Repas en EHPAD, un enjeu pour le bien-être et la santé des aînés

Etude de l'INC sur l'alimentation en EHPAD


L'alimentation, souvent le dernier plaisir des résidents en EHPAD, est un enjeu de santé majeur. Les repas constituent des moments conviviaux réduisant l'isolement et améliorant le bien-être. Une mauvaise nutrition fragilise les résidents, entraînant des pathologies fréquentes et prolongées.

 

Les établissements doivent concilier restauration collective et besoins individuels : régimes spécifiques, textures adaptées, horaires et lieux variés. Les choix incluent la préparation sur place, les horaires flexibles, les repas en chambre ou en groupe restreint, et l'adaptation des présentations. La restauration en Ehpad impacte le budget et la qualité de vie des résidents.

 

C’est pourquoi l'Institut national de la consommation a mené une étude sur le sujet.

 

 

1 - Méthodologie de l’étude

2 - La qualité nutritionnelle des menus

3 - Les résultats analysés

4 - Déroulement des repas

5 - Accompagnement par le personnel de l’EHPAD

6 - Constats

7 - Verbatims

 

1 - Méthodologie de l’étude

Un questionnaire en ligne, composé de 30 questions sur la restauration, l'appétence, la qualité et la quantité des plats, mixés ou hachés, les horaires des repas, la qualité de l’aide, etc. a été adressé via les différents réseaux de l’Institut national de la consommation (lettre d’information inc-conso, newsletter 60, tribu 60, réseaux sociaux, etc.).

 

Les réponses ont été récoltées entre le 6 juin et le 16 août 2023. 255 ont pu être exploitées.

 

Parallèlement, nous avons reçu une cinquantaine de menus et/ou photos de repas.

 

Les questionnaires ont été complétés en minorité par les résidents eux-mêmes (7 % des réponses) et pour le reste, par un tiers, très majoritairement une personne de confiance (membre de la famille, ami, tuteur, etc.).

 

Les résidents, surtout des femmes (77 %), sont âgés de 70 à 103 ans, avec une moyenne d’âge de 88 ans ; les trois quarts des répondants, sur leur niveau de perte d’autonomie, sont classés entre GIR 2 et GIR 4 (groupe iso-ressources).

 

Seuls 14 % des répondants ne connaissent pas leur degré de perte d’autonomie, les 86 % restant sont répartis de la façon suivante (1 étant la plus grande perte d’autonomie, 6 la plus faible).

 

> Télécharger le questionnaire

 

Répartition de l’échantillon selon le GIR

 

23 % des résidents répondants (soit 43) indiquent avoir une pathologie qui demande un menu spécial ou une façon particulière de préparer les repas. Ils sont répartis de la façon suivante :

 

Répartition des pathologies nécessitant un menu adapté

 

2 - La qualité nutritionnelle des menus

Nous avons analysé 40 menus hebdomadaires (déjeuner et dîner) fournis par différents répondants. Sur le papier, tout semble correct, à condition que la nourriture soit consommée et que le menu corresponde à ce qui est servi.

 

  • Féculents, légumes et fruits

Les déjeuners contiennent presque systématiquement des féculents, contrairement aux dîners (environ un sur deux) où ils sont remplacés par des légumes, moins rassasiants. En moyenne, 20 légumes différents sont proposés chaque semaine sous diverses formes (salades, soupes, ratatouille, etc.). Les résidents reçoivent ainsi une alimentation riche en légumes, vitamines et fibres. Cependant, les fruits (crus, en salade ou en compote) ne sont servis qu’une fois par jour en moyenne.

 

  • Protéines animales

La viande, principale source de protéines de bonne qualité et facilement digestibles, figure au menu entre 5 et 11 fois par semaine, en alternance avec du poisson (1 à 3 portions hebdomadaires) et parfois des œufs. Là encore, sur le papier, il n’y a pas de carence particulière en protéines.

