Démarchage téléphonique : bientôt la fin des abus ?
Le démarchage téléphonique pourrait se voir impacté très prochainement par une proposition de loi adoptée jeudi 14 novembre 2024 au Sénat.
Modifiant le régime juridique de ce procédé commercial de manière conséquente, le texte veut également alourdir certaines sanctions.
L’opt-out vers l’opt-in, est au cœur du changement. Mais qu’est-ce que cela signifie ?
Derrière ces anglicismes se cache des définitions très simple :
- l’ "opt-out" désigne le régime dans lequel le consentement du consommateur est présumé, et qu’il doit donc faire une démarche active pour signifier sa volonté de ne pas être démarché (le fonctionnement avec la liste Bloctel par exemple),
- l’ "opt-in" quant à lui désigne à l’inverse, un régime dans lequel le consommateur est présumé ne pas vouloir être démarché, et qu’il doit faire une démarche active pour signifier son consentement.
Ainsi, c’est dans ce basculement de régime que réside tout l’intérêt du texte, n’obligeant plus les consommateurs à devoir s’inscrire sur une liste pour ne plus être sollicités.
La liste Bloctel serait donc supprimée. Comme le mentionne le rapport parlementaire (Sénat, Commission des lois, Rapport n° 310 de M. André Reichardt), une liste positive recueillant l’accord pour être démarché serait contraire au règlement général sur la protection des données personnelles (RGPD). C’est pourquoi il appartiendrait aux professionnels de mettre en place un formulaire de recueil de consentement préalable des consommateurs qui accepteraient d’être contactés dans le cadre d’un démarchage téléphonique.
En plus de ce changement majeur, le texte prévoit des sanctions plus lourdes pour les abus de faiblesse commis à la suite d’un démarchage téléphonique, les punissant de cinq ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende, au lieu de 3 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende actuellement (article L. 132-14 du code de la consommation).
Le texte instaure également un délai de carence de 24 heures avant l’acceptation d’une offre proposée dans le cadre d’un démarchage téléphonique. Autrement dit, cela mettrait un terme à l’acceptation du contrat immédiatement lors du démarchage ("contrats conclus à chaud"). Ce principe a été instauré en matière d’assurance par la loi n° 2021-402 du 8 avril 2021 (article L.112-2-2 du code des assurances).
Le cadre juridique en vigueur est limité
Initialement encadré par loi du 17 mars 2014 "loi Hamon", puis par d’autres dispositions dont la loi "Naegelen", du 24 juillet 2020, le démarchage téléphonique n’est aujourd’hui pas réellement contraint. Parmi ces dispositions on retrouve :
- une interdiction dans deux secteurs que sont la rénovation énergétique ou la production d’énergies renouvelables (article L. 223-1 du code de la consommation) et le compte personnel de formation (CPF) (Art. L. 6323-8-1 du code du travail),
- un encadrement horaire obligeant les professionnels à limiter leurs appels en semaine de 10h à 13h et de 14h à 20h,
- la mise en place de "Bloctel" qui permet aux consommateurs ne souhaitant pas être contactés de s’inscrire sur cette liste.
C’est entre autres le bilan de cette dernière qui a montré des résultats très modestes.
Senat.fr, dossier législatif, ppl 23-782. Source : données transmises par la société "SAS Consoprotec" qui gère la liste Bloctel
En effet, malgré une augmentation du nombre d’inscrits et des numéros enregistrés, cela ne représente que 9 % des Français et 10 % des lignes téléphoniques, sans oublier la chute du nombre de signalements qui a été divisé par deux depuis 2021.
Le texte, adopté à l’unanimité au Sénat, et vivement soutenu par la plupart des associations de consommateurs, est en attente d’examen à l’Assemblée nationale.