Les volets roulants dans la jurisprudence : précautions en bord de mer, garanties et responsabilités !


Les volets sont essentiels au sein d'un logement. Ils sont destinés à créer de l'obscurité, à protéger de la chaleur et du froid, mais également à assurer une certaine sécurisation de l'habitat. Cependant, des désordres suite à l'installation de volets roulants peuvent apparaitre. C'est pourquoi ils font l'objet de décisions judiciaires.

 

L'Institut national de la consommation (INC) vous propose de faire le point en la matière.

 

 

1 - L'APPLICATION DE LA GARANTIE DECENNALE PAR LES JUGES

Selon l'article 1792 du code civil : "Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination". Pour déterminer si la garantie décennale va s'appliquer, il convient d'étudier les circonstances du cas d'espèce, à savoir la nature du désordre, mais également le mode constructif (rénovation, construction, changement d'un seul volet...).  

 

Les Juges ont retenu l'application de la garantie décennale dans les cas suivants :

 

  • Des risques présents en cas de vent violent : "c'est également par des motifs pertinents que le premier juge a considéré qu'en revanche les désordres affectant les volets roulants étaient de nature décennale, retenant qu'ils ne pouvaient par vent violent, assurer leur fonction de fermeture de la villa et garantir la sécurité de l'immeuble" (Cour d'appel d'Aix-en-Provence - ch. 03 A - 15 mai 2014 - n° 12/23310).
     
  • La fissuration autour des coffres des volets roulants : "L'expert indique que les désordres affectant l'enduit autour des coffres des volets roulants sont de nature décennale en ce que la pérennité de l'enduit n'est pas assurée. Or le devis tranche 1 de la SARL mentionne clairement qu'il s'agit d'un enduit "deux couches pour assurer l'étanchéité ciment et chaux hydraulique frotassé fin en attente couche de finition avec l'ensemble couleur claire". Les fissures évolutives de l'enduit ayant une fonction d'étanchéité mais qui n'assure plus la mise hors d'eau de la maison sont donc bien des désordres de nature décennale. (Cour d'appel d'Aix-en-Provence - ch. 03 A - 25 octobre 2018 - n° 2018/299).
     
  • Le dysfonctionnement généralisé des volets roulants : "L'expert estime que les désordres étaient apparents au moment de la réception, puisqu'ils ont fait l'objet de réserves dans le procès-verbal du 20 juin 2006. Ce document fait mention du défaut d'étanchéité des menuiseries, de rayures sur les volets roulants et du fait que celui de la chambre n° 3 ne fonctionne pas. Au cours des opérations d'expertise il a été constaté par l'expert que la plupart des volets roulants ne fonctionnaient plus. Ce défaut qui affectait un seul volet roulant lors de la réception ne s'est ensuite manifesté dans toute son ampleur qu'ultérieurement dans le cadre de l'occupation des lieux. Il s'agit d'un désordre généralisé qui rend l'ouvrage impropre à sa destination puisque le clos et la sécurité de la maison ne sont plus assurés, dans la mesure où il n'est plus possible de fermer ces volets. Le caractère décennal de ce seul désordre doit donc être retenu, les autres défauts ayant été intégralement réservés à la réception (Cour d'appel de Toulouse - ch. 01 sect. 01 - 23 avril 2012 - n° 10/06514).
     
  • L'existence de blocages, de déchirures de la toile et de chutes de barres de charge : "la responsabilité des constructeurs est engagée pour les désordres affectant les stores d'un lycée constitués par des blocages rendant leur manoeuvre impossible, des déchirures de la toile plastifiée occultante dont ils sont constitués et des chutes des barres de charge fixées au bas des stores et pesant plus de 500 grammes. En effet, ces désordres, qui se sont généralisés au fil des ans, rendent incommode l'utilisation des salles de cours et des locaux d'internat, qui ne peuvent ni être protégés des rayons du soleil le jour ni être correctement occultés la nuit, et, surtout, mettent en péril la sécurité des usagers du lycée" (CAA Nantes, 4e ch., 6 mars 2009, n° 08NT00482).
     
  • L'utilisation d'un matériel peu fiable : La responsabilité décennale d'un installateur de volets roulants a été retenue pour des désordres apparus après la réception des travaux et dus à l'utilisation d'un matériel peu fiable et à une mise en œuvre contraire aux règles de l'art, ces désordres faisant obstacle à une utilisation normale des volets (CAA Lyon, 28.11.1990, n°90LY00479).
     
  • Le blocage des volets roulants maintenant le logement dans l'obscurité : "Il en va de même des volets qui se bloquent, puisqu'ils peuvent, le cas échéant, maintenir les pièces du logement dans l'obscurité. Les désordres en cause relèvent donc bien de la garantie décennale" (Cour d'appel de Reims - 1ere Chambre sect.Civile - 11 juillet 2023 - n° 22/00239).
     

2 - L'ABSENCE D'APPLICATION DE LA GARANTIE DECENNALE

Certaines décisions ne retiennent pas logiquement la garantie décennale s'il n'est pas prouvé que ces désordres compromettent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination.