 

  • Produits laitiers

Sources de calcium et de protéines, ces produits figurent presque à chaque repas : fromage, crème dessert, yaourt. Malheureusement, certains établissements se limitent à un fromage midi et soir, souvent en portion individuelle emballée, ce qui est peu pratique pour des mains arthrosiques.

 

Dans un contexte de forte inflation des denrées alimentaires, il est à craindre que l'offre diminue en qualité ou en quantité. Les menus transmis à l’INC montrent que les repas sont généralement bien adaptés aux besoins spécifiques des personnes âgées, même si une vigilance est nécessaire, notamment concernant la diversification des sources de légumes (qui ne devraient pas provenir uniquement de potages) et des produits laitiers (souvent limités à une assiette de fromage, ce qui manque de diversité).

 

Cette analyse repose toutefois sur les menus théoriques des établissements. Les quelques répondants ayant envoyé des photos ont formulé plusieurs critiques : « libellés des menus pompeux par rapport à la réalité », « peu à manger et toujours pareil », « en mixé, toujours les mêmes plats », etc. Le défi n’est donc pas de construire des menus équilibrés, mais de s’assurer que ces menus sont bien respectés par les cuisiniers, tant en termes de qualité, de taille des portions, que de diversité des aliments.

 

3 - Les résultats analysés

Présentation et perception des repas

 

Pour 53 % des résidents, la nourriture est servie entière, pour 24 % elle est partiellement mixée et pour 22 % totalement mixée. La nourriture mixée ne rassure qu’un tiers des répondants concernés. Une aidante précise que, bien que le résident puisse manger des aliments entiers, l’EHPAD lui sert tout de même des repas mixés, ce qui pourrait être dû à une politique générale de l’établissement.

 

Pour ceux dont la nourriture est mixée ou partiellement mixée, 48,8 % trouvent que les plats sont toujours chauds, 49,6 % disent qu'ils sont parfois chauds, et 1,7 % rapportent qu'ils ne sont jamais chauds.

 

Les plats mixés ou partiellement mixés sont jugés appétissants par seulement 38 % des répondants. Les autres trouvent que les plats ressemblent à de la bouillie, sans odeur et fade, rendant difficile pour les résidents de distinguer ce qu'ils mangent. Si les repas ne sont pas servis chauds, l'appétence en souffre considérablement.

 

Le personnel de l’établissement n’a demandé qu’à un quart des personnes si la nourriture mixée leur convenait, précisant généralement que c’est leur état de santé qui impose ce régime.

 

Seulement 22 % des répondants indiquent qu’il y a différents choix de plats et/ou desserts au menu, et 31 % qu’ils peuvent demander un autre plat si celui présenté ne leur plaît pas. L’alternative proposée est souvent un plat type « jambon-purée » ou un potage avec pain de mie, mais la plupart du temps, les choix concernent les fromages et les desserts. La possibilité de choisir son plat dépend de l’ordre de service (« je suis souvent la dernière servie, donc il ne reste plus de choix ») ou du personnel ("selon qui sert, certains proposent des alternatives"). Plusieurs résidents indiquent que les choix ne sont pas toujours respectés.

 

Selon 41 % des résidents, les mêmes plats reviennent chaque semaine, tandis que 40 % disent qu'ils reviennent une fois par mois. Par ailleurs, 6 % des résidents déclarent que les mêmes plats reviennent plusieurs fois par semaine.

 

Rotation des plats présents au menu

 

La majorité des résidents trouvent les repas assez équilibrés, bien que certains notent une prédominance de féculents sur les légumes. Certains ne savent pas ce qu’ils mangent, surtout ceux ayant des repas mixés, et d’autres trouvent que le goût fait défaut.

 

53 % des répondants indiquent que des condiments (sel, poivre, vinaigrette, moutarde, sucre, etc.) sont disponibles en libre-service ou à la demande, bien que cela dépende souvent du personnel. Un résident précise que le personnel n’est pas toujours au courant des condiments disponibles, et un autre mentionne que les résidents peuvent apporter leurs propres condiments.

