Voyager en avion : Jurisprudence de la CJUE et de la Cour de cassation
Jurisprudence
En matière de transport aérien, la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) et la Cour de cassation ont rendu des arrêts importants permettant de mieux saisir l'applicabilité du règlement européen (CE) n°261/2004 du 11 février 2004 sur les transports aériens.
> Pour en savoir plus sur le transport aérien, vous pouvez consulter la fiche pratique INC "Voyager en avion : vos droits".
1 - L'INDEMNISATION POUR RETARD
1.1 - Les vols avec correspondances
1.2 - Le transport aérien effectif
1.3 - La juridiction territorialement compétente
1.4 - La preuve de la présence à l'embarquement
1.5 - Les circonstances extraordinaires exonérant de l'indemnisation
1.6 - L'atterrissage dans un autre aéroport
1.7 - L'appréciation du temps de retard
1.8 - La compétence pour agir
2 - L'INDEMNISATION POUR ANNULATION
2.1 - Le cumul des droits au remboursement du billet d'avion
2.2 - L'indemnisation pour pertes de salaires
2.3 - Les frais d'annulation
2.4 - L'indemnisation en cas de préjudice
2.5 - Les circonstances extraordinaires exonérant de l'indemnisation
2.6 - La juridiction territorialement compétente
2.7 - L'indemnisation en cas de voyage gratuit
2.8 - La juridiction territorialement compétente
3 - LES TARIFS
4 - LES CHANGEMENTS D'HORAIRES
6 - LA RESPONSABILITE DU TRANSPORTEUR EN CAS D'ACCIDENT
8 - DECLASSEMENT
1 - L'INDEMNISATION POUR RETARD
1.1 - Les vols avec correspondances
- CJUE, 11 juillet 2019, CS e.a. c/ České aerolinie a.s., aff. C-502/18 : Vols avec correspondance - Réservation unique - Aéroport de départ UE - Aéroport d'arrivée hors UE - Deux vols opérés par des transporteurs aériens différents
Les faits : Des passagers ont effectué une réservation unique pour un vol de Prague (République Tchèque) à Bangkok (Thaïlande) avec une escale à Abou Dhabi (Emirats Arabes Unis) avec un changement d'appareil. Le premier vol, effectué par un transporteur aérien européen, est arrivé à l'heure. Le second vol, assuré par un transporteur aérien non européen, a subi un retard de plus de trois heures. Les passagers ont introduit, devant les jurdictions tchèques, des recours à l'encontre de la compagnie aérienne tchèque. Cette dernière conteste le fondement de la demande.
La décision : La Cour de justice de l'Union européenne rappelle que le réglement (CE) n°261/2004 s'applique à un vol avec correspondance dont le premier vol a été effectué au départ d'un aéroport de l'Union européenne même si le second vol a été effectué par un transporteur non européen vers un aéroport hors de l'Union européenne. La Cour se base sur la décision qu'elle a rendu le 31 mai 2018 dans l'affaire Wegener (C-537/17) (voir arrêt ci-dessous) pour affrmer qu'un vol avec une ou plusieurs correspondances ayant fait l'objet d'une réservation unique constitue un ensemble, aux fins du droit à indemnisation des passagers. La question posée était de savoir si la compagnie aérienne tchèque est tenue au paiement de l'indemnisation. La Cour indique que l'obligation d'indemnisation pèse uniquement sur le transporteur aérien effectif du vol concerné. La Cour souligne que, dans le cadre de vols avec une ou plusieurs correspondances donnant lieu à une réservation unique, un transporteur aérien effectif ayant réalisé le premier vol ne peut arguer du fait que le retard important subi est dû au vol ultérieur opéré par un autre transporteur aérien. A noter que, dans ce cas, la compagnie aérienne indemnisatrice a le droit de se retourner contre l'autre compagnie aérienne afin d'obtenir la compensation du paiement de l'indemnisation.
- CJUE, 31 mai 2018, Claudia WEGENER c/ Royal Air Maroc SA, aff. C-537/17 : Application du règlement européen n°261/2004 du 11 février 2004 aux vols avec correspondance - Aéroport de départ UE - Aéroport d'arrivée hors UE
Les faits : Une passagère allemande a effectué une réservation unique pour un vol de Berlin (Allemagne) à Agadir (Maroc) avec une escale à Casablanca (Maroc), avec un changement d'appareil. Sa réservation lui a été confirmée à l'aéroport de Berlin et elle a pu embarquer avec la compagnie aérienne Royal Air Maroc, qui a eu du retard au décollage. Arrivée à Casablanca, elle s'est vu refuser l'embarquement par Royal Air Maroc, lui précisant que son siège avait été réattribué à un autre passager. La passagère a finalement embarqué sur un autre appareil de ladite compagnie et est arrrivée avec plus de quatre heures de retard à Agadir. La passagère allemande a revendiqué son droit à être indemnisée pour le retard subi au titre du règlement (CE) n°261/2004. La compagnie Royal Air Maroc a constesté le fondement de sa demande.
La décision : La Cour de justice de l'Union européenne a confirmé l'application du règlement (CE) n°261/2004 aux passagers au départ d'un aéroport situé sur le territoire de l'Union européenne. Elle a considéré que, du fait de la réservation unique, les vols constituaient un ensemble, ayant leur point de départ dans un pays de l'Union européenne. Et que la qualification de vols avec correspondances s'applique pour les vols avec correspondances comportant un changement d'appareil. Par conséquent, le règlement (CE) n°261/2004 (article 3, § 1.a)) s'applique à un transport de passagers effectué en vertu d'une réservation unique et comportant, entre son départ d'un aéroport situé en Union européenne et son arrivée dans un pays situé hors de l'Union européenne, une escale planifiée en dehors de l'Union, avec un changement d'appareil.
- CJUE, 7 septembre 2017, Birgit BOSSEN, Anja BOSSEN et Gudula GRÄßMANN c/ Brussels Airlines SA/NV, aff. C-559/16 : Calcul de la compensation due aux passagers lors d'un retard d'un vol avec correspondances - Distance à vol d'oiseau
Les faits : Trois passagères ont effectué un voyage sur la compagnie aérienne Brussels Airlines pour se rendre de Rome à Hambourg via une correspondance à Bruxelles. L'avion atterit à Hambourg (destination finale) avec un retard de plus de trois heures par rapport à l'heure d'arrivée initalement prévue. Elles saisissent les juridictions allemandes pour faire valoir leur droit à indemnisation sur le fondement du réglement (CE) n°261/2004. La question du calcul de la distance s'est posée : faut-il prendre en considération la distance totale du vol (distance entre l'aéroport de départ et l'aéroport d'arrivée) ou bien la distance effectivement parcourue ? La réponse à la question déterminera le montant de l'indemnisation due aux passagers.
La décision : La Cour de justice de l'Union européenne rappelle que le réglement (CE) n°261/2004 ne distingue pas selon que les passagers concernés atteignent leur destination finale au moyen d'un vol direct ou d'un vol avec correspondance. Elle précise que la compensation due aux passagers, en cas d'annulation ou de retard important d'un vol avec correspondance, doit être calculée en fonction de la distance à vol d'oiseau entre les aéroports de départ et d'arrivée. Le fait que la distance effectivement parcourue est, en raison de la correspondance, supérieure à la distance entre les aéroports de départ et d'arrivée n'a pas d'impact sur le calcul de la compensation.
Lorsqu'un vol avec correspondance fait une escale au sein d'un territoire de l'Union européenne mais que son lieu de départ ainsi que son lieu d'arivée se trouvent en dehors de l'Union européenne, le règlement (CE) n°261/2004 ne trouve pas à s'appliquer (CJUE 24 février 2004, Airhelp c/ Austrian Airlines, aff. C-451/20)
1.2 - Le transport aérien effectif
- CJUE, 4 juillet 2018, W. W., T. M., R. M., G. W. c/ Thomson Airways Ltd, aff. C-532/17 : Précision sur la notion de "transporteur aérien effectif"
Les faits : Des voyageurs ont embarqué pour un vol au départ de Hambourg (Allemagne) et à destination de Cancùn (Mexique). Leurs billets d'avion comportaient le code "TUIFly", désignant une première compagnie aérienne mais précisaient que le vol était effectué par Thomson Airways, une seconde compagnie aérienne. Cette dernière disposant, avec TUIFly GmbH, d'un contrat de location "wet lease", c'est à dire d'un contrat de location d'un avion avec équipage. Les passagers sont arrivés à l'aéroport d'arrivée avec un retard important. Ils ont réclamé l'indemnisation du retard à Thomson Airways, la compagnie qui loue l'appareil. Thomson Airways a contesté son obligation de verser une indemnisation au motif qu'il n'était pas le "transporteur aérien effectif" au sens de l'article 2, b) du règlement (CE) n°261/2004.
La décision : L'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne apporte une précision sur la notion de "transporteur aérien effectif". La Cour affirme que la notion de "transporteur aérien effectif" au sens du règlement (CE) n° 261/2004 doit être interprétée en ce sens qu’elle ne couvre pas le transporteur aérien qui donne en location l’appareil et l’équipage dans le cadre d’un contrat de location d’avion avec équipage ("wet lease"), mais n’assume pas la responsabilité opérationnelle des vols. Or, la fixation de l’itinéraire et la réalisation de ce vol ont été décidées par TUIFly. Par conséquent, Thomson Airways ne peut être qualifié de transporteur aérien effectif.
