Information précontractuelle incomplète : quelles conséquences ?
Avant de conclure un contrat (un achat, une commande, une prestation de service…), le consommateur doit être informé sur les éléments essentiels du contrat. Mais parfois certaines informations essentielles comme les délais de livraison ou de réalisation des prestations ne sont pas suffisamment précis. Quels sont les recours du consommateur ? Le contrat peut-il être remis en cause ?
L’INC fait le point sur les règles du code de la consommation et la jurisprudence récente.
1 - Avant de conclure un contrat, le consommateur doit disposer d’un certain nombre d’informations
Le code de la consommation fait la distinction entre les contrats de vente conclus sur un lieu habituels de ventes et ceux qui sont conclus à distance (par internet) ou hors établissement (par démarchage)
Vente sur un lieu de vente classique (magasin, grande surface, foire…).
Les obligations précontractuelles sont énumérées par l’article L. 111-1 du code de la consommation ainsi qu’à l’article R. 111-1 du code de la consommation.
Ainsi, avant la vente d’une marchandise, le professionnel doit communiquer de manière lisible et compréhensible les informations suivantes (les informations mentionnées en italique sont celles de l’article R. 111-1 du code de la consommation) :
- Les caractéristiques essentielles du bien ou du service.
- Le prix ou tout autre avantage délivré en contrepartie, les modalités de paiement.
- En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à délivrer le bien ou à exécuter le service ; les modalités de livraison et d'exécution du contrat.
- S’il y a lieu la durée du contrat ou, s'il s'agit d'un contrat à durée indéterminée ou à tacite reconduction, les conditions de sa résiliation.
- Les informations relatives à l'identité du professionnel (nom et dénomination sociale), à ses coordonnées postales (adresse géographique et si elle est différente celle du siège social), téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte.
L'existence et les modalités de mise en œuvre :
- Des garanties légales, notamment la garantie légale de conformité (mentionnée à l’article L. 217-3 et suivants… du code de la consommation) et la garantie légale des vices cachés (mentionnée aux articles 1641 à 1649 du code civil), ou de toute autre garantie applicable.
- Des éventuelles garanties commerciales (mentionnées aux articles L. 217-21 et suivants du code de la consommation).
- Ainsi que, le cas échéant, du service après-vente (mentionné aux articles L. 217-25 et suivants du code de la consommation) et les informations afférentes aux autres conditions contractuelles.
- La possibilité de à un médiateur de la consommation et les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations. Les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation dont il relève conformément à l'article L. 616-1.
Ces dispositions s’appliquent également aux contrats conclus depuis le 1er janvier 2022 portant sur des biens à contenus numériques ou des services numériques.
Vente "hors établissement": en dehors d’un établissement commercial, vente à distance ou vente par démarchage par exemple.
Si le contrat n’est pas conclu dans un lieu de vente habituel, c’est-à-dire en dehors d’un établissement commercial (vente sur internet, démarchage à votre domicile, pendant une excursion…), les informations précontractuelles à communiquer sont définies à l’article L.221-5 du code de la consommation et l’article R. 221-2 ainsi que l’article D. 111-13 du code de la consommation.
Les informations mentionnées en italique sont celles de l’article R. 221-2 du code de la consommation.
Ainsi, avant la conclusion du contrat, le professionnel doit communiquer de manière lisible et compréhensible les informations suivantes :
- Les caractéristiques essentielles du bien ou du service…
- Le prix du bien ou du service, les modalités de paiement.
- La date à laquelle ou le délai dans lequel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à fournir le service, les modalités de livraison et d’exécution du contrat.
- S'il y a lieu, la durée du contrat ou, s'il s'agit d'un contrat à durée indéterminée ou à tacite reconduction, les conditions de résiliation.
- Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales (l'adresse géographique de son siège commercial si elle diffère de son adresse postale), téléphoniques et électroniques, et, s'il y a lieu, celle du professionnel pour le compte duquel il agit, à laquelle le consommateur peut adresser une éventuelle réclamation.
- S'il y a lieu, les moyens de communication en ligne complémentaires à ceux mentionnés au 1°. Ces moyens garantissent au consommateur d'être en mesure de conserver tous les échanges écrits avec le professionnel sur un support durable, y compris la date et l'heure de ces échanges ; aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges, aux autres conditions contractuelles et, le cas échéant, aux coûts de l'utilisation de la technique de communication à distance, à l'existence de codes de bonne conduite et aux cautions et garanties financières.
