Loi ELAN : simplification du déploiement des réseaux de communication électronique à très haute capacité
Quatre ans après la loi Alur, une nouvelle loi sur le logement a été publiée au Journal Officiel du 24 novembre 2018. Il s’agit de la loi dite "Elan" ou "portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique".
Ce texte en date du 23 novembre 2018 compte 234 articles et réforme de nombreux domaines : copropriété, location, construction, urbanisme… Le Conseil constitionnel a validé la majorité des dispositions dans sa décision en date du 15 novembre 2018.
L’Institut national de la consommation vous présente les évolutions de ce texte depuis le pré-projet de loi daté du 13 décembre 2017.
Un objectif de ces dispositions est de simplifier le déploiement des réseaux de communication électronique à très haute capacité.
1 - LE PRE-PROJET DE LOI (13 décembre 2017)
a - Les objectifs de cette mesure
Quatre objectifs principaux ont été définis par le pré-projet de loi pour simplifier le déploiement des réseaux de communication électronique à très haute capacité :
- alléger les modalités d'information du maire pour la construction de stations radioélectriques,
- simplifier les modalités d'occupation du domaine public pour les stations radioélectriques,
- simplifier les modalités de mise en oeuvre des servitudes,
- Elargir le champ de contrôle des engagements de déploiement des opérateurs
b - Le contenu du texte
1 - L'allégement des modalités d'information du maire ou du président de l'EPCI pour la construction de stations radioélectriques
La construction de stations radioélectriques est régie par l'article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques.
Cet objectif comprend deux mesures principales.
La suppression du délai imposé après le dépôt d'information auprès du maire
Auparavant, les opérateurs devaient déposer la demande d'autorisation d'urbanisme ou la déclaration préalable deux mois après avoir déposé le dossier d'information auprès du maire ou du président de l'EPCI.
Ce délai minimal est supprimé. Ils peuvent déposer la demande au moment du dépôt du dossier.
La réduction de deux mois à un mois du délai minimum imposé aux opérateurs avant de débuter les travaux lors de modifications substantielles d’installations radioélectriques, après avoir déposé le dossier d’information auprès du maire
Actuellement, toute modification substantielle d'une installation radioélectrique existante nécessitant une nouvelle demande d'accord ou d'avis auprès de l'Agence nationale des fréquences et susceptible d'avoir un impact sur le niveau de champs électromagnétiques émis par celle-ci fait également l'objet d'un dossier d'information remis au maire ou au président de l'intercommunalité deux mois avant le début des travaux.
Le délai de deux mois est réduit à un mois.
2 - La simplification des modalités d'occupation du domaine public pour les stations radioélectriques
Il s'agit d'exclure les stations radioélectriques du champ d'application de la procédure de publicité et de mise en concurrence préalable en vue d'une occupation du domaine public.
3 - La simplification des modalités de mise en oeuvre des servitudes
Conformément à l'article L. 45-9 du code des postes et des communications électroniques, les exploitants de réseaux ouverts au public bénéficient d'un droit de passage, sur le domaine public routier et dans les réseaux publics relevant du domaine public routier et non routier, à l'exception des réseaux et infrastructures de communications électroniques, et de servitudes sur les propriétés privées.
Le pré-projet de loi souhaite simplifier les modalités de mise en œuvre des servitudes instituées en vue de permettre l'installation, l'exploitation et l'entretien de réseau notamment sur et au-dessus des propriétés privées, y compris àl'extérieur des murs ou des façades, afin notamment de permettre aux opérateurs de déployer plus facilement et plus rapidement des câbles optiques aériens. Ces modalités sont prévues par l'article L. 48 du code des postes et des communications électroniques.
Deux actions principales sont prévues :
- réduire le délai minimum laissé aux propriétaires et copropriétaires afin de formuler leurs observations sur la demande de servitude de 3 à 2 mois,
- supprimer la condition d’existence d'une servitude ou d'une convention de passage antérieure pour l'obtention d'une nouvelle servitude.
4 - L'élargissement du champ de contrôle des engagements de déploiement des opérateurs
Actuellement, le ministre chargé des communications électroniques peut accepter, après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, les engagements, souscrits auprès de lui par les opérateurs, de nature à contribuer à l'aménagement et à la couverture des zones peu denses du territoire par les réseaux de communications électroniques et à favoriser l'accès des opérateurs à ces réseaux. Ce principe est fixé par l'article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques.
Ce principe est élargi à l'ensemble des zones. La référence aux zones peu denses est supprimée. L'objectif est de conforter la portée des engagements pris par les opérateurs en dehors des zones non denses.