1.3 - La juridiction territorialement compétente
- CJUE, 7 mars 2018, Flightright GmbH c/ Air Nostrum, Líneas Aéreas del Mediterráneo SA, Roland Becker c/ Hainan Airlines Co. Ltd et Mohamed Barkan e.a. c/ Air Nostrum, Líneas Aéreas del Mediterráneo SA, aff. C-448-16 : Compagnie aérienne ayant réalisé le premier segment d'un vol avec correspondances - Compétence territoriale de la juridiction - Juridiction de la destination finale
Les faits : Des voyageurs ont réservé, via une réservation unique, un vol avec correspondance de Melilla (Espagne) à Francfort-sur-le-Main (Allemagne) via Madrid (Espagne) auprès de la compagnie espagnole Iberia. Le premier vol a été effectué par la compagnie espagnole Air Nostrum, le second par la compagnie espagnole Iberia. Le premier vol vers Madrid a subi un retard de vingt minutes ayant empêché les voyageurs de prendre leur second vol. Ces derniers sont finalement arrivés, avec quatre heures de retard, à leur destination finale. Les voyageurs ont saisi la juridiction allemande pour demander une indemnisation sur le fondement du réglement (CE) n°261/2004. La question de la compétence territoriale des juridictions allemandes s'est posée.
La décision : La Cour de justice de l'Union européenne dispose que les juridictions allemandes sont, en l'espèce, territorialement compétentes. Elle précise que la compagnie espagnole Air Nostrum, qui n'a réalisé dans un pays européen que le premier segment d'un vol avec correspondance, peut être attraite devant les juridictions de la destination finale située dans un autre pays européen. La Cour considère donc que la destination finale en Allemagne peut être considérée comme le lieu d'exécution des prestations à fournir pour les premier et second vols, lorsque ces vols ont fait l'objet d'une réservation unique pour la totalité des trajets.
- Cour de cassation, 1e chambre civile, 22 février 2017, n°15-27.809 : Incompétence territoriale de la juridiction du domicile du voyageur ayant un contrat de transport sans hébergement
Les faits : Un voyageur a effectué une réservation unique de billets via Air France pour un vol Lyon-Bologne avec une correspondance à Paris. Son vol ayant subi un retard de plus de quatre heures, il a saisi le tribunal de son domicile à Vienne pour obtenir une indemnisation sur le fondement du règlement (CE) n°261/2004. La société Air France a soulevé l’incompétence territoriale de la juridiction saisie au profit de celle de Villeurbanne, dans le ressort de laquelle se situait le lieu de départ de l’avion.
La décision : La Cour de cassation s'appuie sur les articles 2, 15 §3 et §6 du réglement n°44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale pour déclarer incompétente la juridiction du domicile du voyageur ayant un contrat de transport sans hébergement. La règle de principe de l'article R.631-3 du Code de la consommation, disposant que la juridiction territorialement compétente est celle du lieu de conclusion du contrat, ne s'applique pas en matière de transport aérien. Bien que les articles du règlement n°44/2001 reconnaissent la compétence territoriale de la juridiction du domicile du voyageur, ces dernières ne s'appliquent donc pas aux contrats de transport autres que ceux qui, pour un prix forfaitaire, combinent voyage et hébergement.
- Cour de cassation, 1e chambre civile, 22 février 2017, n°16-12.408 : Incompétence juridictionnelle d'une compagnie aérienne ne disposant pas de son principal établissement en Union européenne
Les faits : Des voyageurs ont réservé un billet d'avion via Air Canada pour un vol Genève-Montréal. Le vol ayant été annulé, les voyageurs ont subi un retard de 24 heures. Ces derniers ont saisi la juridiction du lieu de leur domicile, pour obtenir une indemnisation sur le fondement du règlement (CE) n°261/2004. La société Air Canada a soulevé l’incompétence territoriale de la juridiction saisie au profit des tribunaux de Montréal, lieu de son siège.
La décision : La Cour de cassation dispose que l'immatriculation de la compagnie Air Canada au RCS de Paris, avec un établissement principal situé à Paris auquel sont rattachés de nombreux salariés sous la responsabilité d’un directeur Air Canada France ayant pouvoir d’engager juridiquement la société, ne permet pas de déterminer la compagnie comme ayant son principal établissement dans un pays de l'Union européenne. Ainsi, la Cour retient que le règlement (CE) n° 44/2001 ne s’applique pas à la compagnie aérienne Air Canada.
1.4 - La preuve de la présence à l'embarquement
- Cour de cassation, 1e chambre civile, 21 octobre 2020, n° 19-13.016 : Enregistrement – Charge de la preuve
Les faits : Une passagère disposait d’une réservation confirmée pour un vol aller-retour de Bordeaux à Lisbonne avec la compagnie aérienne Easyjet. Lors du retour, l’avion est arrivé à destination avec un retard de plus de 4 heures. La passagère a demandé la condamnation du transporteur aérien au paiement de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 7 du règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004, ainsi que de dommages-intérêts. La question posée était de savoir à qui revient la charge de la preuve de la présentation d’un passager à l’enregistrement.
La décision : La Cour de cassation dispose qu’il revient à la compagnie aérienne de démontrer que la passagère n’avait pas été transportée sur le vol retardé en cause, sur le fondement de l’article 3, § 2, sous a, du règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004. Les Hauts magistrats appliquent ainsi l’ordonnance (arrêt provisoire) de la Cour de justice de l’Union européenne du 24 octobre 2019 (LC, MD c/ EasyJet Airline Co. Ldt, C-756/18) qui a dit pour droit que le règlement (CE) n° 261/2004, et notamment son article 3, paragraphe 2, sous a), doit être interprété en ce sens que des passagers d'un vol retardé de trois heures ou plus à son arrivée et possédant une réservation confirmée pour ce vol ne peuvent pas se voir refuser l'indemnisation en vertu de ce règlement au seul motif que, à l'occasion de leur demande d'indemnisation, ils n'ont pas prouvé leur présence à l'enregistrement pour ledit vol, notamment au moyen de la carte d'embarquement, à moins qu'il soit démontré que ces passagers n'ont pas été transportés sur le vol retardé en cause, ce qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier.
- CJUE, 24 octobre 2019, Alexandre Merah, Lucie Rouland c/ easyJet Co.Ltd, aff. C-756/18 : Défaut de preuve de la présence à l'enregistrement
Les faits : Les voyageurs disposaient d'une réservation électronique pour un vol aller-retour Paris (France)-Venise (Italie), assuré par la compagnie aérienne easyJet. Le vol du retour ayant eu un retard de plus de trois heures, les voyageurs ont réclamé une indemnisation forfaitaire à la compagnie aérienne, sur le fondement de l'article 7 du règlement n°261/2004. La compagnie aérienne n'a pas contesté le retard. Mais elle a rejetté la demande d'indemnisation au motif de l'absence de production de cartes d'embarquement en tant que preuve de la présence des voyageurs à l'embarquement.
La décision : La Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE) dipose que l'article 3, paragraphe 2, sous a) du règlement n°261/2004 doit être interprété en ce sens que des passagers d'un vol retardé de trois heures ou plus à son arrivée et possédant une réservation confirmée pour ce vol, ont droit à une indemnisation. Et ce, même si les passagers n'ont pas pu prouver leur présence à l'enregistrement pour ledit vol, notamment au moyen de la carte d'embarquement. L'arrêt rendu par la CJUE met un terme à la jurisprudence de la Cour de cassation de 2018 qui affirmait que la charge de la preuve, en cas de retard, incombait au passager (Cour de cassation, 1e chambre civile, 14 février 2018, n°16-23.205).
1.5 - Les circonstances extraordinaires exonérant de l'indemnisation
- CJUE, 12 mars 2020, A e.a. c/ Finnair Oyj, Aff. C-832/18 : Droit à indemnisation forfaitaire en cas de retard ou d’annulation d’un vol - Notion de “circonstances extraordinaires”– Défaillances techniques inhérentes à l’entretien d’un avion
Les faits : Un vol direct a été réservé auprès de la compagnie aérienne Finnair pour un départ d’Helsinki (Finlande) à destination de Singapour. Le vol a été annulé en raison d’un problème technique survenu sur l’appareil. Les passagers ont accepté d’être réacheminés le lendemain sur un vol avec correspondance Helsinki-Singapour via Chongqing (Chine). Le réacheminement a été retardé en raison d’une défaillance technique de l’appareil. Le tribunal de première instance d’Helsinki en Finlande a rejeté la demande des passagers concernant l’indemnité dû au retard de plus de trois heures à l’arrivée du vol de réacheminement Helsinki-Chongqing-Singapour. Un recours a été introduit devant la cour d’appel d’Helsinki en Finlande qui a posé des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne.
La décision : Les questions préjudicielles posées concernaient le droit à une nouvelle indemnisation pour retard du vol de réacheminement lorsque le passager a été indemnisé en raison d’un vol annulé et que le transporteur aérien du vol de réacheminement est le même que celui du vol annulé. Ainsi que sur le fait de savoir si la défaillance technique à l’origine du retard du vol de réacheminement constituait une circonstance extraordinaire.
Sur la première question, la Haute juridiction dispose que le règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004, et notamment son article 7, paragraphe 1, doit être interprété en ce sens qu’un passager aérien, qui a bénéficié d’une indemnisation en raison de l’annulation d’un vol et a accepté le vol de réacheminement qui lui a été proposé, peut prétendre à l’octroi d’une indemnisation en raison du retard du vol de réacheminement, lorsque ce retard atteint un nombre d’heures ouvrant droit à une indemnisation et que le transporteur aérien du vol de réacheminement est le même que celui du vol annulé.