 

C'est le cas notamment de la Cour d'Appel d'Angers en 2017 (Cour d'appel d'Angers - ch. A - 19 septembre 2017 - n° 15/00609) : "Il résulte du rapport d'expertise, que le volet roulant de la baie du préau ne ferme pas jusqu'au sol dans la mesure où il est sous dimensionné, une dizaine de lattes étant manquantes. En outre, certains volets roulants sont mal réglés, générant des rayures et autres poinçonnements dus au frottement sur la face extérieure. De ce chef, M. et Mme B. recherchent la responsabilité de M. et Mme H. exclusivement sur le fondement de l'article 1792 du code civil.

 

Cependant, il ne résulte ni du rapport d'expertise, ni d'aucune autre pièce, que ces désordres compromettent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination, dès lors qu'il n'est pas établi que le clos n'est pas assuré, rien ne permettant de retenir qu'il est possible de s'introduire dans les lieux par le dessous du volet trop court et que la baie qui est derrière ne ferme pas".

 

Un autre exemple où la garantie décennale n'a pas été retenue : "Des désordres affectant des velums, qui ne remplissent qu'imparfaitement leur fonction de protection contre le soleil et présentent des déformations, ne relèvent pas de la garantie décennale  à défaut de prouver que ces désordres sont de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination en raison, soit d'une élévation anormale de température à l'intérieur du bâtiment, soit d'un danger pour les occupants du fait d'un possible heurt des velums sur les parois vitrées sous l'effet d'un vent violent" (CAA Lyon, 31 mai 1994, n°93LY01109).

 

De plus, le logement entier doit être affecté comme l'a précisé la Cour d'appel de Paris en 2014.

"Il sera rappelé que des volets roulants, comme d'ailleurs des faux plafonds, constituent en droit des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage de construction qu'est l'appartement rénové, et que ne relèvent de la garantie décennale, les désordres affectant ces éléments que lorsqu'ils rendent cet ouvrage en son entier impropre à sa destination. Or en l'espèce une telle impropriété résultant des défauts des volets roulants n'est nullement démontrée". (Cour d'appel de Paris - Pôle 04 ch. 05 - 14 mai 2014 - n° 12/20273).

 

Toutefois, une autre décision nuance légèrement le raisonnement quatre mois plus tard, en rejetant l'influence du caractère dissociable de l'équipement sur l'application de la garantie. Les Juges se prononcent en ce sens : "Sur les menuiseries extérieures et volets roulants. L'expert a constaté que la quasi-totalité des volets roulants est hors d'usage et que les ventaux des portes fenêtres ne sont pas étanches à l'air. Ces désordres affectant le clos de l'ouvrage destiné à la location et ainsi impropre à sa destination, relèvent de la garantie décennale, le caractère dissociable des éléments d'équipement affectés par les désordres sur ce point étant indifférent" (Cour d'appel de Rennes - ch. 04 - 4 septembre 2014 - n° 10/08893).

 

Un revirement de jurisprudence intervenu en mars 2024 !

 

Lors de travaux de rénovation, si le volet roulant peut être enlevé sans abimer l'ouvrage, il pourra être considéré comme un élément d'équipement dissociable, qui n'est plus soumis à la garantie décennale, depuis un arrêt de la Cour de cassation en date du 21 mars 2024. En effet, les juges ont considéré que "si les éléments d'équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l'assurance obligatoire des constructeurs". Les juges d'appel avaient considéré que "les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination". Il s'agissait d'une décision constante depuis 2017. L'arrêt de mars 2024 constitue un véritable revirement de jurisprudence.

 

3 - LE NON-RESPECT DE PRECAUTIONS ADAPTEES AU BORD DE MER

Les bâtiments en bord de mer souffrent d'une dégradation plus précoce. Cela touche les murs, mais également la toiture ou les menuiseries. Des précautions particulières peuvent et/ou doivent être prises afin de ralentir la dégradation de ces éléments. C'est pourquoi les règles de l'art peuvent être spécifiques sur ces territoires. Leur non-respect peut engager la responsabilité des professionnels. La Cour d’appel de Rennes a rendu une décision n° 22/01973, le 2 novembre 2023, sur le sujet des volets roulants.

 

En l'espèce, une entreprise a posé des volets roulants sur une maison située en bord de mer. La laque a ensuite cloqué. Le maître d’ouvrage a alors engagé la responsabilité de l’entreprise. Une décision de première instance a fait l'objet d'un appel.

 

Les Juges d'appel ont considéré que "le cloquage de la laque des volets roulants (aluminium laqué) est apparu après la réception. Le désordre ne concerne pas le fonctionnement des volets, mais leur revêtement inadapté à l'environnement marin particulièrement agressif. La société (...) a manqué à son obligation d'information et de conseil en ne préconisant pas un laquage résistant à l'atmosphère marine de type Qualicoat et a engagé sa responsabilité contractuelle pour faute".

 

En conséquence, il convient d'être particulièrement vigilant lors de l'installation de volets roulants en bord de mer.

 

 

 

Virginie POTIRON,

Juriste à  l'Institut national de la consommation


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