Comparaison des prix entre hyper et supermarchés : illicite au regard du droit de l’Union européenne ?

Jurisprudence


Dans le cadre de la "guerre des prix" à laquelle se livrent les enseignes françaises de grande distribution, la publicité comparative est un moyen marketing régulièrement utilisé. Il s’agit de "toute publicité qui, explicitement ou implicitement, identifie un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent" (article 2 - directive 2006/114/CE du 12 décembre 2006 en matière de publicité trompeuse et de publicité comparative ; article L. 122-1 à L. 122-7 du code de la consommation). Même si cette pratique est autorisée dans son principe, sa licéité est soumise à certaines conditions.

 

Une campagne publicitaire nationale télévisée d’une enseigne de grande distribution mettait en comparaison les prix de 500 produits de grandes marques avec ceux de ses concurrents. Les consommateurs pouvaient, dans ce contexte, se voir rembourser deux fois la différence s’ils trouvaient moins cher ailleurs. La comparaison s’effectuait entre, pour l’enseigne référente, des hypermarchés et, pour les concurrents comparés, des supermarchés. Cette information n’était visible qu’en petits caractères.

 

Un des concurrents, estimant cette publicité trompeuse (ou pratique commerciale trompeuse), a saisi les juridictions françaises à des fins de cessation de diffusion et d’octroi de dommages-intérêts à son encontre. Dans le cadre de la procédure de renvoi préjudiciel, la Cour de Justice de l’Union Européenne a été interrogée, au regard des faits, sur l’interprétation des directives 2006/114/CE (susmentionnée) et 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur.

 

Cette dernière a rappelé qu’une publicité comparative, pour être licite, devait comparer objectivement les prix et ne pas être trompeuse.

 

Dans le cas présent, les enseignes faisant l’objet de la publicité possèdent chacune une gamme de magasins avec des formats et tailles différents. Un magasin "hyper" et un magasin "super" présentent des caractéristiques propres qui font qu’une comparaison des prix entre ces derniers peut devenir asymétrique, entraînant in fine une variation artificielle de l’écart de prix. L’objectivité de la publicité pourrait donc être faussée.

 

Par ailleurs, une telle publicité étant susceptible d’avoir une influence sur le comportement économique du consommateur, ne sera trompeuse (articles L. 121-1 à L. 121-5 du code de la consommation) que si ce dernier n’est pas informé de façon claire au sein même de celle-ci que la comparaison est effectuée entre les prix pratiqués dans des magasins à caractéristiques différentes. Cette donnée est constitutive d’une information substantielle pour le consommateur.

 

Ce sera désormais à la Cour d’appel de Paris de déterminer si cette condition est satisfaite, seule amenée à trancher au fond le litige.

 

 

(CJUE, 8 février 2017, aff. C-562-15, Carrefour Hypermarchés SAS/ITM Alimentaire International SASU).

 

 

Camille Minaud,
Juriste à l'Institut national de la consommation

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