Sur la seconde question, l’article 5, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 261/2004 doit être interprété en ce sens qu’un transporteur aérien ne peut pas invoquer, aux fins de s’exonérer de son obligation d’indemnisation, des « circonstances extraordinaires », au sens de cette disposition, tenant à la défaillance d’une pièce dite « on condition », à savoir une pièce qui n’est remplacée qu’en raison de la défaillance de la pièce précédente, alors même qu’il conserve toujours une pièce de rechange en stock, sauf dans l’hypothèse où une telle défaillance constitue un événement qui, par sa nature ou son origine, n’est pas inhérent à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien concerné et échappe à la maîtrise effective de celui-ci. Etant toutefois considéré que, dans la mesure où cette défaillance demeure, en principe, intrinsèquement liée au système de fonctionnement de l’appareil, elle ne doit pas être regardée comme une circonstance extraordinaire.
- CJUE, 11 juin 2020, LE c/ Transportes Aéreos Portugueses SA, aff. C-74/19 : Comportement perturbateur passager – Retard - Circonstances extraordinaires – Mesures raisonnables – Indemnisation
Les faits : Un passager a réservé un vol au départ de Fortaleza (Brésil) et à destination d’Oslo (Norvège), avec une correspondance à Lisbonne (Portugal), qui était opérée par la même compagnie aérienne (TAP). Le vol à destination de Fortaleza a subi un retard de plus de quatre heures en raison du comportement d’un passager. Ce retard a entraîné le retard du vol suivant, qui devait être assuré par le même avion. Le passager a dû prendre le vol du lendemain et est arrivé à l’aéroport de destination avec un retard de plus de vingt-quatre heures. Le passager sollicite une indemnisation sur le fondement de l’article 5, § 3, du règlement nº 261/2004 mais celle-ci lui a été refusée par le transporteur aérien. TAP ayant refusé de verser cette indemnisation "au motif que le retard important litigieux trouvait son origine dans une circonstance extraordinaire et que l’envoi d’un autre avion n’aurait pas permis de remédier à ce retard", le passager a saisi le Tribunal Judicial da Comarca de Lisboa (tribunal d’arrondissement de Lisbonne, Portugal). Ce dernier a posé une question préjudicielle à la CJUE sur cet article qui prévoit qu' "Un transporteur aérien effectif n’est pas tenu de verser l’indemnisation prévue à l’article 7 s’il est en mesure de prouver que l’annulation est due à des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises."
La décision : La CJUE a précisé dans son arrêt les notions de "circonstances extraordinaires" et de "mesures raisonnables" au sens du règlement n°261/2004. Elle dispose qu’un transporteur aérien effectif peut se prévaloir d’une "circonstance extraordinaire" ayant affecté un vol précédent opéré par lui-même au moyen du même aéronef.
Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre que l’article 5, § 3, du règlement no 261/2004, lu à la lumière du considérant 14 de celui-ci, doit être interprété en ce sens que le comportement perturbateur d’un passager ayant justifié que le pilote commandant de bord de l’aéronef déroute le vol concerné vers un aéroport différent de celui d’arrivée afin de procéder au débarquement de ce passager et de ses bagages, relève de la notion de « circonstance extraordinaire », au sens de cette disposition, à moins que le transporteur aérien effectif n’ait contribué à la survenance de ce comportement ou n’ait omis de prendre les mesures appropriées eu égard aux signes avant-coureurs d’un tel comportement, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.
Puis la Cour précise qu'en vue de s’exonérer de son obligation d’indemnisation des passagers en cas de retard important ou d’annulation d’un vol, un transporteur aérien effectif peut se prévaloir d’une « circonstance extraordinaire » ayant affecté un vol précédent opéré par lui-même au moyen du même aéronef, à condition qu’il existe un lien de causalité directe entre la survenance de cette circonstance et le retard ou l’annulation du vol ultérieur, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier, en tenant notamment compte du mode d’exploitation de l’aéronef en cause par le transporteur aérien effectif concerné.
Enfin, la Cour précise que le réacheminement d’un passager par le transporteur aérien au moyen du vol suivant opéré par lui-même et conduisant ce passager à arriver le lendemain du jour initialement prévu ne constitue une « mesure raisonnable » libérant ce transporteur de son obligation d’indemnisation que si certaines conditions sont remplies. Par conséquent, le transporteur aérien ne saurait être considéré comme ayant mis en œuvre tous les moyens dont il disposait en se limitant à offrir au passager concerné un réacheminement vers sa destination finale par le vol suivant opéré par lui-même et arrivant à destination le lendemain du jour initialement prévu pour son arrivée, sauf s’il n’existe pas de mesures raisonnables.
1.6 - L'atterrissage dans un autre aéroport
- CJUE, 22 avril 2021, WZ c/ Austrian Airlines AG, aff. C-826/19 : Vol retardé - Déroutement d’un vol vers un autre aéroport desservant la même ville, agglomération ou région - Indemnisation des passagers aériens en cas d’annulation ou de retard important d’un vol à l’arrivée – Obligation de prise en charge des frais de transfert entre l’aéroport d’arrivée effectif et l’aéroport de destination initialement prévu
Les faits : Un passager a effectué une réservation unique pour un voyage constitué de deux vols auprès de la compagnie aérienne Austrian Airlines. Le premier vol partant de Klagenfurt (Autriche) et arrivant à Vienne (Autriche). Le second vol partant de Vienne et arrivant à Berlin Tegel (Allemagne). Le second vol a eu du retard de moins de trois heures en raison des conditions météorologiques et a atterri à l’aéroport de Berlin Schönefeld au lieu de Berlin Tegel. Le passager a demandé à la compagnie aérienne le versement d’une indemnisation forfaitaire de 250 euros. Le tribunal du district de Schwechat (Autriche) a considéré que le déroutement du vol en cause au principal ne constituait pas une modification importante de l’itinéraire du vol, de sorte que celui-ci devait être regardé comme ayant été retardé, et non annulé, et, d’autre part, que le retard n’atteignait pas une durée égale ou supérieure à trois heures. Le passager a interjeté appel de ce jugement devant le Landesgericht Korneuburg (tribunal régional de Korneubourg, Autriche), qui a posé des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne.
La décision : La Cour de justice de l’Union européenne dispose que, dans le cas où un vol est dérouté vers un aéroport desservant la même ville que l’aéroport initialement prévu, la prise en charge des frais de transfert des passagers entre les deux aéroports, prévue par l’article 8, paragraphe 3 du règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004, n’est pas subordonnée à la condition que le premier aéroport soit situé sur le territoire de la même ville, de la même agglomération ou de la même région que le second aéroport.
Elle ajoute que l’article 5, paragraphe 1, sous c), l’article 7, paragraphe 1, et l’article 8, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 261/2004 doivent être interprétés en ce sens qu’un vol dérouté qui atterrit à un aéroport distinct de l’aéroport initialement prévu mais qui dessert la même ville, agglomération ou région n’est pas susceptible de conférer au passager un droit à une indemnisation au titre d’une annulation de vol. Toutefois, le passager d’un vol dérouté vers un aéroport de substitution desservant la même ville, agglomération ou région que l’aéroport initialement prévu dispose en principe d’un droit à une indemnisation en vertu de ce règlement lorsqu’il atteint sa destination finale trois heures ou plus après l’heure d’arrivée initialement prévue par le transporteur aérien effectif.
Enfin, elle dispose que l’article 8, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 261/2004 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un vol dérouté atterrit à un aéroport distinct de l’aéroport initialement prévu mais qui dessert la même ville, agglomération ou région, le transporteur aérien effectif est tenu de proposer de sa propre initiative au passager la prise en charge des frais de transfert vers l’aéroport de destination initialement prévu ou, le cas échéant, une autre destination proche convenue avec ledit passager. La violation de cette obligation de prise en charge des frais de transferts ne confère pas au passager un droit à indemnisation forfaitaire au titre de l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement. En revanche, cette violation fait naître, au profit dudit passager, un droit au remboursement des sommes exposées par celui-ci et qui, au vu des circonstances propres à chaque espèce, s’avèrent nécessaires, appropriées et raisonnables afin de pallier la défaillance du transporteur.
- Cour de cassation, 1e chambre civile, 17 février 2021, n°19-21.362 : Arrivée à un autre aéroport – Retard de plus de trois heures – Demande d’indemnisation forfaitaire – Qualification de circonstances extraordinaires
Les faits : Un passager a acheté un billet d’avion du transporteur aérien Vueling Airlines pour un vol Milan (Italie) – Paris (France), aéroport d’Orly. L’avion a décollé en retard et a atterri à l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, au lieu de l’aéroport d’Orly en raison de la fermeture de ce dernier, après 23 heures 30. Le passager demande l’indemnisation pour retard de plus de trois heures sur le fondement du règlement (CE) n°261/2004 du 11 février 2004. La compagnie aérienne refuse, affirmant que le passager a atterri à Paris avec un retard de moins de trois heures.
La décision : La Cour de cassation dispose qu’en application des dispositions du règlement (CE) n°261/2004 du 11 février 2004, peut bénéficier de l'indemnisation prévue à l'article 7, le passager d'un vol qui a atteint sa destination finale avec un retard de trois heures ou plus par rapport à l'heure prévue initialement. Elle précise que cette destination finale est définie comme étant celle figurant sur le billet présenté au comptoir d'enregistrement ou, dans le cas des vols avec correspondance, la destination du dernier vol. La Haute juridiction ajoute qu'il incombe au transporteur aérien de démontrer que le passager avait atteint l'aéroport d'Orly – et non l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle- avec un retard inférieur à trois heures, conformément à l’article 1353 du code civil (relatif à la charge de la preuve des obligations contractuelles). Enfin, elle dispose que la réglementation de l'utilisation de nuit de l'aéroport d'Orly qui interdit de façon permanente tout atterrissage après 23 heures 30, ne peut être regardée comme une circonstance exceptionnelle ayant interdit l'atterrissage à 00 heures 18.
