Pratique de "shrinkflation" ou "réduflation" : les distributeurs doivent vous informer


La réduction de la quantité des produits, tout en maintenant ou augmentant le prix, pratique dite "shrinkflation" ou "réduflation", a été maintes fois dénoncée par des associations de consommateurs (notamment par foodwatch) et 60 millions de consommateurs.

 

 

Bien que cette pratique soit légale, elle est fortement irritante pour les consommateurs. Aussi, afin de rendre ce procédé transparent, une obligation d’information a été instaurée par l’arrêté du 16 avril 2024 relatif à l’information des consommateurs sur le prix des produits dont la quantité a diminué, modifié par celui du 28 juin 2024.

 

Les distributeurs doivent ajouter une étiquette sur les emballages ou à proximité. Cette obligation d’information s’ajoute à celle relative à l’obligation d’information à l’unité de mesure ou "prix au litre et au kilo" (arrêté du 16 novembre 1999 relatif à la publicité, à l'égard du consommateur, des prix de vente à l'unité de mesure de certains produits préemballés).

 

Cette obligation est applicable depuis le lundi 1er juillet 2024. 

 

À noter : afin d’éclairer les professionnels sur leurs obligations, la DGCCRF a publié une FAQ.

 

1 - L’obligation d’information porte sur les pratiques de "shrinkflation" ou "réduflation"
2 - L’obligation d’information incombe aux distributeurs du secteur de la grande distribution
3 - L’obligation d’information porte sur les produits de grande consommation
4 - L’information sur la "shrinkflation" s’effectue par une mention "exclusive", pendant deux mois
5 - L’information doit se faire à proximité des produits et être lisible
6 - La violation de l’obligation d’information sur la "shrinkflation" est passible d’une amende administrative

 

1 - L’obligation d’information porte sur les pratiques de "shrinkflation" ou "réduflation"

L’information doit être communiquée si les deux conditions cumulatives suivantes sont réunies :

 

  • la quantité vendue est réduite (9 mouchoirs au lieu de 10, diminution de la proportion d’une part de fromage à tartiner, diminution du nombre de bouchées dans une boite de chocolat, etc.),
  • le prix ramené à l’unité de mesure ou à l’unité est augmenté.

 

Le prix à prendre en compte est le "prix de vente du produit déterminé par le distributeur, ramené à l’unité de mesure ou à l’unité (dans le cas des produits composés de plusieurs unités)", selon la FAQ de la DGCCRF.

 

Comme cela a été souligné par des associations de consommateurs et 60 millions de consommateurs, c’est-là l’une des limites du texte. Il ne s’applique pas si l’industriel modifie la composition du produit.

 

Si le produit a subi une "modification substantielle de recette (par exemple, une formule plus concentrée pour une lessive)", il s’agit d’un produit nouveau qui échappe à l’obligation d’information (FAQ DDCCRF Q11). Toutefois, il faut une modification intrinsèque du produit pour pouvoir considérer qu’il s’agit d’un nouveau produit (FAQ DGCCRF Q14).

 

Cela ne concerne pas le produit qui est présenté dans un nouvel emballage (recyclable, par exemple).

 

L’autre limite soulignée porte sur la modification des formats, lorsqu’il s’agit de la fusion de formats existants, etc.

 

Selon la FAQ de la DGCCRF, "la nécessité d’informer davantage les consommateurs, objet de l’arrêté, est née du constat que les consommateurs ne se rendaient pas compte des modifications de quantités (…). En revanche, si le nouveau format est suffisamment différent du précédent pour exclure toute confusion (par exemple, une bouteille d’eau d’un litre remplacée par une bouteille de 50 centilitres), le consommateur n’est pas susceptible d’être trompé, il y a lieu de considérer que c’est un nouveau produit pour lequel il n’y a pas de comparaison possible avec un produit antérieur (cf. Q10) et qui n’a en conséquence pas besoin de faire l’objet d’un affichage de la mention (y compris si le prix ramené à l’unité de mesure est plus élevé que pour le produit précédent)".

 

Enfin, l’obligation d’information ne s’applique pas non plus à la pratique dite "cheapflation" qui consiste à modifier la composition des produits avec des ingrédients moins chers ou bien avec les mêmes ingrédients, mais en augmentant les moins chers (par exemple en augmentant la chapelure d’un produit comme révélé par foodwatch).

 

2 - L’obligation d’information incombe aux distributeurs du secteur de la grande distribution

Cette obligation incombe aux distributeurs et non pas aux industriels.

 

Elle s’applique aux distributeurs du secteur de la grande distribution à prédominance alimentaire, pour les magasins de plus de 400 mètres carrés. Autrement dit, les supérettes et petits commerces d’alimentation générale de proximité ne sont pas concernés. De même par exemple que les établissements de restauration (lire l’article de 60 millions de consommateurs pour l’exemple de la réduction de quantité d’une sauce pommes-frites "McDonald’s met au régime sa sauce pommes-frites").

