Une sanction plus légère des empiétements de propriété sur le terrain de son voisin
Un millimètre ou cinq mètres... Auparavant, si un ouvrage empiétait sur le terrain de son voisin, il était démoli. Cette solution était constante et ce, peu importe l'importance de l'empiétement en raison de la place du droit de propriété en France. Depuis quelques années, la Cour de cassation assouplit progressivement sa position.
1 - LE PRINCIPE : AUCUN EMPIETEMENT DE PROPRIETE SUR LE TERRAIN DU VOISIN
Le principe est donné par le code civil. L'article 544 dudit code dispose que "la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements".
L'article 545 du code civil ajoute que "nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité". Cet article était appliqué strictement par les Juges de cassation.
Depuis 2015, la Cour de cassation a adopté une solution moins stricte : un simple grattage de l'enduit du mur litigieux ou un rabotage permettant de mettre fin à l'empiétement constaté peut être une solution envisageable.
2 - UNE SOLUTION DORENAVANT ENVISAGEABLE : LE GRATTAGE OU LE RABOTAGE D'UN MUR LITIGIEUX
Selon un arrêt du 23 juin 2015 (n° de pourvoi : 14-11870), les Juges de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation ont retenu que l'empiétement était dû à l'enduit de façade de l'immeuble de la copropriété conformément aux constatations de l'expert. Ils ont confirmé la solution adoptée par la Cour d'appel, à savoir la condamnation du syndicat à rétablir les limites séparatives en faisant procéder au grattage de l'enduit auquel l'empiétement était imputable.
Dans cette affaire, une Société Civile Immobilière (SCI) a construit un immeuble qu'elle a vendu sous le régime de la copropriété. Le propriétaire du fonds voisin a fait réaliser une expertise en raison d'un empiétement sur son terrain. Il a ensuite assigné la SCI et le syndicat des copropriétaires pour obtenir le constat de l'empiétement, la démolition de la construction et la réparation de ses préjudices.
Procéder au grattage de l'enduit était une solution envisageable pour mettre fin à l'empiétement de propriété.
Dans un autre arrêt en date du 10 novembre 2016 (n° de pourvoi : 15-25113), les Juges de la Cour de Cassation ont cassé l'arrêt de la Cour d'appel de Bourges. En effet, les Juges d'appel ont prononcé la démolition totale du bâtiment, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si un rabotage du mur n'était pas de nature à mettre fin à l'empiétement constaté.
En l'espèce, les propriétaires respectifs de deux parcelles ont assigné leur voisin en enlèvement d'un bâtiment constituant un atelier-garage empiétant sur leurs fonds.
Pour ordonner la démolition totale du bâtiment, l'arrêt retient qu'il empiète sur le fonds d'un voisin. De plus, les considérations de l'expert selon lequel l'empiétement représenterait une bande d'une superficie de 0, 04 m ² sont inopérantes au regard des dispositions des articles 544 et 545 du code civil. Selon la Cour d'appel, cet empiétement fonde la demande de démolition de la construction litigieuse.
Les Juges de la Cassation ont cassé cette solution. En effet, il était nécessaire de rechercher si un rabotage du mur n'était pas envisageable pour mettre fin à l'empiétement constaté.
Les décisions en matière d'empiétement s'assouplissent progressivement. Cette tendance suit l'actuelle volonté de rénover les bâtiments existants en posant une isolation par l'extérieur. Cette technique peut conduire à des situations d'empiétement sur le terrain du voisin de la parcelle concernée.
Virginie Potiron,
Juriste à l'Institut national de la consommation