1.7 - L'appréciation du temps de retard
- CJUE, 4 septembre 2014, Germanwings GmBH c/ Ronny Henning, aff. C-452/13 : Transport aérien - Droit à indemnisation en cas de retard important d'un vol - Durée de retard - Notion d'heure d'arrivée
Les faits : Un voyageur achète un billet préoyant le départ de l'aéroport de Salzbourg (Autriche) à 13h30 et l'arrivée à Cologne-Bonn (Allemagne) à 14h40, la dstance entre les deux aéroports étant de 1 500 kilomètres selon la route orthodromique. Après un décollage retardé, les roues de l'avion touchent le tarmac de la piste à 17h38 et ateinte sa position de stationnement entrainant l'ouverture des portes à 17h43. Le voyageur considère ainsi avoir subi un retard de 3h03 à l'ouverture des portes justifiant le versement de l'indemnité forfaitaire de 250 € prévu par les articles 5 à 7 du règlement (CE) n°261/2004, alors que la compagnie estime le retard à 2h58, n'entrainant de ce fait aucun versement de l'indemnité forfataire.
La juridiction de 1ère instance estime que l'heure d'arrivée s'apprécie au moment de l'ouverture des portes, entrainant en l'espèce un retard de 3h03 justifiant le versement de l'indemnité forfaitaire. Suite à un appel formé par la compagnie, la juridiction de seconde instance surseoit à statuer et pose la question à la CJUE afin de savoir à quel moment s'apprécie l'heure d'arrivée de l'avion.
La décision : La CJUE répond que conformément aux articles 2, 5 et 7 du règlement (CE) n°261/2004, l'heure d'arrivée de l'avion désigne le moment ou au moins l'une des portes de l'avion s'ouvre, étant entendu que à cet instant les passagers sont autorisés à quitter l'appareil.
- CJUE, 29 septembre 2022, Polskie Linie Lotnicze "LOT" S.A. c/ Budapest Főváros Kormányhivatala, aff. C-597/20 : Transport aérien - Indemnisation et assistance des passagers - Mission de l'organisme national chargé de l'application du règlement (CE) n°261/2004
Les faits : Des voyageurs au départ de New-York (Etats-Unis d'Amérique) à destination de Budapest (Hongrie) subissent un retard de plus de trois heures. Ils s'adressent à ce titre à la division de la protection des consommateurs en Hongrie afin que celle-ci impose à la compagnie aérienne le versement de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article 7 du règlement (CE) n°261/2004 au titre du retard. Cette division impose en effet le paiement de cette indemnité à la compagnie aérienne par une décision du 20 avril 2022, ce que la compagnie conteste devant la Fővárosi Törvényszék (cour de Budapest) estimant que cet organisme ne dispose pas de la compétence nécessaire pour le lui imposer.
La juridiction estime que la division n'est pas compétente pour imposer ce paiement à la compagnie aérienne, invoquant le fait que, conformément à l'article 16 du règlement (CE) n°261/2004, un organisme national saisi d'une plainte individuelle d'un passager ne peut adopter de mesures coercitives à l'égard d'un transporteur aérien.
La juridiction sursoit à statuer et pose la question à la CJUE de savoir si un organisme national est compétent pour imposer des mesures coercitives à des transporteurs aériens.
La décision : La CJUE répond que l'article 16 du règlement (CE) n°261/2004 doit être interprété de telle sorte que les Etats membres ont la possibilité de doter un organisme national de la faculté d'adopter des mesures coercitives à l'égard d'un transporteur aérien lorsqu'il a été saisi d'une plainte individuelle d'un passager à cet égard, sous réserve qu'une possibilité de recours juridictionnel soit ouverte à ce passager et audit transporteur aérien.
En France un système similaire a été mis en place par la loi Hamon de 2014. C'est le ministre des Transports qui détient ce pouvoir après consultation auprès de la Direction générale de l'aviation civile (art. R-330-20 6° du code de l'aviation civile). Des amendes administratives d'un montant de 15 000€ ont ainsi été infligées par le ministre à une compagnie aérienne qui avait refusé d'indemniser des passagers à la suite d'un retard important (CAA Paris, 13 nov. 2018, n° 17PA00526).
2 - L'INDEMNISATION POUR ANNULATION
2.1- Le cumul des droits au remboursement du billet d'avion
- CJUE, 10 juillet 2019, HQ c/Aegean Airlines, aff. C-163/18 : Voyage à forfaits - Annulation de vol - Agence de voyage en faillite - Transporteur aérien - Cumul des droits au remboursement des billets d'avion
Les faits : Des passagers ont réservé des vols aller-retour entre les Pays-Bas et la Grèce auprès d'une agence de voyages établie aux Pays-Bas. Ces vols faisaient partie d'un voyage à forfait dont le prix a été payé à l'agence de voyages. Les passagers ont reçu des billets portant le logo d’Aegean Airlines (compagnie aérienne grecque) ainsi que des documents mentionnant l'agence de voyages en tant qu’affréteur. Quelques jours avant la date de départ convenue, l'agence de voyages a annoncé aux voyageurs l'annulation de leur voyage à forfait. L'agence de voyages a ensuite été déclarée en faillite et n'a pas remboursé le prix des billets d'avion. La juridiction hollandaise a condamné la compagnie aérienne au versement d'une indemnisation forfaitaire pour l'annulation des vols. Sur la question du remboursement des billets d'avion, le tribunal a interrogé la Cour de justice de l'Union européenne sur le droit de s'adresser à la compagnie aérienne dans le cadre d'un voyage à forfaits.
La décision : La Cour de justice de l'Union européenne répond par la négative. La Cour affirme que la simple existence d'un droit au remboursement, découlant de la directive (UE) n° 2015/2302 sur les voyages à forfaits, suffit à exclure la possibilité pour un passager, dont le vol fait partie d'un voyage à forfait, de réclamer auprès du transporteur aérien effectif le remboursement de son billet. L'arrêt affirme que les droits au remboursement du billet, en vertu, respectivement, du règlement (CE) n° 261/2004 et de la directive (UE) n° 2015/2302 ne sont pas cumulables. Cette conclusion s'applique également dans l'hypothèse où l'agence de voyages serait dans l'incapacité financière d'effectuer le remboursement du billet et n'aurait pris aucune mesure afin de garantir ce remboursement. L'agence de voyages doit, en effet, justifier de garanties propres à assurer, en cas d'insolvabilité ou de faillite, le remboursement des fonds déposés.
2.2 - L'indemnisation pour pertes de salaires
- CJUE, 29 juillet 2019, Radu-Lucian RUSU, Oana-Maria RUSU c/ SC Blue Air - Airline Management Solutions SRL, aff. C‑354/18 : Annulation de vol - Perte de salaires - Indemnisation complémentaire - Information fournie aux passagers
Les faits : Les passagers ont réservé auprès d'une compagnie aérienne européenne un billet d'avion leur permettant de se rendre de Bacău (Roumanie) à Londres (Royaume-Uni), lieu où ils sont établis et où ils travaillent. Les passagers ont appris à l'aéroport qu'ils ne pouvaient embarquer, faute de sièges disponibles. Les passagers ont été réacheminés par la même compagnie aérienne, sur un autre vol quatre jours plus tard alors qu'ils devaient reprendre leurs activités professionnelles à Londres quatre jours auparavant. La compagnie aérienne a proposé d'offrir aux passagers un billet d'avion gratuit mais les passagers ont refusé au motif que le préjudice subi dépassait la valeur d’un billet d’avion. La compagnie aérienne a indemnisé les passagers 400 euros chacun, conformément à l'article 7 du règlement (CE) n° 261/2004. Les passagers ont alors saisi la jurdiction roumaine, estimant que cette compensation visait uniquement à réparer le préjudice moral subi, et non le préjudice matériel, lequel relève de la notion d’"indemnisation complémentaire" (article 12, §1 du règlement (CE) n° 261/2004). Le tribunal saisi a interrogé la Cour de justice de l'Union européenne sur la possibilité d'indemniser une perte de salaire.
La décision : La Cour de justice de l'Union européenne répond par l'affirmative. La Cour affirme en premieu lieu que l'indemnisation forfaitaire, prévu par l'article 7 du règlement (CE) n° 261/2004, n'est pas prévue pour un préjudice tel qu'une perte de salaire. Elle affirme que la perte de salaires qui est un préjudice matériel, peut faire l'objet de l'indemnisation complémentaire prévue à l'article 12, §1 du règlement (CE) n° 261/2004. La Cour précise qu'il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer et d'apprécier les différents éléments constitutifs dudit préjudice, ainsi que de l'ampleur de l'indemnisation de celui-ci, sur la base juridique pertinente. Il revient aux passagers d'apporter la preuve de leur préjudice (ex. fiches de paie faisant la preuve d'une retenue de salaire pour cause d'absence injustifiée). Enfin, la Cour rappelle que le transporteur aérien a le devoir de trouver une solution et d'informer les passagers de toutes les options possibles.