 

Seuls les magasins physiques sont concernés. Les distributeurs qui pratiquent le "drive" et les vendeurs sur Internet sont exclus du champ d'application du texte. Cette exclusion est expliquée par les règles de droit européen : "imposer une nouvelle mesure d’information des consommateurs en matière de vente à distance serait contraire au droit européen, car la directive (UE) n° 2011/83 sur les droits des consommateurs est d’harmonisation maximale en matière de vente à distance. Les Etats membres ne peuvent pas ajouter des obligations d’information précontractuelle qui ne sont pas prévues par le droit européen"  (FAQ DGCCRF Q6).

 

3 - L’obligation d’information porte sur les produits de grande consommation

L’information porte sur les produits de grande consommation : produits alimentaires et produits non alimentaires (produits d'entretien ménager, produits d'hygiène...), "préemballés à quantité nominale constante" (vendus au poids ou au volume). Sont exclus : les denrées alimentaires préemballées à quantité variable, celles vendues en vrac (non préemballées) et les produits unitaires vendus à la pièce.

 

L’arrêté s’applique également aux produits qui sont composés "d’un ensemble d’unités (ex : paquet de piles, lessive vendue en dosette, café vendu en capsule)" (FAQ DGCCRF).

Sont visés les produits de marque nationale des producteurs et ceux vendus sous marque de distributeur.

 

4 - L’information sur la "shrinkflation" s’effectue par une mention "exclusive", pendant deux mois

Le distributeur doit utiliser cette mention, à l’exclusion de toute autre : "Pour ce produit, la quantité vendue est passée de X à Y et son prix au (préciser l'unité de mesure concernée) a augmenté de …% ou …€".

 

Les deux valeurs X et Y sont exprimées, selon le cas, en poids ou en volume (au kilogramme, à l'hectogramme, au litre, au décilitre, au mètre, au mètre carré ou au mètre cube , ).

 

L'unité de mesure est le kilogramme, à l'hectogramme, au litre, au décilitre, au mètre, au mètre carré ou au mètre cube article 1er, alinéa 2 de l'arrêté du 16 novembre 1999, a susvisé.

 

 

Pour les produits composés de plusieurs unités dont la quantité baisse et pour lesquels le prix ramené à l'unité augmente, la mention suivante doit être affichée, selon les mêmes modalités : "Pour ce produit, la quantité vendue est passée de X à Y unités et son prix ramené à l'unité a augmenté de ... % ou ... €".

 

Cette obligation d'information "s'applique pendant un délai de deux mois, à compter de la date de la mise en vente du produit dans sa quantité réduite".

À noter : l’obligation s’applique aux produits mis en rayons après le 1er juillet 2024. Elle ne s’applique pas au produit "mis en rayon dans son nouveau format avant le 1er juillet" et "toujours en rayon après le 1er juillet" (FAQ DGCCRF).

 

5 - L’information doit se faire à proximité des produits et être lisible

L’information doit se faire "directement sur l'emballage ou sur une étiquette attachée ou placée à proximité de ce produit. C’est le distributeur qui choisit le support. Toutefois, l’information doit être effectuée, de façon visible, lisible et dans une même taille de caractères que celle utilisée pour l'indication du prix unitaire du produit".

 

La DGCCRF a précisé aux professionnels que "s’il était décidé de l’indiquer sur l’emballage, l’information ne doit pas être délivrée au préjudice d’autres informations communiquées sur celui-ci, par exemple, en les masquant". Par exemple, la mention ne doit pas cacher des informations relatives à la composition du produit.

 

6 - La violation de l’obligation d’information sur la « shrinkflation est passible d’une amende administrative

En cas de violation de l’obligation d’information, les distributeurs s’exposent à une amende administrative dont le montant pourra atteindre 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale (article L. 131-5 du code de la consommation). Les contrôles sont effectués par les agents de la DGCCRF. À noter qu’ils peuvent enjoindre aux distributeurs de cesser le manquement (article L. 521-1 dudit code).

 

Conseil : si vous constatez une pratique qui vous parait relever de la « shrinkflation » et qu’une information ne vous est pas communiquée, vous pouvez signaler ce manquement sur la plateforme ou l'application Signal.Conso.gouv.fr.

 

Il reste à espérer que le texte remplisse sa mission de transparence envers les consommateurs. Selon une première enquête, réalisée par l’UFC-Que Choisir du 1er au 6 juillet 2024, sur 423 magasins dans toute la France, dans 95 % des magasins aucun affichage n’a été observé. Lorsque l’information était donnée, elle pouvait être incomplète.

 

Rappelons qu’il est toujours utile de se référer au "prix au litre et au kilo", qui permet de comparer de manière objective les produits, notamment pour vérifier l’intérêt d’une promotion (« format familial », « deux paquets pour le prix d’un », etc.).

 

Patricia Foucher

Cheffe du service juridique de l’Institut national de la consommation

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