- S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales (existence et les modalités de mise en œuvre de la garantie légale de conformité ou des vices cachés), aux fonctionnalités, à la compatibilité et à l'interopérabilité du contenu numérique …
- S'il y a lieu, l'existence et les modalités de mise en œuvre de la garantie commerciale et du service après-vente mentionnées aux articles L. 217-21 et suivants.
- La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI ; s’il y a lieu les modalités de traitement prévues pour le traitement des réclamations.
- Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation.
- Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste.
- Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 221-28, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles il le perd.
- L'application d'un prix personnalisé sur la base d'une prise de décision automatisée, s'il y a lieu.
- Le coût de l'utilisation de la technique de communication à distance pour la conclusion du contrat lorsque ce coût est calculé sur une base autre que le tarif de base.
- S'il y a lieu, l'existence de codes de conduite applicables au contrat et les modalités pour en obtenir une copie ;
- S'il y a lieu, la durée minimale des obligations contractuelles du consommateur ;
- S'il y a lieu, l'existence d'une caution ou d'autres garanties financières à payer ou à fournir par le consommateur à la demande du professionnel ainsi que les conditions y afférentes.
Depuis le 28 mai 2022, ces dispositions s’appliquent également aux contrats portant sur des biens à contenus numériques ou des services numériques.
2 - Que prévoit le code de la consommation si ces informations ne sont pas communiquées au consommateur avant la conclusion du contrat ?
Quels sont les recours du consommateur si la date de livraison est imprécise, si les dimensions d’un meuble sont imprécises parce que le vendeur n’’est pas venu sur place prendre les mesures, si le prix n’est pas déterminé … ?
Selon le lieu de conclusion du contrat, les sanctions prévues par le code de la consommation sont différentes :
S’il s’agit d’un contrat conclu hors établissement :
Le code de la consommation prévoit la nullité du contrat si les informations précontractuelles énumérées à l’article L.221-5 du code de la consommation ne sont pas respectées. (article L. 242-1 du code de la consommation).
- Le vendeur doit détailler le délai de chacune des prestations (fourniture de matériel et installation).
Ainsi, si le contrat comporte la fourniture et l'installation d'un matériel, le vendeur doit indiquer un délai individuel pour chacune des prestations : la livraison et l'installation. Il ne peut pas indiquer un délai global (Cass. Civ 1, 20 décembre 2023, pourvoi n° 22-13014).
- Le vendeur doit être précis sur la date ou le délai de livraison ou d’exécution de la prestation.
Ainsi, l’indication d’un "délai maximum" dans les CGV d’un contrat de vente et de pose de panneaux photovoltaïques ne permet pas de suppléer l’absence d’indication, sur le bon de commande, de la date d’exécution des différentes prestations. Le contrat ne satisfait pas aux exigences formelles, prévues à peine de nullité, du le code de la consommation. Les juges prononcent la nullité du contrat ce qui entraine la restitution de la chose vendue et celle du prix. (Cass. Civ 24 janvier 2024, pourvoi n°21-20693).
- L’absence d’indications sur les caractéristiques essentielles du produit met le consommateur dans l’impossibilité de faire une comparaison avant de s’engager.
Ainsi, un bon de commande qui ne précise pas la nature de la peinture employée pour les travaux de rénovation, met le consommateur dans l’impossibilité de procéder à une comparaison avec d’autres professionnels. Les juges confirment la nullité du contrat (contrat conclu hors établissement) pour manquement aux obligations précontractuelle d’information (Aix en Provence, 8 mars 2023 RG n° 21/13809).
S’il s’agit d’un contrat conclu sur un lieu de vente habituel (magasin, grande surface…) :
Le code de la consommation n’a pas prévu de sanctions spécifiques. Il s’agit certes de dispositions d’ordre public (article L. 111-8 du code de la consommation), mais aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect.
Le code de la consommation ne prévoyant pas de sanctions, les juges s’appuient sur les dispositions du code civil pour prononcer la nullité du contrat.
- Vices de consentement (articles 1130 et suivants du code civil).
Lorsque les exigences de l’article L. 111-1 du code de la consommation concernant les informations précontractuelles (caractéristiques du produit, prix, délai de livraison…) ne sont pas communiquées avant la signature du bon de commande, les juges estiment que le consentement du consommateur n’est pas valable.