- CJUE, 12 septembre 2018, D.H and co c/Vueling Airlines SA, aff. C‑601/17 : Remboursement des commissions perçues par les intermédiaires sur les billets d'avion
Les faits : Un voyageur a acheté, sur un site de réservation de vols en ligne, des billets pour la destination Hambourg (Allemagne) - Faro (Portugal) avec une correspondance à Barcelone (Espagne). Le site en ligne, qui est un intermédiaire, a facturé au voyageur le prix total des billets (prix des billets + commission) sans précision supplémentaire. Le vol ayant été annulé, le voyageur a demandé à la compagnie aérienne, un remboursement intégral de ses billets correspondant au prix total qu'il a payé sur le site internet. Vueling Airlines a refusé de rembourser la commission perçue par le site de réservation en ligne, en faisant valoir qu'elle ne constituait pas une composante du prix des billets. La commission perçue par le site internet doit-elle être prise en considération lors du remboursement du billet d'avion ?
La décision : La Cour de justice de l'Union européenne répond par l'affrmative. Le prix du billet à prendre en considération pour déterminer le montant du remboursement dû par le transporteur aérien à un voyageur, en cas d’annulation d’un vol, inclut la différence entre le montant payé par ce voyageur et celui reçu par ce transporteur aérien, laquelle correspond à une commission perçue par une personne qui est intervenue comme intermédiaire entre ces deux derniers, sauf si cette commission a été fixée à l’insu dudit transporteur aérien, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.
- CJUE, 6 juillet 2017, Air Berlin plc & Co. Luftverkehrs KG c/ Bundesverband der Verbraucherzentralen und Verbraucherverbände – Verbraucherzentrale Bundesverband eV, aff. C-290/16 : Caractère abusif des frais d'annulation - Information sur les prix, taxes et redevances
Les faits : En Allemagne, l'Union fédérale des centrales et associations de consommateurs (ci-après "le Bundesverband") a introduit une action contre la compagnie aérienne Air Berlin contre les pratiques de cette dernière, relatives à l’affichage des prix et aux conditions générales de vente figurant sur son site Internet. Selon le Bundesverband, les montants des taxes et des redevances tels qu’indiqués sur le site Internet d’Air Berlin étaient très inférieurs à ceux effectivement dus par la compagnie aérienne, en vertu des barèmes des redevances aéroportuaires des aéroports concernés, et étaient, en conséquence, de nature à induire le consommateur en erreur. La question de la transparence des prix a été posée à la Cour.
La décision : La Cour de justice de l'Union européenne dispose que lors de la publication de leurs tarifs, les transporteurs aériens doivent préciser, de manière séparée, les montants dus par les clients au titre des taxes, des redevances aéroportuaires ainsi que des autres redevances, suppléments et droits, et ne peuvent, en conséquence, inclure, même pour partie, ces éléments dans le tarif des passagers. La Cour précise que les différents montants composant le prix définitif doivent toujours être portés à la connaissance du consommateur à hauteur des montants qu'ils représentent dans le prix total et définitif.
2.4 - L'indemnisation en cas de préjudice
- CJUE, 3 septembre 2020, NM c/ ON, aff. C-530/19 : Annulation de vol - Obligation du transporteur aérien d’offrir un hébergement à l’hôtel aux passagers dont le vol a été annulé – Préjudice – Négligence du personnel de l’hôtel - Responsabilité
Les faits : Un passager avait réservé un vol de Majorque (Espagne) à Vienne (Autriche) assuré par une compagnie autrichienne. Le vol a été annulé et le départ de Majorque a été reporté au lendemain soir. En raison de cette annulation, le passager s’est vu offrir un hébergement gratuit dans un hôtel local conformément aux dispositions de l’article 9, § 1, sous b), du règlement n° 261/2004. Au cours de son séjour dans l’hôtel, le voyageur qui se déplace en fauteuil roulant, est tombé et a été grièvement blessé après que les roues de son fauteuil se soient coincées dans l’enceinte de l’hôtel. Le voyageur a introduit une réclamation en paiement de dommages-intérêts contre le transporteur aérien, auprès d’un tribunal local en Autriche. Une question préjudicielle a été posée à la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE).
La décision : La CJUE dispose que l’article 9, § 1, sous b), du règlement n° 261/2004 doit être interprété en ce sens que l’obligation incombant, en vertu de cette disposition, au transporteur aérien d’offrir gratuitement aux passagers qui y sont visés un hébergement à l’hôtel n’implique pas que ce transporteur soit tenu de prendre en charge les modalités d’hébergement en tant que telles. Un transporteur aérien qui a offert un hébergement à l’hôtel à un passager dont le vol a été annulé ne saurait être tenu, sur le fondement de ce seul règlement, de dédommager ce passager des préjudices causés par une faute commise par le personnel dudit hôtel.
2.5 - Les circonstances extraordinaires exonérant de l'indemnisation
CJUE, 23 mars 2021, Airhelp Ltd c/ Scandinavian Airlines System Denmark – Norway – Sweden, aff. C‑28/20 : Annulation de vol – Notion de « circonstances extraordinaires » - Grève de pilotes organisée dans un cadre légal – Demande d’indemnisation forfaitaire
Les faits : Un passager avait réservé une place sur un vol intérieur reliant Malmö à Stockholm (Suède). Ce vol, qui devait être opéré par la compagnie aérienne le 29 avril 2019, a été annulé le même jour en raison de la grève de ses pilotes au Danemark, en Suède et en Norvège. Les organisations de salariés représentantes des pilotes du transporteur au Danemark, en Suède et en Norvège ont décidé de résilier la convention collective conclue avec la compagnie. Les négociations en vue de la conclusion d’une nouvelle convention collective ont débuté au mois de mars 2019. Considérant que ces négociations avaient échoué ou, à tout le moins, qu’elles n’avaient pas suffisamment progressé, les syndicats des pilotes ont appelé leurs membres à la grève. La grève en cause a ainsi débuté le 26 avril 2019 et s’est poursuivie jusqu’au 2 mai 2019. Elle a donc duré sept jours et conduit le transporteur à annuler plus de 4 000 vols. Le passager demande à la compagnie aérienne une indemnisation forfaitaire de 250 euros en raison de l’annulation de son vol. La question posée est de savoir si la grève peut être qualifiée de circonstance extraordinaire.
La décision : La Cour de justice de l’Union européenne dispose que l’article 5, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004, doit être interprété en ce sens qu’un mouvement de grève entamé à l’appel d’un syndicat du personnel d’un transporteur aérien effectif, dans le respect des conditions édictées par la législation nationale, notamment du délai de préavis imposé par celle-ci, destiné à porter les revendications des travailleurs de ce transporteur et suivi par une catégorie de personnel indispensable à la réalisation d’un vol, ne relève pas de la notion de « circonstance extraordinaire », au sens de cette disposition. En conséquence, les voyageurs peuvent demander le versement d’une indemnité forfaitaire.
- Cour de cassation, 1e chambre civile, 12 septembre 2018, n°17-11.361 : Avion foudroyé avant le départ - Circonstance extraordinaire exonérant de l'indemnisation
Les faits : Des voyageurs ont acheté un billet d'avion pour le vol Bordeaux-Nice via la compagnie aérienne Easyjet. L'avion de départ sur lequel devaient embarquer les voyageurs, a été foudroyé alors qu'il était encore stationné à l'aéroport. Une heure plus tard, l'avion a été minutieusement examiné par des ingénieurs aéronautiques lesquels avaient déclaré, que celui-ci, endommagé, ne remplissait plus les conditions de sécurité optimales. Easyjet a pris la décision d’envoyer un avion de remplacement, ce qui avait nécessité de nombreuses formalités et autorisations préalables. Les passagers sont finalement arrivés à leur destination finale avec un retard de plus de trois heures. Ces derniers ont demandé à être indemnisés sur le fondement du réglement (CE) n° 261/2004.
La décision : L'arrêt rendu par la Cour de cassation précise que le fait que l'avion ait été foudroyé à l'aéroport de départ constitue une circonstance extraordinaire exonérant la compagnie aérienne de l'indemnisation due aux passagers en cas d'annulation ou de retard de vol. La CJUE considère que la compagnie aérienne avait établi, ainsi qu’il la lui incombait, que, même en prenant toutes les mesures raisonnables, au sens de l’article 5 § 3 du réglement (CE) n° 261/2004, tel qu’interprété par la Cour de justice de l’Union européenne, elle n’aurait manifestement pas pu éviter que les circonstances extraordinaires auxquelles elle était confrontée ne conduisent à l’annulation du vol litigieux.
- CJUE, 17 avril 2018, Helga Krüsemann e.a./TUIfly GmbH, affaires jointes C-195/17, C-197/17 à C-203/17, C-226/17, C-228/17, C-254/17, C-274/17, C-275/17, C-278/17 à C-286/17, C-290/17 à C-292/17 : Grève sauvage du personnel
Les faits : En 2016, plusieurs vols au départ de l'Allemagne ont été annulés suite à une grève du personnel. Les employés se sont mis en arrêt maladie après l'annonce d'un plan de restructuration de la compagnie aérienne. Les passagers n'ayant pu embarquer, ont demandé à la compagnie aérienne de les indemniser sur le fondement du règlement (CE) n° 261/2004. Celle-ci a refusé d'indemniser les passagers des vols annulés, estimant que les annulations résultaient de circonstances extraordinaires constituées par la "grève sauvage" du personnel, initiée sans syndicat.
