Quel a été l’impact de la loi "Alimentation" sur le prix des produits alimentaires ?


Quel a été l’impact de la mise en vigueur du relèvement du seuil de revente à perte sur le prix des produits alimentaires ?

 

Quelles marques de grande distribution ont été le plus impactées par cette loi ?

 

Quels produits sont concernés ?

 

Notre économiste répond à vos questions.

 

 

1 - Rappel de la réglementation

2 - Une hausse de l’indice des prix à la consommation de l’alimentation

3 - Augmentation des prix des produits de grande consommation dans la grande distribution

4 - Quelles enseignes ont été le plus impactées ?

 

 

1 - Rappel de la réglementation

L’article 15 de la loi n°2018-938 du 30 octobre 2018 dite loi "Alimentation", concernant la hausse de 10 % du seuil de revente à perte, est entré en vigueur au 1er février 2019. Cette hausse est une expérimentation d’une durée de deux ans. Elle ne concerne que les denrées alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie. Quel a été l’impact du relèvement du seuil de revente à perte sur le prix des denrées alimentaires ?

Pour rappel, le seuil de revente à perte est le prix minimum auquel un distributeur a le droit de revendre un produit.

 

> Pour en savoir plus, consultez la fiche pratique INC "Le seuil de revente à perte : qu’est-ce que c’est ?"

 

Selon le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation lors d’une réponse aux questions parlementaires du 7 mars 2019, la hausse du seuil de revente à perte a pour objectif de "redonner de la valeur aux produits agricoles, de faire cesser la guerre des prix entre les distributeurs, destructrice de valeur et de mieux répartir la valeur au sein de la chaîne".

 

En effet, cette disposition vise particulièrement les produits "d’appel". Ce sont des produits que les consommateurs achètent souvent, sur lesquels les distributeurs font une marge très faible, voir nulle (c’est le cas par exemple de la bouteille de Coca-Cola). Cette guerre des prix sur les produits d’appel est permise par des marges importantes réalisées sur les autres produits alimentaires, et notamment les produits agricoles (fruits et légumes frais par exemple). Ces derniers sont alors relativement plus chers que les autres produits alimentaires.

 

> Pour en savoir plus sur les marges et comment est constitué le prix d’un produit, consultez la fiche pratique INC "Le prix qu’est-ce que c’est ?".

 

Toujours selon le ministère, cette disposition permettrait au distributeur de "rééquilibrer ses marges sur l’ensemble des produits alimentaires vendus en rayon, et ainsi de redonner de la valeur et du prix aux productions agricoles".

 

 

2 - Une hausse de l’indice des prix à la consommation de l’alimentation

Chaque mois, l’INSEE publie son indice des prix à la consommation. Voici un tableau regroupant ces données pour les mois de janvier et février 2019 pour les prix de l’alimentation (produits alimentaires, boissons non alcoolisées et boissons alcoolisées).

 

 

Regroupement de produits Indice janvier 2019 Évolution sur un an Indice février 2019 Évolution sur un an
PRODUITS ALIMENTAIRES 105,73 + 2,9 % 105,77 + 3,1 %
Pain et céréales 102,35 + 1,6 % 102,59 + 1,9 %
Viande 103,58 + 1,6 % 104,20 + 1,8 %
Poissons et fruits de mer 115,34 + 3,6 % 111,55 + 3,0 %
Lait, fromage et oeufs 102,27 + 2,0 % 102,58 + 2,3 %
Huiles et graisses 114,69 + 6,7 % 115,48 + 7,4 %
Fruits 110,63 + 3,2 % 110,92 + 2,5 %
Légumes 114,98 + 9,6 % 114,44 + 10,3 %
Sucre, confiture, miel, chocolat et confiseries 101,62 + 0,7 % 101,90 + 1,2 %
Produits alimentaires non classés ailleurs 97,15 + 0,1 % 97,49 + 0,3 %
BOISSONS NON ALCOOLISÉES 102,48 + 2,2 % 102,92 + 2,7 %
Café, thé, cacao 102,03 + 0,8 % 102,43 + 1,1 %
Eaux minérales et boissons sans alcool 102,68 + 2,9 % 103,15 + 3,4 %
BOISSONS ALCOOLISÉES 103,66 + 1,8 % 104,58 + 2,7 %
Alcool de bouche 100,51 + 0,7 % 102,74 + 3,2 %
Vin et boissons fermentées 106,03 + 2,7 % 106,24 + 2,7 %
Bières 103,44 + 1,6 % 103,59 + 1,9 %
ALIMENTATION 105,23 + 2,7 % 105,41 + 3,1 %

Source : INC d'après les données de l'INSEE.

 

En février 2019, les prix sur l’ensemble des produits (alimentation, tabac, habillement, logement …) ont augmenté de + 1,3 % par rapport à l’année précédente en février 2018. En ce qui concerne l’alimentation, les prix accélèrent plus rapidement avec une hausse de + 3,1 % sur la même période. C’est la troisième hausse la plus importante après le tabac (+ 14 %) et l’énergie (+ 3,2 %).