2 - LE PROJET DE LOI (4 avril 2018)
Le projet de loi vient modifier quelques dispositions du pré-projet de loi en la matière.
2.1 - L'allégement des modalités d'information du maire ou du président de l'EPCI pour la construction de stations radioélectriques
Le présent texte n'apporte pas de modifications majeures aux dispositions du pré-projet de loi.
2.2 - La simplification des modalités d'occupation du domaine public pour les stations radioélectriques
Cette disposition a été supprimée.
2.3 - La simplification des modalités de mise en oeuvre des servitudes
Le projet de loi vient modifier le dispositif applicable sur et au-dessus des propriétés privées.
En cas de contrainte technique, l'installation est déployée à proximité de celle déjà existante. Le projet de loi précise que cela doit être réalisé en suivant au mieux son cheminement.
2.4 - L'élargissement du champ de contrôle des engagements de déploiement des opérateurs
Cette disposition est supprimée.
2.5 - Les sanctions du non-respect d'une mise en demeure portant sur le respect d'obligations de déploiement
Le projet de loi vient préciser que lorsque la personne en cause ne s’est pas conformée à une mise en demeure portant sur le respect d’obligations de déploiement prévues par l’autorisation d’utilisation de fréquences qui lui a été attribuée ou d’obligations de déploiement résultant d’engagements, elle sera condamnée à une sanction pécuniaire.
Le montant sera proportionné à la gravité du manquement apprécié notamment au regard :
- du nombre d’habitants,
- de kilomètres carrés ou de sites non couverts pour un réseau radioélectrique,
- ou du nombre de locaux non raccordables pour un réseau filaire.
Cette sanction ne pourra excéder le plus élevé des montants suivants :
- soit un plafond fixé à 130 € par habitant non couvert
- ou 3 000 € par kilomètre carré non couvert
- ou 80 000 € par site non couvert pour un réseau radioélectrique,
- ou 1 500 € par local non raccordable pour un réseau filaire.
Il s'agira donc d'un plafond fixé à 3 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos, taux porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation.
3 - LE TEXTE ISSU DE LA CMP (26 septembre 2018)
Le texte issu de la CMP confirme les mesures du projet de loi et ajoute quelques dispositions relatives aux communications électroniques.
3.1 - L'allégement des modalités d'information du maire ou du président de l'EPCI pour la construction de stations radioélectriques
Le principe
L'article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques fixe la procédure applicable lors de l'exploitation ou de la modification d'une installation radioélectrique.
Toute personne souhaitant exploiter, sur le territoire d'une commune, une ou plusieurs installations radioélectriques soumises à accord ou à avis de l'Agence nationale des fréquences en informe par écrit le maire ou le président de l'intercommunalité dès la phase de recherche et lui transmet un dossier d'information un mois avant le dépôt de la demande d'autorisation d'urbanisme ou de la déclaration préalable, sauf accord du maire ou du président de l'intercommunalité sur un délai plus court.
Toute modification substantielle d'une installation radioélectrique existante nécessitant une nouvelle demande d'accord ou d'avis auprès de l'Agence nationale des fréquences et susceptible d'avoir un impact sur le niveau de champs électromagnétiques émis par celle-ci fait également l'objet d'un dossier d'information remis au maire ou au président de l'intercommunalité un mois avant le début des travaux.
La modification
Jusqu'au 31 décembre 2022, par dérogation aux deux précédents régimes, les travaux ayant pour objectif l'installation de la quatrième génération du réseau de téléphonie mobile sur un équipement existant font l'objet d'une information préalable du maire, dès lors que le support ne fait pas l'objet d'une extension ou d'une rehausse substantielle.
3.2 - L'allégement de la procédure de sélection pour l'utilisation ou l'occupation du domaine public
Le principe
Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. Ce principe est fixé par l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques.
Une procédure de sélection doit être organisée pour obtenir le titre d'occupation ou d'utilisation du domaine public. Sauf dispositions législatives contraires, lorsque le titre permet à son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public en vue d'une exploitation économique, l'autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable. Celle-ci doit présenter toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comporter des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester.
La modification
La CMP ajoute que la procédure de sélection n'est pas applicable lorsque le titre d'occupation est destiné à l'installation et à l'exploitation d'un réseau de communications électroniques ouvert au public.
3.2 - L'impossibilité de retirer une décision d'urbanisme autorisant ou ne s'opposant pas à l'implantation d'antennes de radiotéléphonie mobile
Le principe
La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire.
