Panneaux photovoltaïques et crédit : jurisprudence
Le contentieux lié à la pose et au financement d’installations photovoltaïques chez des particuliers est toujours un sujet d’actualité et reste abondant.
Dans cette fiche, nous aborderons la jurisprudence sur le sujet, qui peut également se transposer à la vente de systèmes d’économie d’énergie tels que l’installation de pompes à chaleur.
1 - Description du mécanisme d'achat et de souscription de crédit
2 - Evolution de la jurisprudence
3 - Exemples de jurisprudences récentes
1 - Description du mécanisme d'achat et de souscription de crédit
L’installation de panneaux photovoltaïques chez des particuliers est en développement.
Lors d’une foire ou lors d’un démarchage à domicile, le vendeur et installateur des panneaux photovoltaïque fait souvent miroiter au consommateur qu’il pourra autoconsommer son électricité, mais aussi en revendre à ERDF. L’achat est ainsi "autofinancé" par la revente d’électricité et le bénéfice de crédit d’impôt ou de subventions.
Malheureusement, les particuliers sont parfois déçus de la production effective d’électricité (du manque de rentabilité espérée) qu’ils peuvent revendre à ERDF ou rencontrent des problèmes d’installation (installation défectueuse, absence d’onduleur) ou de raccordement au réseau empêchant la revente à ERDF.
Certains engagent alors des actions en nullité des contrats de vente et d’installation sur le fondement de la violation des dispositions relatives au démarchage à domicile ou de la vente hors établissement. Si elle est retenue, la nullité se répercute nécessairement sur les emprunts qui y sont attachés.
Parfois, c’est lors d’une action du prêteur contre l’emprunteur qu’une demande reconventionnelle de nullité est soulevée devant les juridictions.
En effet, le vendeur fait souvent signer l’offre de crédit en même temps que le contrat principal. Il agit comme intermédiaire de crédit et la banque lui verse alors directement les fonds sans que ceux-ci transitent par le compte de l’emprunteur.
Il existe deux contrats différents mais qui sont interdépendants : il s’agit d’une opération commerciale unique. C’est le cas lorsque le contrat de crédit mentionne précisément les biens ou les services financés, mais aussi quand le vendeur finance lui-même le crédit, ou lorsque le prêteur recourt aux services du vendeur pour la conclusion du contrat de crédit. Le consommateur emprunteur est ainsi protégé.
La résolution ou l’annulation d’un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat constatant la vente ou la prestation de services qu’il finance, emporte pour l’emprunteur l’obligation de restituer au prêteur le capital prêté.
En dépit de la nullité du contrat de vente et donc du crédit, la banque conserve sa créance de restitution. L’emprunteur doit restituer le capital emprunté sauf à démontrer la faute de l’organisme prêteur.
2 - Evolution de la jurisprudence
Pendant plusieurs années (2018/2019), les juridictions du fond comme la Cour de cassation considéraient que lorsque la banque avait commis une faute dans le transfert au vendeur de panneaux photovoltaïques du capital emprunté, elle ne pouvait se prévaloir auprès du consommateur emprunteur du remboursement du capital prêté suite à l’annulation du crédit affecté.
La banque devait alors se tourner vers le vendeur de panneaux photovoltaïques pour obtenir la restitution des fonds empruntés. Mais, souvent, le vendeur était en liquidation judiciaire, et la banque supportait alors l’éventuelle insolvabilité du vendeur.
La responsabilité de la banque était fondée sur son attitude lors du déblocage des fonds.
La jurisprudence relevait que le prêteur ne devait pas débloquer les fonds prêtés sans avoir vérifié l’attestation de fin de travaux mais aussi le bon de commande sur sa conformité à la réglementation relative au démarchage. Il devait s’assurer de la complète exécution de la prestation, c’est-à-dire la fourniture, l’installation et la mise en services des panneaux photovoltaïques.
L’envoi d’une attestation de fin de travaux est de nature à prouver que la livraison a été effectuée ou la prestation réalisée.
Le prêteur peut alors verser les fonds au vendeur et le prêt doit commencer à être remboursé.
L’attestation de fin de travaux doit être conforme à ce qui est prévu dans le bon de commande, et doit montrer que l’installation est complète et les prestations réalisées. Elle doit être datée - la date ne doit pas être trop proche de celle du bon de commande- et être signée par l’emprunteur.
Il est parfois demandé l’attestation de raccordement au réseau. Si le raccordement de l’installation au réseau n’a pas été fait alors l’installation n’est pas complète.
Les banques soutenaient que pour être libérées de leur obligation de rembourser le capital emprunté suite à l’annulation du contrat de crédit, les consommateurs devaient démontrer la preuve d’un préjudice.
La Cour de cassation ne faisait pas droit à cette demande, et sa jurisprudence évoluait régulièrement de manière favorable au consommateur emprunteur.
Mais, depuis trois ans environ, la Cour de cassation revient à des solutions moins favorables aux consommateurs.
