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits (article L. 132-11 du code de la consommation).
A titre de peine complémentaire, les personnes physiques encourent l’interdiction d’exercer une activité commerciale directement ou indirectement, pour une durée de cinq ans au plus. Quant aux personnes morales, elles encourent les peines complémentaires prévues au 2° à 9° de l’article 131-39 du code pénal (article L. 132-12 du code de la consommation).
Lorsqu’une pratique commerciale agressive aboutit à la conclusion d’un contrat, celui-ci est nul et de nul effet (article L. 132-10 du code de la consommation). Il s’agit d’une nullité de plein droit, c’est-à-dire que vous pouvez la demander sans avoir à saisir le juge.
Vos recours
Si vous vous estimez victime d’une pratique commerciale déloyale (trompeuse, agressive ou simplement déloyale), demandez au professionnel la nullité du contrat et/ou une indemnisation, de préférence par courrier recommandé avec avis de réception.
Pour obtenir une information ou une aide, vous pouvez prendre contact avec une association de consommateur agréée. Elle peut notamment intervenir en vue d’un règlement amiable du litige, sous réserve d’y être adhérent.
Faute d'arrangement amiable avec le professionnel, vous pouvez aussi :
- alertez les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), soit selon votre département, les agents de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) ou de la Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP).
Si après enquête, les agents de la DGCCRF estiment que les éléments constitutifs du délit de pratique commerciale trompeuse sont réunis, ils dressent un procès-verbal et le transmettent au procureur de la République.
Le professionnel peut aussi faire l’objet d’une injonction de mise en conformité (article L. 521-1 du code de la consommation) ou de cessation d’agissement illicite (article L. 521-2 du code de la consommation). Une transaction peut lui être proposée, après accord du Procureur (article L. 523-1 du code de la consommation) ; - déposer plainte au commissariat ou directement saisir le procureur de la République près du tribunal de grande instance de votre domicile.
Et si l’action publique n’est pas mise en œuvre par le Procureur de la République parce qu’il a décidé de classer le dossier sans suite, il existe d’autres recours. Vous avez la possibilité de :
- faire une citation directe près du tribunal de police du lieu où l’infraction a été commise ou du lieu de résidence du défendeur ;
- vous constituer partie civile près du tribunal de grande instance de votre domicile ;
- demander réparation devant les juridictions civiles. Pour cela, vous devez vous adresser au tribunal d'instance si la somme en jeu est inférieure ou égale à 10 000 €. Si la somme est supérieure, il s'agira du tribunal de grande instance.
L’assistance d’un avocat n’est pas obligatoire devant le tribunal d’instance.
Pour obtenir des renseignements sur les procédures, adressez-vous aux points d’accès au droit (PAD) ou aux maisons de justice et du droit (MJD). Un annuaire de ces lieux et de nombreux autres renseignements figurent sur le site du ministère de la justice, rubriques "Vos droits et démarches" ou "Annuaires et contacts".
Marie Martin et Camille Minaud,
Juristes à l’Institut national de la consommation