Il s'agit d'un principe général fixé par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme.
La modification
Le nouveau texte vient préciser qu'a titre expérimental et par dérogation au principe général, les décisions d'urbanisme autorisant ou ne s'opposant pas à l'implantation d'antennes de radiotéléphonie mobile avec leurs systèmes d'accroche et leurs locaux et installations techniques ne peuvent pas être retirées.
Cette disposition est applicable aux décisions d'urbanisme prises à compter du trentième jour suivant la publication de la loi et jusqu'au 31 décembre 2022.
Au plus tard le 30 juin 2022, le Gouvernement établira un bilan de cette expérimentation.
3.3 - L'allégement des contraintes à respecter dans les zones de montagne ou littorales
Dans les zones de montagne
Désormais, les installations et ouvrages nécessaires à l'établissement de réseaux de communications électroniques ouverts au public ne seront plus soumis aux dispositions relatives à la loi Montagne si leur localisation dans ces espaces est nécessaire pour améliorer la couverture du territoire.
Le principe d'extension de l'urbanisation en continuité de l'urbanisation existante n'aura pas à être respecté par exemple.
Dans les zones littorales
En principe et en dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs
Cette règle ne s'appliquera pas à l'établissement des réseaux ouverts au public de communications électroniques
De plus, les contraintes sont réduites dans les communes riveraines des mers, des océans, des estuaires et des deltas.
L'atterrage des canalisations et leurs jonctions peuvent être autorisées, lorsque ces canalisations et jonctions sont nécessaires à l'établissement des réseaux ouverts au public de communications électroniques. Les techniques utilisées pour la réalisation de ces ouvrages de communications électroniques sont souterraines et toujours celles de moindre impact environnemental.
3.5 - L'élargissement de la servitude de passage pour permettre les opérations d'entretien des abords des réseaux
Le principe
Les exploitants de réseaux ouverts au public bénéficient d'un droit de passage, sur le domaine public routier et dans les réseaux publics relevant du domaine public routier et non routier, à l'exception des réseaux et infrastructures de communications électroniques, et de servitudes sur les propriétés privées.
Cette servitude est instituée en vue de permettre notamment les opérations d'entretien des abords des réseaux à très haut débit fixes et mobiles permettant d'assurer des services fixes de communications électroniques ouverts au public, telles que le débroussaillage, la coupe d'herbe, l'élagage et l'abattage :
a) Sur les bâtiments d'habitation et sur et dans les parties des immeubles collectifs et des lotissements affectées à un usage commun, y compris celles pouvant accueillir des installations ou équipements radioélectriques ;
b) Sur le sol et dans le sous-sol des propriétés non bâties, y compris celles pouvant accueillir des installations ou équipements radioélectriques ;
c) Sur et au-dessus des propriétés privées, y compris à l'extérieur des murs ou des façades donnant sur la voie publique, dans la mesure où l'exploitant se borne à utiliser l'installation d'un tiers sans compromettre, le cas échéant, la mission propre de service public confiée à ce tiers. En cas de contrainte technique, l'installation est déployée à proximité de celle déjà existante, en suivant au mieux son cheminement.
La modification
La CMP ajoute que cette disposition s'appliquera aux réseaux déployés ou projetés.
3.6 - Les conséquences de l'absence de commercialisation d'une ligne subventionnée de communications électroniques
La CMP a ajouté une disposition relative à l'absence de commercialisation d'une ligne subventionnée de communications électroniques.
Lorsqu'une ligne de communications électroniques à très haut débit en fibre optique permettant de desservir un utilisateur final est établie ou exploitée, qu'elle a bénéficié de subventions publiques, et qu'aucun opérateur ne commercialise d'accès activé à cette ligne, l'opérateur exploitant cette ligne fera droit aux demandes raisonnables d'accès activé à ladite ligne et aux moyens qui y sont associés émanant d'opérateurs, en vue de fournir des services de communications électroniques à cet utilisateur final.
L'accès fera l'objet d'une convention entre les personnes concernées. Celle-ci déterminera les conditions techniques et financières de l'accès. Elle sera communiquée à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes à sa demande.
Les différends relatifs à la conclusion ou à l'exécution de la convention seront soumis à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
4 - LE TEXTE DE LA LOI ELAN (23 novembre 2018)
Le Conseil constitionnel a validé ces dispositions dans sa décision en date du 15 novembre 2018. Elles sont présentes au sein des articles 219 et suivants de la loi Elan.
Virginie Potiron,
Juriste à l'Institut National de la Consommation