Les jurisprudences suivantes illustrent cette évolution.
3 - Exemples de jurisprudences récentes
Cass. civ. 1, 9 janvier 2019, pourvoi n° 17-27.955
Un particulier achète 12 panneaux photovoltaïques pour 22 500 euros avec financement par un crédit. La société est en liquidation judiciaire. L’emprunteur assigne le vendeur et le prêteur en résolution du contrat de vente et du contrat de crédit. Le certificat de livraison comporte une mention selon laquelle l’emprunteur atteste que le bien ou la prestation de service a été livrée le 25 novembre 2013 et accepte le déblocage des fonds au profit du vendeur. Pour le prêteur, ce certificat de livraison expliquait le déblocage des sommes, et était suffisant pour prouver son absence de faute. Les démarches à effectuer auprès d’ERDF et le raccordement au réseau ne sont pas imposés par le contrat.
La Cour de cassation estime cependant que le prêteur n’aurait pas dû libérer les sommes sans s’assurer de l’exécution complète du contrat principal. L’organisme de crédit a donc commis une faute.
Si l'attestation ne mentionne pas le raccordement au réseau et la mise en service, le banquier est tenu de chercher l'information auprès du fournisseur. Le bon de commande prévoyait la livraison, l’installation des panneaux photovoltaïques, et le raccordement de l’installation au réseau ERDF afin de vendre une partie de l’électricité à EDF : cela faisait donc partie de l’économie du contrat.
Cass. civ. 1, 22 mai 2019, pourvoi n° 18-16150
A la suite d’un démarchage à domicile, des particuliers ont commandé le 10 septembre 2012 des panneaux photovoltaïques, un kit éolien et l'isolation des combles de leur habitation, pour le prix de 56 400 euros financé par un contrat de crédit affecté souscrit, le même jour, auprès d’un établissement de crédit.
Les emprunteurs ont assigné le prêteur en résolution du contrat de prêt et argumentaient que l’attestation de fin de travaux comportait des réserves et que les fonds avaient été débloqués en vertu d'une attestation dont ils n'étaient pas signataires.
Le prêteur avait commis une faute lors de la libération des fonds et ne pouvait donc pas prétendre au remboursement du capital emprunté, même si les emprunteurs n’avaient subi aucun préjudice.
La Cour de cassation rejette le pourvoi. La cour d’appel a retenu que les emprunteurs ont bénéficié d’une installation en parfait état de marche pour laquelle ils ont obtenu une attestation de conformité du CONSUEL, et qu’ils n’ont subi aucun préjudice au versement des fonds même si l’attestation portait une signature litigieuse. Ils sont donc tenus de rembourser le capital emprunté.
La jurisprudence de la Cour de cassation évolue.
Cass. civ. 1, 11 mars 2020, pourvoi n° 18-26.189
Suite à un démarchage à domicile, un consommateur a signé un bon de commande en 2012 pour la fourniture et l’installation de panneaux photovoltaïques et d’un ballon thermodynamique pour un montant de 22 500 euros. Pour financer son projet, il a souscrit un crédit auprès d’une banque aux droits de laquelle se trouve une autre banque.
L’emprunteur assigne la banque et le mandataire liquidateur du vendeur en demandant l’annulation du contrat de vente et du contrat de prêt.
Pour l’emprunteur, le contrat de vente était entaché de plusieurs causes de nullité. Par conséquent, la banque ne devait pas verser directement le montant emprunté au vendeur.
La banque a débloqué les fonds au vu d'une attestation de fin de travaux signée par l’emprunteur en novembre 2012, selon laquelle la fourniture et la pose de l'installation étaient conformes au devis. De plus, l'emprunteur ne prétend pas que son installation n'est pas raccordée et ne fonctionne pas et, enfin, il revend de l'énergie à la société EDF depuis juillet 2014.
La Cour de cassation confirme son évolution jurisprudentielle. Elle rejette le pourvoi des emprunteurs.
Ainsi, même si la banque a commis une faute en s'abstenant de vérifier la régularité formelle du contrat principal avant de verser les fonds empruntés, l'emprunteur n'établit pas avoir subi de préjudice consécutif à cette faute.
L’installation photovoltaïque est posée et fonctionne, il doit donc rembourser à la banque le capital emprunté suite à l’annulation du contrat de crédit.
Une installation non conforme au devis, non raccordée ou ne fonctionnant pas, et le fait que le consommateur ne puisse revendre son électricité, constitueraient des préjudices privant la banque de sa créance de remboursement du capital.
Auparavant, la banque était obligée de vérifier la régularité du bon de commande principal sous peine de sanction, et indirectement que le consentement du consommateur n’avait pas été vicié, cette obligation de vérification étant d’autant plus nécessaire que la banque transfère directement les fonds au prestataire.