 

La majorité des résidents finissent généralement leur assiette (26 % toujours, 53 % parfois), mais 21 % ne la finissent jamais.

 

4 - Déroulement des repas

 

Les repas sont-ils faits sur place et/ou livrés par une société extérieure ?

 

56 % des repas sont préparés sur place, 29 % sont livrés par une société extérieure, et 15 % ne savent pas.

 

La journée de restauration comporte généralement quatre moments : un petit-déjeuner servi entre 7h et 10h30 (principalement de 7h30 à 8h30), un déjeuner entre 11h et 13h30 (65 % à midi), une collation entre 15h et 17h (principalement de 15h30 à 16h), et un dîner entre 17h et 19h30 (principalement de 18h à 18h30).

 

 

 

 

 

Les repas durent en moyenne un peu plus de 45 minutes (minimum 10 minutes, maximum 2h30). Selon le programme Mobiqual sur la nutrition, les repas doivent durer au moins 30 minutes pour le petit-déjeuner et la collation, 45 minutes pour le dîner, et une heure pour le déjeuner. Un temps de jeûne de trois heures entre chaque repas et de douze heures maximum la nuit doit aussi être respecté.

 

D'après les horaires fournis par les répondants :

 

  • Le jeûne de 3 heures entre le petit-déjeuner et le déjeuner n’est pas respecté dans 56 % des cas, souvent à cause de la toilette matinale des résidents.
  • Le jeûne de 3 heures entre le déjeuner et la collation n’est pas respecté dans 12 % des cas.
  • Le jeûne de 3 heures entre la collation et le dîner n’est pas respecté dans 2 % des cas.
  • Le jeûne de 12 heures maximum pendant la nuit n’est pas respecté dans 75 % des cas, les dîners étant souvent servis tôt (18h).

 

De plus, certains signalent des horaires de repas très rapprochés, comme un petit-déjeuner à 10h30 suivi d’un déjeuner à 11h30, ou une collation à 17h suivie d’un dîner à 18h.

 

Lieu de restauration selon le degré d’autonomie
 

Dans 77 % des cas, les repas sont pris à table en salle, sinon dans la chambre. Il n'y a pas de différence significative selon le degré d'autonomie, mais on observe une tendance à manger en chambre avec une perte d'autonomie accrue.

 

Parmi ceux qui mangent en salle, 31 % préfèreraient manger en chambre, et parmi ceux qui mangent en chambre, 56 % préfèreraient manger en salle. La majorité des résidents (72 %) sont satisfaits du lieu de repas, avec une satisfaction légèrement plus élevée en salle (74 % contre 63 % en chambre).

 

Les salles de restauration offrent un cadre lumineux et agréable, souvent avec des baies vitrées donnant sur un jardin ou une terrasse. Les raisons de vouloir manger en chambre incluent le calme, la fatigue, la maladie, les difficultés à se déplacer, et les interactions avec les autres résidents ou le personnel pressant. En salle, les critiques portent sur l'impossibilité de choisir ses voisins de table, sa place, et les temps d'attente.

 

Les raisons de vouloir manger en salle incluent la convivialité, le fait de sortir de la chambre, le sentiment d'autonomie, et la possibilité de se resservir.

 

24 % des répondants déclarent qu'il arrive parfois qu'on oublie de leur servir un repas, le plus souvent la collation ou le petit-déjeuner. Cela arrive plus souvent en chambre, surtout si la porte est fermée ou s'ils oublient de descendre en salle.

 

5 - Accompagnement par le personnel de l’EHPAD

Plus de la moitié des répondants (52 %) ont besoin d’aide à table : 31 % pour couper la nourriture, 4 % pour porter à la bouche, et 17 % pour les deux. Logiquement, moins les résidents sont autonomes, plus ils ont besoin d’aide.