La décision : L'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne rejette l'analyse de la compagnie aérienne. La Cour affirme qu'une "grève sauvage" du personnel navigant décidée à la suite de l'annonce surprise d'une restructuration, ne constitue pas une circonstance extraordinaire permettant à la compagnie aérienne de se libérer de son obligation d'indemnisation en cas d'annulation ou de retard important de vol. La CJUE précise que les risques résultant des conséquences sociales qui accompagnent de telles mesures doivent être considérés comme inhérents à l'exercice normal de l'activité du transporteur aérien concerné. De plus, elle précise que l'initiation d'une grève sans syndicat, est sans incidence sur l'appréciation de la notion de circonstances extraordinaires. La Cour rappelle, en outre, que la grève avait cessé dès la conclusion d'un accord entre la compagnie aérienne et les représentants du personnel et en conclut que la grève n'échappait pas à la maîtrise effective du transporteur.
2.6 - La juridiction territorialement compétente
- CJUE, 18 novembre 2020, Ryanair DAC c/ DelayFix, aff. C-519/19 : Annulation – Clause attributive de juridiction – Créance de passager à l’égard de la compagnie aérienne – Opposabilité de la clause attributive de compétence par la compagnie aérienne à la société cessionnaire de la créance dudit passager
Les faits : Un passager avait réservé un vol entre Milan (Italie) et Varsovie (Pologne) qui a été annulé. Le voyageur a cédé sa créance à une société privée pour que cette dernière demande à la compagnie aérienne le versement de la somme de 250 euros à titre d’indemnisation. La compagnie aérienne oppose une exception d’incompétence des juridictions polonaises en se fondant sur ses conditions générales de transport. Ces dernières stipulant une compétence en faveur des juridictions irlandaises. Selon la compagnie aérienne, le cessionnaire de la créance du passager serait lié par cette clause. Une question préjudicielle a été posée à la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE).
La décision : La Cour dispose qu’une clause attributive de juridiction insérée dans un contrat de transport conclu entre un passager et une compagnie aérienne ne peut être opposée par cette dernière à une société de recouvrement à laquelle le passager a cédé sa créance, à moins que, selon la législation de l’État dont les juridictions sont désignées dans cette clause, cette société de recouvrement n’ait succédé au contractant initial dans tous ses droits et obligations, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier. Le cas échéant, une telle clause, qui est insérée sans avoir fait l’objet d’une négociation individuelle dans un contrat conclu entre un consommateur, à savoir le passager aérien, et un professionnel, à savoir ladite compagnie aérienne, et qui confère une compétence exclusive à la juridiction dans le ressort de laquelle le siège de celle-ci est situé, doit être regardée comme abusive, au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs.
2.7 - L'indemnisation en cas de voyage gratuit
- Cour de cassation, 1e chambre civile, 6 janvier 2021, n°19-19.940 : Annulation de vol – Indemnisation forfaitaire – Passager voyageant gratuitement
Les faits : Un couple de passagers a voyagé avec leurs trois enfants mineurs de Agadir (Maroc) à Paris (France) avec la compagnie aérienne Transavia France. Le plus jeune enfant, âgé de deux ans, a voyagé sans billet d’avion sur les genoux de ses parents. Le vol a été annulé et les passagers sont parvenus à destination avec un retard de plus de 22 heures. Ils ont obtenu une indemnisation de 400 euros pour chacun d’eux et deux des enfants, sur le fondement du règlement (CE) n°261/2004 du 11 février 2004. Les passagers réclament à la compagnie aérienne le versement d’une indemnisation forfaitaire pour l’enfant âgé de deux ans.
La décision : La Cour de cassation dispose que l'article 3, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004 exclut du champ d'application les passagers qui voyagent gratuitement même si cette gratuité est prévue dans une offre accessible au public. Et que l'enfant en cause, âgé de moins de deux ans, qui a voyagé sans billet d'avion sur les genoux de ses parents, ne peut bénéficier de l'indemnisation forfaitaire réclamée au transporteur aérien.
2.8 - La juridiction territorialement compétente
- CJUE, 22 février 2022, JW, HD, XS c/ LOT Polish Airlines, aff. C-20/21 : Retard sur le premier segment de vol - Vol caractérisé par une réservation unique confirmée et effectué en plusieurs segments par deux transporteurs aériens distincts - Notion de “lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande”
Les faits : Les passagers ont effectué une réservation auprès de la compagnie aérienne Lufthansa AG pour un vol de Varsovie (Pologne) à Malé (Maldives) avec une correspondance à Francfort-sur-le-Main (Allemagne).
Le premier segment de ce vol, reliant Varsovie à Francfort-sur-le-Main, a été opéré par LOT Polish Airlines. En raison d’un décollage tardif, les passagers ont atterri en retard à Francfort-sur-le-Main et ont manqué leur vol de correspondance pour Malé, assuré par Lufthansa. Ils sont parvenus à leur destination finale, Malé, avec un retard de plus de quatre heures.
Ils ont demandé au tribunal de district de Francfort (Allemagne) de condamner la compagnie aérienne au paiement d’une indemnisation d’un montant de 600 euros à chacun d’entre eux, la distance entre Varsovie et Malé étant supérieure 3 500 kilomètres. La juridiction a rejeté cette demande comme étant irrecevable, au motif qu’elle n’était pas compétente pour connaître du litige, dès lors que ni le lieu de départ ni celui d’arrivée du vol, prévus par le contrat de transport concerné n’étaient situés dans son ressort. Les passagers ont interjeté appel devant le tribunal régional de Francfort-sur-le-Main (Allemagne) qui a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle permettant de déterminer le juge compétent en cas de vols avec correspondance avec une réservation unique.
La décision : La Cour de justice de l’Union européenne s’appuie sur l’article 7, point 1, sous b), second tiret, du règlement (UE) n°1215/2012 du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. Dans le cas d’un vol caractérisé par une réservation unique, confirmée pour l’ensemble du trajet, et divisé en deux ou plusieurs segments de vol sur lesquels le transport est effectué par des transporteurs aériens distincts, lorsqu’un recours en indemnisation, introduit sur le fondement du règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004, a pour seule origine un retard sur le premier segment de vol causé par un décollage tardif et est dirigé contre le transporteur aérien chargé d’effectuer ce premier segment de vol, le lieu d’arrivée de celui-ci ne peut pas être qualifié de « lieu d’exécution », au sens de cette disposition. Elle précise qu’en cas de pluralité de lieux de fourniture de services dans des États membres différents, il convient, en principe, d’entendre par « lieu d’exécution » le lieu qui assure le lien de rattachement le plus étroit entre le contrat concerné et la juridiction compétente.
Ce lien de rattachement le plus étroit se vérifiant, en règle générale, au lieu de la fourniture principale des services. La Cour dispose que la juridiction de renvoi n’indique pas les éléments du contrat qui pourraient justifier, en vue de l’organisation utile du procès, l’existence d’un lien suffisant de proximité entre les faits du litige au principal et sa compétence. En l’absence de telles indications, le « lieu d’exécution », au sens de l’article 7, point 1, sous b), second tiret, du règlement n° 1215/2012, peut, dès lors, être constitué par le lieu de départ du premier segment de vol, en tant que l’un des lieux de fourniture principale des services faisant l’objet du contrat de transport aérien en cause au principal.
3 - LES TARIFS
- CJUE, 3 septembre 2020, Delfly sp. z o.o. c/ Smartwings Poland sp. z o.o., aff. C-356/19 : Retard de vol – Modalités d’indemnisation – Demande exprimée en monnaie nationale – Devise
Les faits : Un passager a réservé un vol auprès d’une compagnie aérienne polonaise d’un pays tiers vers la Pologne. Le vol a été retardé de plus de trois heures. Le voyageur demande à être indemnisé conformément à l’article 7, § 1er, du règlement n° 261/2004. Le passager cède sa créance à une société établie en Pologne. Une juridiction polonaise a été saisie afin d’ordonner à la compagnie aérienne d’indemniser en zlotys (PLN) et non en euros. La compagnie aérienne a tenté d’obtenir le rejet de la demande d’indemnisation au motif notamment que celle-ci avait été exprimée, contrairement aux dispositions du droit national, dans une monnaie erronée, à savoir en PLN et non en euros. Se pose la question de la devise dans laquelle doit intervenir l’indemnisation. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a été saisie d’une question préjudicielle.
La décision : La CJUE dispose que l’article 7, § 1 du règlement n°261/2004, doit être interprété en ce sens qu’un passager, dont le vol a été annulé ou a subi un retard important, ou son ayant droit, peut exiger le paiement du montant de l’indemnisation visée à cette disposition dans la monnaie nationale ayant cours légal au lieu de sa résidence, de telle sorte que ladite disposition s’oppose à une réglementation ou à une pratique jurisprudentielle d’un État membre prévoyant que la demande formée à cet effet par un tel passager ou son ayant droit sera rejetée au seul motif que celui-ci l’a exprimée dans cette monnaie nationale. Le règlement de l’indemnité doit donc ici intervenir en PLN et non en euros.
- CJUE, 15 novembre 2018, Verbraucherzentrale Baden-Württemberg eV c/Germanwings GmbH, aff. C‑330/17 : Monnaie liée au service proposé
Les faits : Un passager, se trouvant en Allemagne, a réservé sur un site Internet, exploité par la compagnie aérienne allemande Germanwings, un vol reliant Londres (Royaume-Uni) à Stuttgart (Allemagne). Sur cette page, le tarif de ce vol était uniquement indiqué en livres sterling. Suite à la réservation dudit vol, le passager a reçu une facture, en livres sterling, indiquant ce tarif et d’autres frais. La Verbraucherzentrale Baden-Württemberg eV (association de consommateurs du Land de Bade-Wurtemberg, Allemagne) (ci-après la "Verbraucherzentrale") a considéré que cette pratique constituait un comportement déloyal et que les tarifs devaient être indiqués en euros. Elle a introduit une action en cessation de cette pratique contre Germanwings.