Désormais, la jurisprudence estime que même si la banque n’a pas vérifié la régularité du bon de commande et la validité du contrat principal, si l’emprunteur ne subit pas de préjudice du fait de la simple irrégularité formelle du bon de commande, la banque doit alors être remboursée. Le consentement du consommateur n’a pas été vicié.
Cette décision marque un changement dans la jurisprudence de la Cour de cassation jusque-là particulièrement soucieuse de la protection des droits des consommateurs.
Cass. civ. 1, 20 mai 2020, pourvoi nº 18-23.529
En l’espèce, une banque a consenti à des époux un prêt de 18 500 € pour financer la vente et la pose des panneaux photovoltaïques. Invoquant l’absence de raccordement de l’installation, les emprunteurs assignent le vendeur (en liquidation judiciaire) et la banque en résolution des contrats et en réparation de leur préjudice.
La cour d’appel constate la livraison des panneaux photovoltaïques, mais l’absence de démarches en vue de leur raccordement au réseau. Elle relève aussi que la banque a libéré les fonds sans s’assurer que les emprunteurs avaient régularisé le contrat principal qui a été conclu postérieurement au certificat de livraison et a ainsi engagé sa responsabilité. Au moment de la libération des fonds, aucun contrat n’avait été signé.
Elle retient aussi que les emprunteurs ont fait également preuve de légèreté en acceptant l’installation avant même la signature du contrat de vente et en certifiant l’exécution d’un contrat inexistant et d’une prestation inachevée.
La cour d’appel condamne les emprunteurs à rembourser à la banque le capital emprunté et condamne la banque à leur verser 9 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Les consommateurs forment un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation rejette le pourvoi, et approuve la cour d’appel d’avoir retenu un partage de responsabilités entre la banque et les emprunteurs.
Ayant déduit que les parties à un contrat de crédit affecté, dont elle avait prononcé la résolution, avaient chacune commis une faute, la cour d'appel a décidé que les emprunteurs seraient tenus de rembourser le capital prêté, sous déduction de la somme de 9 000 euros dont elle a estimé qu'elle réparerait le préjudice subi par eux du fait de la faute de la banque.
Cass. civ. 1, 22 septembre 2021, pourvoi n° 19-24817
Dans le cadre d’un démarchage à domicile, l’emprunteur a conclu un contrat de fourniture et d’installation de douze panneaux photovoltaïques financé par un crédit souscrit le même jour auprès d’une société bancaire aux droits de laquelle vient une autre banque.
L’installation a été faite et les panneaux ont été raccordés au réseau, mais aucune échéance du crédit n’a été remboursée. La banque assigne alors en paiement l’emprunteur qui demande reconventionnellement l’annulation du contrat de crédit et du contrat de fourniture et d’installation des panneaux photovoltaïques.
L’emprunteur invoque à cet effet le manquement du vendeur et du prêteur à diverses obligations à savoir :
- le non-respect du vendeur de certaines mentions obligatoires sur le bon de commande des panneaux photovoltaïques et le manquement à ses obligations d’information concernant la date d’exécution du contrat et la productivité de l’installation.
Il reproche le manque d’indication relative à la ventilation du prix des éléments de l’installation, les caractéristiques essentielles de l’ondulateur et des autres composants, ainsi que les variations de la productivité de cette installation. Le bon de commande doit fournir une obligation d’information précontractuelle et comporter des informations suffisamment précises pour que le consommateur consente de manière éclairée (marque du matériel, identification du fabricant et du démarcheur, adresse de livraison, délai de réalisation des démarches administratives).
- le non-respect par le vendeur du droit de rétractation de l’acheteur, prévu par l’article L. 121-21 du Code de la consommation [dans la numérotation et la rédaction alors applicable à l'affaire] dès lors que le délai devait commencer à courir à partir de la date de réception des marchandises et non à la date de conclusion du contrat.
- le non-respect par la banque de son obligation de vérifier l’exécution complète et conforme du contrat financé avant de remettre les fonds au vendeur.
Les juges de première instance avaient retenu la nullité du contrat de vente pour violation des dispositions du Code de la consommation.
Ayant relevé que le bon de commande mentionnait une date d'exécution des travaux et la pose de douze panneaux photovoltaïques, la cour d'appel en a déduit que le vendeur avait délivré les informations légalement requises sur les caractéristiques essentielles du bien, son prix, la date d'exécution de sa prestation et la productivité de l'installation.
Elle a donc infirmé le jugement de 1ère instance.
Le consommateur s’est pourvu en cassation.
La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme l’arrêt de la cour d’appel. Elle refuse de prononcer la nullité du contrat de vente et d’installation des panneaux photovoltaïques et de sanctionner la banque ayant financé l’opération.
Elle ajoute que l’emprunteur bénéficiait d’une installation en parfait état de marche qui produisait de l’énergie qu’il revendait et qu’il ne démontrait pas avoir subi de préjudice consécutif au versement par la banque du capital emprunté.
Corinne Lamoussière-Pouvreau
Juriste à l'Institut national de la consommation