 

On constate une accélération de la hausse des prix alimentaires (hors produits frais, ceux-ci n’étant pas visés par la loi "Alimentation", l’augmentation du prix est entre autres due à la météo) notamment pour :

 

  • Les alcools de bouche : + 3,2 % sur un an (contre + 0,7 % le mois précédent). Une hausse qui concerne les spiritueux et les liqueurs, la hausse des prix du vin étant restée stable sur un an entre janvier et février.
  • Les huiles et les graisses : une hausse + 7,4 % contre + 6,7 % en janvier, notamment due à une forte hausse des prix du beurre. Pour plus d’informations, consultez la fiche pratique INC "Que se passe-t-il sur le marché du beurre ?".
  • Les eaux minérales et les boissons sans alcool : + 3,4 % en février 2019 (contre + 2,9 % en janvier) avec une hausse particulièrement élevée observée sur les prix des boissons rafraîchissantes (sodas) (+ 6% par rapport à février 2018).

 

3 - Augmentation des prix des produits de grande consommation dans la grande distribution

Chaque mois, en parallèle de la publication de l’indice des prix à la consommation, l’INSEE publie également un indice des prix des produits de grande consommation dans la grande distribution. Selon leur définition, les produits de grande consommation regroupent l’alimentation hors produits frais (fruits, légumes, poissons et crustacés frais), les articles de ménages non durables et les appareils, ainsi que les produits de soins personnels.

 

En février 2019, les prix des produits de grande consommation dans la grande distribution ont augmenté en moyenne de + 0,4 % par rapport au mois de janvier, et de + 1,5 % par rapport à l’année dernière en février 2018.

 

En regardant plus en détail par type de produits, on constate que les prix des produits d’entretien, d’hygiène et de beauté ont légèrement baissé (- 0,1 %), tandis que les prix des produits alimentaires ont augmenté de + 0,5 % par rapport au mois de janvier. Une hausse particulièrement forte sur les boissons (+ 0,7 %) et la viande (+ 0,6 %).

 

On constate donc, au regard des deux indices de l'INSEE, que les prix ont bien été impactés à la hausse par le relèvement du seuil de revente à perte.

 

 

4 - Quelles enseignes ont été le plus impactées ?

Le magazine Linéaires du mois de mars 2019 propose un relevé des prix, dans dix enseignes majeures, effectué le 28 décembre 2018 et le 17 février 2019 sur deux paniers distincts, via les drives des enseignes concernées.

 

Le premier panier de marques "majeures" rassemble 54 références alimentaires de produits d’appel (pot de Nutella de 400 grammes, Ricoré de 260 grammes, Emmental cœur de meule Président de 250 grammes, Kinder Bueno par 6 …). Le deuxième panier de marques "mineures", en marge de la guerre concurrentielle, rassemble des produits de marques du type Mottin Charentais, Végétaline … Voici un tableau récapitulatif reprenant l’évolution des prix des deux paniers entre les deux dates :

 

Enseignes Panier de marques majeures Panier de marques mineures
Auchan + 0,7 % + 0,2 %
Carrefour + 4,5 % + 2,1 %
Carrefour Market + 1,7 % + 0,3 %
Casino - 0,2 % 0,0 %
Cora + 2,8 % + 0,7 %
E. Leclerc + 4,2 % + 0,9 %
Géant + 5,7 % + 1,1 %
Intermarché + 3,3 % + 0,7 %
Monoprix + 0,4 % - 0,2 %
Super U + 2,9 % + 0,7 %
Ensemble + 2,7 % + 0,8 %

Source : INC d'après les données du Linéaires de mars 2019

 

En moyenne, le prix du panier des marques majeures a augmenté de + 2,7 % entre le 28 décembre 2018 et le 17 février 2019, et celui des marques mineures de + 0,8 %.

 

Le prix du panier des marques majeures a évolué entre – 0,2 % et + 5,7 % selon les enseignes. Les enseignes les plus impactées à la hausse par la loi sont Géant avec une hausse de + 5,7 % du prix du panier, Carrefour (+ 4,5 %) et E. Leclerc (+ 4,2 %). Seul Casino voit le prix moyen de son panier de marques majeures diminuer (- 0,2 %). Celui du Monoprix a été peu affecté (+ 0,4 %).

 

L'évolution du prix du panier de marques mineures oscille entre – 0,2 % et + 2,1 % selon les enseignes. Une fois de plus, les prix des paniers qui ont le plus augmenté sont ceux de Carrefour (+ 2,1 %), Géant (+ 1,1 %) et E. Leclerc (+ 0,9 %). Le prix du panier des marques mineures s’est stabilisé pour Casino, et a diminué pour Monoprix (- 0,2 %).

 

Le relèvement du seuil de revente a donc bien eu un impact, notamment sur les produits de marques majeures, qui sont généralement des produits d’appel. Il n’est pas étonnant de voir le trio Géant, Carrefour et E. Leclerc, être les plus impactés par la loi tant leurs pratiques de prix sont agressives du point de vue de la concurrence, notamment sur les produits d’appel (marges très faibles, voire nulles) en drive.

 

Toujours selon les données du Linéaires de mars 2019, les cinq hausses les plus importantes ont été constatées sur les produits suivants :

 

  • Emmental cœur de meule Président, 250 grammes : + 6,6 %
  • Bouillon Kub Maggi : + 7,7 %
  • Biscuits Paille d’Or, 170 grammes : + 7,8 %
  • Lindt Excellence 70%, 100 grammes : + 7,9 %
  • Nutella, 400 grammes : + 8,8 %

 

Sophie Rémond,

Economiste à l'Institut National de la Consommation


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