La décision : La Cour de justice de l'Union européenne affirme que, lors de l’indication des tarifs des passagers pour les services aériens intracommunautaires, les transporteurs aériens qui n’expriment pas ces tarifs en euros sont tenus d’opter pour une monnaie nationale objectivement liée au service proposé. Tel est, notamment, le cas de la monnaie ayant cours légal dans le pays européen dans lequel se situe le lieu de départ ou le lieu d’arrivée du vol concerné. Elle précise que, dans une situation dans laquelle un transporteur aérien établi en Allemagne où l’euro a cours légal, propose sur Internet un service aérien pour lequel le lieu de départ du vol concerné se situe dans un autre pays européen (le Royaume-Uni), dans lequel une monnaie autre que l’euro a cours légal, les tarifs des passagers peuvent, à défaut d’être exprimés en euros, être indiqués dans la monnaie ayant cours légal dans ce dernier pays européen (livres sterling).
4 - LES CHANGEMENTS D'HORAIRES
- CJUE, 21 décembre 2021, Airhelp Limited c/ Laudamotion GmbH, aff. C-263/20 : Avancement de l’heure de départ du vol par le transporteur aérien effectif - Annulation de vol - Réception de l’information sur l’avancement à une adresse électronique n’appartenant pas aux passagers concernés
Les faits : Des passagers aériens ont réservé, par l’intermédiaire d’une plateforme électronique de réservation, un vol reliant Palma de Majorque (Espagne) à Vienne (Autriche), opéré par le transporteur aérien effectif Laudamotion. Lors de la réservation sur cette plateforme, ces passagers ont fourni leurs adresses électroniques privées et leurs numéros de téléphone. Ladite plateforme a procédé à la réservation du vol au nom des passagers auprès de la compagnie aérienne, en générant une adresse électronique spécifique pour ladite réservation. Cette adresse était la seule adresse de contact dont disposait le transporteur aérien. Le départ du vol réservé a été avancé de plus de six heures par le transporteur aérien effectif le même jour. Les passagers ont introduit une demande d’indemnisation au titre du règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004, devant le tribunal de district de Schwechat (Autriche). Le tribunal a fait valoir que le transporteur aérien effectif était redevable d’une indemnité forfaitaire de 500 euros pour les deux passagers en raison de l’avancement de plus de six heures du vol en cause, dont les passagers avaient été informés seulement quatre jours avant le départ prévu par la plateforme de réservation. La compagnie aérienne a interjeté appel devant le tribunal régional de Korneubourg (Autriche). Le tribunal a décidé de surseoir à statuer et de poser des questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne.
La décision : La Cour de justice de l’Union européenne dispose que l’article 2, sous l), et l’article 5, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004, doivent être interprétés en ce sens qu’un vol est considéré comme étant « annulé » lorsque le transporteur aérien effectif avance ce vol de plus d’une heure. Elle précise également que l’article 5, paragraphe 1, sous c), i), du règlement n° 261/2004 du 11 février 2004, doit être interprété en ce sens que le passager aérien, qui a réservé un vol par l’entremise d’un intermédiaire, est considéré comme n’ayant pas été informé de l’annulation de ce vol lorsque, bien que le transporteur aérien effectif ait transmis l’information relative à cette annulation à cet intermédiaire, par le truchement duquel le contrat de transport aérien a été conclu avec ce passager, au moins deux semaines avant l’heure de départ prévue, ledit intermédiaire n’a pas informé le passager de ladite annulation dans le délai d’au moins deux semaines avant l’heure de départ prévue et que le même passager n’a pas expressément autorisé le même intermédiaire à réceptionner l’information transmise par ledit transporteur aérien effectif.
- CJUE, 11 mai 2017, Bas Jacob Adriaan Krijgsman c/ Surinaamse Luchtvaart Maatschappij NV, aff. C‑302/16 : Information du transporteur aérien effectif en cas de modification d'horaires
Les faits : Un voyageur a effectué, sur un site Internet, une réservation pour un vol au départ d'Amsterdam (Pays-Bas) et à destination de Paramaribo (Suriname) via la compagnie aérienne Surinam Airways. Celle-ci a informé le site Internet de l'annulation du vol de départ, cinq semaines avant la date de départ. Le voyageur a ensuite reçu un courrier, dix jours avant la date de départ initiale, l'informant du report de la date de son vol. Le voyageur a alors demandé à la compagnie aérienne de l’indemniser à ce titre. La demande a été rejetée, au motif que l’information relative à la modification de la date de départ avait été transmise à l'agence de voyage (site Internet), cinq semaines avant la date de départ prévue initialement. L'agence de voyage a, quant à elle, fait savoir au voyageur qu’elle déclinait toute responsabilité pour le préjudice dont la réparation lui était demandée. A été posée, la question des modalités d'information des passagers, en cas d’annulation de vol, dans l’hypothèse d’un contrat de transport conclu par l’intermédiaire d’un agent de voyage ou d’un site Internet.
La décision : La Cour de justice de l'Union européenne affirme que, dans le cas où un transporteur aérien informerait l'agence de voyage d'une modification d'horaires, l'obligation d'information sur le changement d'horaires ne pèse que sur le transporteur aérien effectif. Elle précise qu'un transporteur aérien, qui n'est pas en mesure de prouver qu'un passager a été informé de l'annulation de son vol plus de deux semaines avant l'heure de départ prévu, est tenu de l'indemniser. La Cour rappelle que cela vaut aussi bien pour les contrats de transport conclus directement entre le passager et le transporteur aérien et, pour les contrats conclus par l'entremise d'une agence de voyage en ligne. En outre, la Cour relève que les obligations acquittées par le transporteur aérien en vertu du réglement (CE) n° 261/2004 le sont sans préjudice pour celui-ci de son droit de demander réparation, conformément au droit national, à toute personne à l'origine du manquement de ce transporteur, y compris des tiers.
5 - LA PERTE DE BAGAGES
- CJUE, 9 juillet 2020, SL c/ Vueling Airlines SA, aff. C/86-19 : Perte de bagages – Responsabilité – Indemnisation – Plafond d’indemnisation – Somme forfaitaire – Convention de Montréal
Les faits : Une passagère a voyagé d’Ibiza (Espagne) à Fuerteventura (Espagne), en faisant escale à Barcelone (Espagne), par un vol opéré par Vueling Airlines. Elle a enregistré son bagage auprès de ce transporteur aérien. En arrivant, après un vol qui s’est déroulé normalement, elle a constaté que son bagage n’était pas arrivé à destination. De ce fait, une réclamation a été déposée auprès dudit transporteur aérien. La voyageuse a ensuite déposé un recours devant le tribunal de commerce de Barcelone afin d’obtenir le paiement d’une indemnisation pour réparation des préjudices matériel et moral que la perte de son bagage lui a causés. La compagnie aérienne s’oppose au paiement de la limite maximale d’indemnisation prévue par la convention de Montréal arguant que la passagère n’a ni indiqué le contenu du même bagage, sa valeur et son poids ni fourni les justificatifs des achats effectués pour remplacer les objets qui se trouvaient dans celui-ci. Une question préjudicielle a été posée à la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE).
La décision : La question posée est de savoir si en cas de destruction, de perte, d’avarie ou de retard de bagages enregistrés n’ayant pas fait l’objet d’une déclaration spéciale d’intérêt à la livraison, l’indemnisation constitue un plafond d’indemnisation ou, au contraire, une somme forfaitaire due de plein droit au passager. La Cour précise que le montant de l’indemnisation due par un transporteur aérien à un passager, dont le bagage enregistré n’ayant pas fait l’objet d’une déclaration spéciale d’intérêt à la livraison a subi une destruction, une perte, une avarie ou un retard, doit être déterminé, dans la limite fixée à l’article 22, §2, de la convention de Montréal, au regard des circonstances de l’espèce. La passagère concernée ne bénéficie pas de plein droit et forfaitairement d’une somme ; il appartient au juge national de déterminer, dans cette limite, le montant de l’indemnisation due à celui-ci au regard des circonstances de l’espèce. Les règles du droit national applicables ne doivent toutefois pas être moins favorables que celles concernant les recours similaires de droit interne ni aménagées de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par la convention de Montréal.
6 - LA RESPONSABILITE DU TRANSPORTEUR EN CAS D'ACCIDENT
- CJUE, 19 décembre 2019, GN c/ ZU en tant que liquidateur de Niki Luftfahrt GmbH, aff. C-532/18 : Responsabilité des transporteurs aériens en cas d’accident – Notion d’« accident » - Renversement d’un gobelet de café posé sur la tablette d’un siège – Lésions corporelles causées au passager
Les faits : Des passagers ont voyagé à bord d’une compagnie aérienne depuis Majorque (Espagne) jusqu’à Vienne (Autriche). Durant le vol, il a été servi un gobelet de café chaud. Alors que le gobelet était posé sur la tablette située devant le passager, il s’est renversé sur sa fille, lui causant des brûlures au deuxième degré. Il n’a pas pu être établi si le gobelet de café s’est renversé en raison d’une défectuosité de la tablette pliante sur laquelle il était posé ou en raison des vibrations de l’avion. Une demande a été introduite afin que le transporteur soit condamné à réparer le préjudice. Le tribunal régional de Korneubourg (Autriche) a fait droit à la demande des passagers en considérant que les dommages causés trouvaient leur origine dans un accident causé par un évènement inhabituel reposant sur une action extérieure. Le jugement a été infirmé par le tribunal supérieur de Vienne (Autriche) qui dispose que les passagers n’apportent pas la preuve que les accidents ont été causés par un risque inhérent au transport aérien, conformément à l’article 17 de la convention de Montréal. Un recours a été introduit devant la Cour suprême d’Autriche qui a posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.