 

Personnes déclarant avoir besoin d’une aide à table selon le niveau de GIR

 

Dans un tiers des cas, une personne est présente tout au long du repas pour aider, sinon elle reste juste quelques minutes pendant que le résident attend à table. Même pour ceux ayant besoin d’aide seulement pour porter la nourriture à la bouche, une personne est présente tout au long du repas dans seulement 13 % des cas.

 

Résidents ayant besoin d’une aide pour s’alimenter

 

L'accompagnement des personnes pendant tout le repas semble augmenter à mesure que l'autonomie des résidents diminue.

 

 

La majorité des résidents sont régulièrement pesés : 38 % chaque mois, 7 % chaque semaine et 41 % de temps à autre. 14 % ne sont jamais pesés. 42 % des résidents indiquent avoir maigri récemment (20 % ne savent pas). Un professionnel de santé discute de la perte de poids avec le résident dans seulement 29 % des cas, et parmi ceux-ci, une solution est proposée dans 65 % des cas, principalement des compléments alimentaires ou protéinés. Ces solutions sont mises en place par le personnel dans 77 % des cas.

 

Avez-vous maigri ces derniers mois ?

 

Tous les répondants

 

 

Réponses "Je ne sais pas" exclues des calculs

 

 

6 - Constats

 

  • La nourriture mixée, servie à la moitié des résidents souvent sans nécessité médicale, est jugée peu appétissante visuellement et gustativement.

 

  • Il est très rare de pouvoir choisir ou modifier un plat.

 

  • Un résident sur cinq ne termine jamais son assiette, risquant la perte de poids, la dénutrition et donc des risques de santé accrus, d'autant plus que le poids n'est pas toujours contrôlé.

 

  • Bien que les horaires des repas soient globalement bien répartis, le temps de jeûne nocturne dépasse douze heures, seuil maximum conseillé pour les personnes âgées, dans 75 % des cas.

 

  • Le niveau d'accompagnement pendant les repas est jugé insuffisant par rapport aux besoins, obligeant une partie des résidents à attendre longtemps à table.

 

7 - Verbatims

 

"Avant même de désirer du bio, mon père résidant en Ehpad, ce qu'il voulait, c'est manger bon, des choses de saison qui ont du goût et non pas des fruits durs comme du caillou, des pommes et des bananes en plein été parce que ça se conserve mieux que les fruits d'été, de la viande dure et insipide que l'on tente de camoufler noyée dans une sauce, "tout à le même goût".

 

"Ma mère a besoin d’une personne en permanence et de temps en temps pour avaler (problème de déglutition) … Je pense que le personnel n’est pas en nombre suffisant pour nourrir les personnes âgées dépendantes. Donc c’est un problème grave qui frise la maltraitance… Ma mère est âgée de 94 ans et je m’inquiète de la voir maigrir".

 

"J’ai vu les portions de gâteau du goûter réduire de semaine en semaine. Beaucoup ont protesté. Les petites bouteilles d’eau individuelles ont été remplacées par un pot en plastique. Lorsqu’il fait chaud, cette eau stagne toute la journée. De plus en plus de familles apportent l’eau, les fruits, les goûters".

 

 

 

"Les assiettes, pour le plat principal, ont été remplacée au cours de l’année 2022, choisies creuses. Elles rendent difficile la découpe des viandes. Il y a très peu de fruits frais proposés et jamais de tarte aux fruits. Les entrées de charcuterie sont des produits industriels de bas de gamme. Au moment du gouter, les jus de fruits sont servis à température ambiante et les glaces fondues".

 

 

Les résultats de cette étude, complétés par une enquête, figurent dans le numéro 596 du magazine 60 millions de consommateurs, publié en novembre 2023 (article payant).


Être averti d'une mise à jour
Cliquez ici pour ouvrir de nouveau le bandeau d’information et de réglage des cookies Haut de page