Ainsi, à propos d'un contrat de fourniture et installation de panneaux photovoltaïques conclu à l'occasion d'une foire, qui ne mentionne ni les caractéristiques essentielles des produits achetés ni le délai de livraison et d'installation de ces produit, les juges constatent que le contrat ne respecte pas les exigences de l'article L. 111-1 du code de la consommation. En l’absence d’informations sur les "éléments essentiels" du contrat, il en résulte que le consentement du consommateur est vicié pour cause d'erreur. Les juges prononcent la nullité du contrat sur le fondement de l'article 1130 du code civil (Civ.1, 20 décembre 2023, pourvoi n° 22-18928).
Le principe ainsi posé par la Cour est "qu’il résulte de la combinaison de l'article L. 111-1 du code de la consommation, qui n'assortit pas expressément de la nullité du contrat le manquement aux obligations d'information précontractuelles qu'il énonce, et de l'article 1112-1 du code civil, qu'un tel manquement du professionnel à l'égard du consommateur entraîne néanmoins l'annulation du contrat, dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants du code civil, si le défaut d'information porte sur des éléments essentiels du contrat".
- La sanction du non-respect des exigences de l’article L. 111-1 du code de la consommation par les cours d’appel.
De nombreuses décisions portent sur les bons de commande d’installation de cuisine imprécis.
Régulièrement, les juges de cours d’appel prononcent la nullité du bon de commande en s’appuyant sur différents arguments juridiques.
- Par exemple, lorsque le bon de commande conclu sur une foire, ne comprend pas les informations relatives aux caractéristiques essentielles et notamment le plan d'implantation. Les juges s’appuient sur l'article 1178 du code civil qui dispose qu'un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul, pour prononcer la nullité du contrat. (CA Paris, 9 février 2023, RG n° 20/05365).
- En présence d’un bon de commande qui ne prévoit pas la description des travaux indispensables, les juges rappellent la recommandation n°82-03 concernant les contrats d’installation de cuisine, et prononcent la nullité du bon de commande (CA Angers, 5 nov. 2013, n° 12/01842).
- A défaut de métré précis et de vérification des contraintes techniques sur les lieux du projet parce que la maison est en construction . Les juges s’appuient sur l’article 1583 du code civil pour prononcer l’annulation de la commande. L’objet de la commande d’un agencement de cuisine et de rangement est insuffisamment déterminé pour valoir contrat définitif (CA Basse-Terre, 25 avril 2022, RG n° 21/00152).
- De même, à propos d’un bon de commande pour l’achat d’une cuisine, mentionnant un prix différent de celui indiqué dans le descriptif de mobilier, et dans lequel le vendeur se réserve la possibilité de modifier le prix, les juges constatent qu’il n’y a pas d’accord sur un prix déterminé ou déterminable entre le vendeur et l’acheteur. Pour les juges, la vente n’est pas valable et l’acompte doit être remboursé à l’acquéreur. Les juges s’appuient sur l’article 1583 du code civil selon lequel la vente est parfaite dès qu’il y a accord sur la chose ou le prix (CA Paris, 9 juin 2022, RG n° 19/08661).
Dans ces situations, les juges estiment que le contrat n’est pas valablement formé et prononcent l’annulation du bon de commande à la demande du consommateur ainsi que, le cas échéant, le remboursement de l’acompte.
Rappel : avant de faire signer le bon de commande définitif. Le cuisiniste doit se déplacer à votre domicile pour établir un métré précis de la cuisine. Il ne peut invoquer que les mesures ont été prises par le client pour s’autoriser à modifier le bon de commande ou pour se décharger de sa responsabilité si les meubles sont mal dimensionnés et incompatibles entre eux.
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Le non respect de dispositions d’ordre public peut entraîner l’annulation du contrat.
Les juges ont parfois prononcé la nullité d’un contrat pour non-respect des dispositions d’ordre public.
Le non respect des dispositions d’ordre public du décret n° 86-583 du 14 mars 1986 sur la vente de produits d’ameublement entraine la nullité du bon de commande (Cass. Civ 7 décembre 2004, pourvoi n°01-11.823).
A propos d’une intervention de nettoyage dont le prix n’avait pas été communiqué avant la signature du bon d’intervention, les juges ont estimé que la violation d'une disposition d'ordre public relative à l'information du consommateur, fait ainsi ressortir que le consentement du consommateur sur un élément essentiel du contrat a été nécessairement été vicié (Cass. civ 1, 14 novembre 2018, pourvoi n° 17-21696).
Françoise HEBERT-WIMART,
juriste à l’Institut national de la consommation