La décision : La question posée concernait l’interprétation de la notion d’« accident » au regard de la convention de Montréal. La CJUE dispose que l’article 17, paragraphe 1 de la convention de Montréal doit être interprété en ce sens que la notion d’« accident », au sens de cette disposition, couvre toutes les situations qui se produisent à bord d’un aéronef dans lesquelles un objet utilisé pour le service aux passagers a causé une lésion corporelle à un passager, sans qu’il soit nécessaire de rechercher si ces situations résultent d’un risque inhérent au transport aérien.
- CJUE 2 juin 2022 JR c/ Austrian Airlines AG, aff. C-589/20 : Responsabilité des transporteurs aériens en cas d’accident – Notion d’ « accident » - Chute d’un passager lors du débarquement – Lésions corporelles causées au passager
Les faits : Des passagers accompagnés de leur fils de deux ans ont voyagé à bord d’une compagnie aérienne depuis Thessalonique (Grèce) jusqu’à Vienne-Schwechat (Autriche). Lors du débarquement, en temps de pluie et sur un escalier non pourvu de toiture, la passagère chute sur l’escalier alors qu’elle tenait son sac à main de la main droite et son fils du bras gauche, entrainant une fracture de son avant-bras gauche. Une demande a été introduite afin que le transporteur soit condamné à réparer le préjudice en application de la convention de Montréal du 28 mai 1999.
Le tribunal de district de Schwechat (Autriche) rejette leur demande au motif que le transporteur n’a pas failli à son obligation accessoire d’assurer la sécurité des passagers, l’escalier en métal étant conçu de manière à ce qu’il puisse évacuer la pluie. Il relève également que la passagère a participé à sa chute, ne se tenant pas aux rampes mises en place sur les escaliers, y compris après avoir été témoin d’une « presque-chute » de son conjoint la devançant.
Le tribunal régional de Kornenbourg (Autriche) confirme ce jugement pour ces mêmes motifs. Il pose également la question suivante : un accident se produisant lors du débarquement d’un avion sans qu’il ne soit dû à un objet utilisé pour le service au passager, doit-il être considéré comme un « accident » au regard de la convention de Montréal et ainsi être sous la responsabilité du transporteur ?
La décision : Concernant la notion d’ « accident » l’article 17, paragraphe 1 de la convention de Montréal doit être interprété en ce sens qu’une situation dans laquelle, pour une raison indéterminée, un passager fait une chute dans un escalier mobile mis en place pour le débarquement des passagers d’un aéronef et se blesse relève de la notion « d’ accident », au sens de cette disposition, y compris lorsque le transporteur aérien concerné n’a pas manqué à ses obligations de diligence et de sécurité à cet égard et qu’aucun objet utilisé pour le service au passager n’ait été la cause de la chute.
Concernant le comportement de la passagère, l’article 20 première phrase de la convention de Montréal doit être interprété en ce sens que, lorsqu’un accident, qui a causé un dommage à un passager, consiste en une chute de celui-ci pour une raison indéterminée, dans un escalier mobile mis en place pour le débarquement des passagers d’un aéronef, le transporteur aérien concerné ne saurait être exonéré de sa responsabilité à l’égard de ce passager que dans la mesure où, compte tenu de l’ensemble des circonstances dans lesquelles ce dommage s’est produit, ce transporteur prouve, conformément aux règles de droit national applicables et sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité, qu’une négligence, qu’un autre acte ou qu’une omission préjudiciable dudit passager a causé ou a contribué au dommage subi par celui-ci, au sens de cette disposition.
7 - LE REFUS D'EMBARQUEMENT
- CJUE, 4 octobre 2012, German Rodriguez Cachafeiro & Maria de los Reyes Martinez-Reboredo Varela-Villamor c/ Iberia, Lineas Aéreas de Espana, aff. C-321/11 : Trasnport aérien - Indemnisation des passagers en cas de refus d'embarquement - Annulation par le ransporteur de la carte d'embarquement en raison du retard d'un vol précédent enregistré concomitamment.
Les faits : Un couple de passagers achète de manière concomitante un billet composé de deux vols, l'un de La Corogne (Espagne) jusqu'à Madrird (Espagne), et l'autre de Madrid jusqu'à Saint-Domingue (Espagne). Ils enregistrent leurs bagages directement pour leur destination finale et deux cartes d'embarquement correspondant aux deux vols succeccifs leurs sont remises. Le 1er vol subi un retard d'une heure et 25 minutes, ce qui pousse la compagnie a annulé leur carte d'embarquement pour le second vol, estimé qu'ils ne parviendraient pas à arriver à temps. Les passagers se présentent néanmoins à la porte d'embarquement lors du dernier appel des passagers, mais leur embarquement est empeché, leurs cartes d'embarquement ayant été annulées et leurs places attrivuées à d'autres passagers. Ils ont été acheminé le lendemain à leur destination finale avec 27 heures de retard.
Les passagers exigent alors le versement d'une indemnité forfataire de 600 € pour refus d'embarquement conformément aux articles 4 et 7 du règlement (CE) n°261/2004, ce que la compagnie conteste au motif qu'il s'agissait d'une correspondance manquée, le refus de les fare embarquer n'étant pas dû à une surréservation mais ayant été motivé par le retard du vol antérieur. Les juridictions compétentes renvoient l'affaire devant la CJUE afin de déterminer si la situation en l'espèce s'analyse en un refus d'embarquement.
La décision : La CJUE dispose, qu'au regard des articles 2 et 3 du règlement (CE) n°261/2004, la notion de "refus d'embarquement" inclut la situation dans laquelle, dans le cadre d'un contrat de transport unique comprenant plusieurs réservations sur des vols immédiatement successifs et enregistrés concomitament, un transporteur aérien refuse l'embarquement à ces passagers au motif que le premier vol a subi un retard imputable à ce transporteur et que celui-ci a prévu à tord que les passagers n'arriveront pas à temps pour embarquer sur le second vol.
- Cour de cassation, 1e chambre civile, 5 février 2020, n°18-15.300 : Passeport périmé – Refus d’embarquement – Demande d’indemnisation forfaitaire
Les faits : Une passagère a acquis pour elle-même et pour son fis alors âgé de neuf ans, tous deux ressortissants français, un séjour touristique en Grèce, comprenant le vol et l’hébergement. Le vol était assuré par la compagnie aérienne Easyjet. Lors de leur présentation au départ, le transporteur a refusé l’embarquement de l’enfant, au motif que son passeport était périmé depuis un peu plus de trois ans. La passagère, agissant en son nom et en celui de son fils mineur, a assigné l’agence de voyages et le transporteur aérien en indemnisation.
La décision : La Cour de cassation s’appuie sur l’accord européen du 13 décembre 1957 sur le régime de la circulation des personnes entre les pays membres du Conseil de l'Europe, ratifié par la France et par la Grèce, nonobstant la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres. Il en résulte qu'un ressortissant français peut se rendre en Grèce avec l'un des documents énumérés à l'annexe de cet accord, qui sont, pour la France, le passeport national de la République française, en cours de validité ou périmé depuis moins de cinq ans, et la carte nationale d'identité de la République française en cours de validité. La Cour de cassation dispose que la famille doit donc être indemnisée.
8 - DECLASSEMENT
- CJUE, 22 juin 2016, Steef Mennens c/ Emirates Direktion für Deutschland, aff. C-255/15 : Transport aérien - Remboursement partiel du prix du billet en cas de déclassement du passager sur un vol - Calcul du remboursement dû au passager.
Les faits : Un passager effectue un ensemble de vols avec la compagnie Emirates avec certains vols en 1ère classe et d'autres en classe affaire. Le tarif d'ensemble et celui des diférents vols étaient détaillés de même que les diférentes taxes et redevances. Emirates procéda au déclassement du passager sur l'un des vols en 1ère classe en classe affaire. Le passager, conformément à l'article 10 du règlement (CE) n°261/2004, exigea un remboursement de 75% du prix d'ensemble alors que la compagnie ne lui remboursa que 75% du prix du seul billet ayant subi le déclassement. Les juridictions compétentes renvoient l'affaire devant la CJUE afin de savoir si lors du déclassement d'un vol sur un ensemble, le remboursement prévu à cet effet doit-il être calculé sur le prix du seul vol déclassé ou sur le prix de l'ensemble des vols ?
La décision : La CJUE estime qu'au regard de l'article 10, paragraphe 2, et de l'article 2, sous f), du règlement (CE) n°261/2004, en cas de déclassement d'un passager sur un vol, le prix à prendre en considération pour déterminer le remboursement dû au passager est le prix du vol sur lequel celui-ci a été déclassé, à moins que le prix en question ne soit pas indiqué, en quel cas il convient de se fonder sur la partie du prix du billet correspondant au quotient de la distance dudit vol et de la distance totale du transport auquel a droit le passager.
Le remboursement exclu les taxes et redevances indiquées sur le billet, à la condition que ni l'exigibilité ni le montant des atxes et redevances ne dépendent de la classe.
Samia M'HAMDI
juriste à l'institut national de la consommation
mise à jour par Thomas GONCALVES
juriste à l'insitut national de la consommation